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[bio] Emily Dickinson

EDEmily Dickinson naît le 10 décembre 1830 à Amherst dans le Massachusetts (USA).

Issue de la tradition patriarcale. Emily reçoit l’éducation traditionnelle pour une jeune fille aisée de Nouvelle-Angleterre. Elle fréquente l’école primaire puis la Amherst Academy et s’épanouit dans son foyer auprès de ses parents de sa sœur Lavinia et de son frère Austin. Ils forment une famille très unie autour de la figure du père, Edward, un avocat en vu. Austin suivra ses traces et reprendra son cabinet. Ni Emily ni sa sœur ne se marieront, elles resteront dévouées à leur famille. Emily deviendra une tante attentionnée pour les enfants de son frère et soignera sa mère devenue invalide. C’est d’abord à sa famille, principalement à sa belle-sœur Susan, qu’Emily adresse ses poèmes.

Une recluse heureuse. Mis à part un an passé au séminaire féminin de Mount Holyoke, un voyage à Philadelphie et Washington en 1853 et une cure dans les environs de Cambridge dix ans plus tard, Emily ne quittera pas Amherst. A la fin des années 1860, elle refuse même d’aller au-delà du jardin de la maison familiale. Ceci, ajouté à son habitude de se vêtir toujours en blanc, ont contribué à sa mythologie. Un amour contrarié pour le révérend Charles Wadsworth pourrait être à l’origine de ce retrait du monde. Rien n’est confirmé, si ce n’est qu’Emily a toujours fait preuve d’amitié pour cet homme. Il faut cependant remarquer qu’au sein de son petit cercle de proches et d’amis, Emily fait preuve de bonne humeur et d’esprit, et n’est en aucun cas mélancolique ou morbide. Grâce aux relations de son père, Emily se lie avec des personnalités du monde religieux, politique ou littéraire. Benjamin Newton, stagiaire chez son père, va ainsi l’initier à la poésie en lui adressant notamment les œuvres d’Emerson en 1850, au début de ses activités de poète. En 1858 elle entame une correspondance avec Samuel Bowles, directeur du Springfield Daily Republican.

Publication posthume

This is my letter to the world,
That never wrote to me,–
The simple news that Nature told,
With tender majesty.
Her message is committed
To hands I cannot see;
For love of her, sweet countrymen,
Judge tenderly of me!

Samuel Bowles juge les poèmes d’Emily trop simples et irréguliers pour plaire. Emily est ainsi découragée de tenter de se faire éditer. Elle ne publiera que sept poèmes de son vivant. Elle entame cependant en 1858 une correspondance avec celui qui l’éditera après sa mort, Thomas W. Higginson. Egalement réticent à la publier, il lui prodigue des conseils et contribue ainsi à l’encourager. La guerre de Sécession (1861-1865) coïncide avec la période de création la plus prolifique : huit cent poèmes sur les presque 1800 que l’on comptera après sa mort. Beaucoup se trouvent dans des lettres adressées à ses proches.

Ses problèmes oculaires et une série d’événements familiaux dont le décès de son père expliquent le ralentissement de son activité poétique à partir de la fin des années 1860. La fin de sa vie est marquée par une série de décès, notamment son neveu âgé de huit ans, sa mère, et le juge Otis P. Lord qu’elle a pensé épouser. Emily est très éprouvée par ces deuils. Elle meurt en 1886.
Poems. Les premiers poèmes d’Emily sont donc publiés après sa mort en 1890. La critique les dédaigne, mais ils trouvent aussitôt un lectorat si bien qu’une seconde édition en 1891 et une troisième en 1896 ont lieu. Sa correspondance est également publiée en 1894. Les éditions se succèderont ensuite jusqu’à la première édition de ses œuvres complètes en 1855.

Réception.Les critiques d’aujourd’hui s’accordent à dire qu’Emily Dickinson était en avance sur son époque et avait anticipé en quelque sorte le vingtième siècle sur lequel elle a exercé une influence certaine.

Thématiques et style. La poétesse utilise des mots simples pour méditer sur des concepts métaphysiques comme la mort ou l’immortalité, ou encore la nature. Elle met en place un système très personnel de symboles et de références. Elle se distingue également par la forme et la technique choisies : les poèmes sont brefs, les rythmes inhabituels. Le lecteur est surpris par les ruptures ou le choix des mots. Des critiques ont reprochées à Emily la liberté qu’elle prenait avec la ponctuation (notamment l’utilisation du tiret) et la grammaire, mais il s’agit d’une part importante de son travail de création.

Féminisme.Les études féministes sont nombreuses et explorent différentes thèses. Certaines ont repéré des poèmes décrivant le rôle et le ressenti des femmes dans une société patriarcale. Ces études se concentrent sur les poèmes traitant de la vie domestique, de la liberté, de la rédemption et tentent de montrer qu’Emily Dickinson s’oppose aux conventions de son époque. D’autres études s’interrogent également sur son retrait du monde : on y voit tantôt un dévouement à sa vocation poétique tantôt une dénonciation de la société. D’autres études se concentrent sur les relations qu’Emily a entretenues avec ses contemporaines, certaines soulèvent la question de son homosexualité en s’appuyant notamment sur sa correspondance. D’autres études enfin interrogent ses difficultés à publier dans un monde masculin.

Bibliographie sélective

Vivre avant l’éveil, édition bilingue Arfuyen « textes anglais », Paris, 1989. Postface de Margherita Guidacci ;

Une chambre avec vue sur l’éternité, Claire Malroux, Gallimard, 2005 ;

Dickinson and the boundaries of Feminist Theory, Mary LOEFFELSHOLE, University of Illinois, 1991.
Pour aller plus loin :

http://www.online-literature.com/dickinson/
ttp://www.emilydickinsoninternationalsociety.org/
http://www.enotes.com/feminism-literature/dickinson-emily
http://www.earlywomenmasters.net/essays/

Ecrit par Daisy (28/05/09)

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[bio] Claire Démar

demarClaire Démar (1799-1833) est une saint-simonienne française, figure de proue du courant féministe du saint-simonisme.
Une vie inconnue. De sa vie, on ne sait rien ou pas grand chose. Son ralliement au saint-simonisme est connu, mais rien de son enfance, de son origine sociale, de sa condition au quotidien. Si l’Histoire ne l’a pas oubliée, c’est parce que Claire Démar nous a légué deux textes, Appel d’une femme au peuple sur l’affranchissement des femmes, rédigé de 1831 et 1833, et Ma loi d’avenir, écrit en 1833 et édité de manière posthume en 1834 par Suzanne Voilquin, autre saint-simonienne.
Un engagement utopiste. Ce que l’on sait de Claire Démar, c’est donc son choix de suivre le saint-simonisme, en une période où ce n’était déjà plus son fondateur, le comte de Saint-Simon, mais Prosper Enfantin qui, après des luttes de pouvoir effrenées avec les deux autres successeurs de Saint-Simon, s’est imposé comme chef spirituel de cette nouvelle école de pensée. Ce que le saint-simonisme offre alors, c’est une vision de la société égalitaire et libre, juste et solidaire. Du vivant de Saint-Simon, c’est un projet politique ; après sa mort, en 1825 et l’échec politique des Trois glorieuses de 1830, le courant prend la voie d’une école spirituelle et s’inspire des premières communautés chrétiennes (plus précisément des sectes gnostiques). Claire Démar s’engage auprès du saint-simonisme peu avant la Révolution de Juillet, attirée par ses trois préceptes énumérés ci-dessous et par le discours pro-femme véhiculé par Enfantin :

« Toute institution sociale doit avoir pour but l’amélioration intellectuelle, morale et physique de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre.
Abolition de tous les privilèges de naissance sans exception (y compris l’héritage)
A chacun selon ses capacités, à chaque capacité selon ses oeuvres. »
L’appel d’une femme au peuple sur l’affranchissement des femmes
Contexte de rédaction. Encouragée par la profession de foi du « Père Enfantin », avec lequel Claire Démar correspond beaucoup, selon laquelle une Femme-Messie est appelée à s’asseoir à côté du Père pour fonder la nouvelle société, Claire Démar se lance dans la rédaction de son Appel d’une femme au peuple. Elle suit en cela les dernières paroles de Saint-Simon : « L’homme et la femme, voilà l’individu social » et la conception d’Enfantin d’un amour libre, dans lequel est exclu toute idée de propriété, de possessivité, d’exclusivité et de contrainte.
Réception et féminisme du texte. Mais le texte n’est pas accueilli comme Claire Démar l’imaginait, et Prosper Enfantin est condamné par le Gouvernement à l’issue d’un procès pour « atteintes aux bonnes moeurs ». La morale en cours, contre laquelle se bat Claire Démar et dans laquelle elle voit la racine de l’exploitation des femmes, a le dessus : fragilisée, attaquée, abandonnée par les saint-simoniens, Claire Démar perd foi en son combat. Elle se donne la mort avec son amant, Perret Dessessarts, en 1833. Elle a 34 ans et lègue à la postérité un deuxième texte, Ma loi d’avenir, dans lequel elle expose son projet féministe.
Influences. Lue par Walter Benjamin, lecture dont il rend compte dans le Livre des passages, l’oeuvre de Claire Démar resta longtemps indisponible au public et eut peu de répercussions immédiates. Sans doute est-ce là l’effet de ses thèses extrêmes, qui appellent à l’abolition de la maternité et de la paternité et à une totale liberté amoureuse – liberté qui choqua, à l’époque, les saint-simoniennes elles-mêmes, et provoqua ce désaveu dont Claire Démar ne se releva pas.
Bibliographie
Claire Démar, Appel d’une femme au peuple sur l’affranchissement des femmes, suvi de Ma loi d’avenir et de la correspondance de C. Démar, éd. par Valentin Pelosse, Albin michel, 2001 (épuisé).
Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle : Le livre des passages, Le Cerf, 1989
Astrid Beuder-Mankousky, « Révolte anti-généalogique et reproduction » dansTopographies du souvenir : Le livre des passages de Benjamin, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2007
« Le siècle des saint-simoniens », exposition à la Bibliothèque de l’Arsenal, 28/11/2006 – 25/02/2007
« Les saint-simoniennes » dans M. Albistur & D. Armogathe, Histoire du féminisme français, éditions des femmes, 1977

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[bio] Anne Brontë

Anne Brontë naît en 1820 à Thornton en Angleterre ; très peu de temps après sa naissance sa famille déménage à Haworth où son père est nommé pasteur.

La plus jeune de la fratrie. Anne est la dernière-née du révérend Brontë et de son épouse Maria, qui meurt en 1821. Elle n’a donc aucun souvenir de sa mère et est particulièrement proche de sa tante Elizabeth Branwell venue vivre avec les Brontë après le décès de sa sœur. Les quatre enfants survivants, Charlotte, Branwell, Emily et Anne grandissent ensemble dans le presbytère entre les sermons méthodistes de leur tante, les récits fantastiques de leur servante, et les livres de leur père. Une grande émulation existe au sein de la fratrie : ensemble, ils lisent les journaux, la Bible, Homère, Shakespeare, Milton, Byron ou Scott, inventent et écrivent des histoires d’aventures. Emily et Anne racontent les chroniques de Gondal, tandis que Charlotte et Branwell rédigent celles d’Angria. C’est sur Branwell, le fils unique, que reposent tous les espoirs de la famille, en particulier ceux du révérend. Branwell pourtant échouera dans toutes ses entreprises artistiques avant de sombrer peu à peu dans la débauche et la dépendance. Anne est particulièrement marquée par la déchéance de son frère et utilise cette épreuve pour créer le personnage d’Arthur Huntington dans son roman The Tenant of Wildfell Hall (La recluse de Wildfell Hall) publié en 1848.

Indépendance. Anne étudie de 1835 à 1837 à Roe Head, école tenue par Miss Wholer où sa sœur Charlotte enseigne. En 1839, désireuse de ne pas dépendre de son père, elle trouve un poste auprès de la famille Inghams à Blake halls. Elle travaillera ensuite auprès des Robinsons de Thorpe Green Hall, entre 1840 à 1845. Son frère Branwell occupera à partir de 1843 la fonction de tuteur auprès du fils de la famille. Malheureusement il s’éprend de la maîtresse de maison et doit quitter son poste auréolé d’un parfum de scandale. Anne démissionne peu après et retourne à Haworth.

Une carrière littéraire interrompue. Poussée par Charlotte qui a toujours nourri une ambition artistique, Anne, de même qu’Emily, utilise l’héritage de leur tante pour publier à compte d’auteur. Les trois sœurs font donc paraître un recueil en 1846 sous les pseudonymes de Currer, Ellys et Acton Bell, chacune prenant ainsi une identité masculine et ne conservant que ses initiales. Anne/Acton contribue à 21 poèmes du recueil. L’année suivante son roman Agnes Grey est édité, mais passe inaperçu à côté des Hauts de Hurlevent et surtout de Jane Eyre. Anne rédige cependant un second roman mais est diagnostiquée tuberculeuse en janvier 1849. Le mal vient d’emporter sa sœur Emily. Elle décide d’un voyage à la mer avec sa sœur et une amie pour se soigner ; elle meurt en mai 1849 à Scarborough où elle est enterrée.

Agnès Grey

Rédaction et sujet. Agnès Grey paraît en 1847 sous le pseudonyme d’Acton Bell. Le roman raconte l’initiation de l’héroïne éponyme qui, désireuse de ne pas demeurer à la charge de sa famille ruinée par une spéculation, trouve un emploi de gouvernante auprès des Bloomfield, puis des Murray. Elle découvre ainsi la vie des gens fortunés : les incohérences en matière d’éducation, l’hypocrisie, la vanité des prétentions…

Réception et féminisme. Le roman est d’abord passé inaperçu face au roman de Charlotte Jane Eyre paru la même année. Il a en effet pâti de la comparaison avec les romans de ses sœurs parus la même année, ou a été réduit à un simple récit autobiographique. Pourtant, si Anne Brontë utilise son expérience en tant que gouvernante, on ne peut pas parler d’autobiographie.
Avec le temps la critique va distinguer ce texte de la série de romans de gouvernantes parues à la même époque parce qu’il possède des thématiques originales, notamment une critique de la société victorienne et de son culte de la vie domestique. La technique narrative est également remarquée. En 1924 Georges Moore rend hommage à Agnes Grey: « The one story in English literature in which style, characters and subject are in perfect keeping ».
La critique féministe retient essentiellement le combat féminin pour acquérir son indépendance et une reconnaissance dans la société, ainsi que la critique sociale. Anne Brontë n’a cependant ni revendications ni projet féministe.

Bibliographie sélective

Agnes Grey, The Modern Library, 2003.
The Tenant of Wildfell Hall, Penguins Books GB, 2007.
Elizabeth Langland, Anne Brontë. The Other One, Barnes and Noble books.
Edward Chitham, A life of Anne Brontë, Blackwell Publishing, 1993.

Filmographie

Les sœurs Brontë, André Téchiné, 1979.

Pour aller plus loin

http://www.online-literature.com/brontea/
http://www.kirjasto.sci.fi/abronte.htm
http://www.enotes.com/nineteenth-century-criticism/grey-agnes

Ecrit par Daisy (21/05/09).

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[club] Balzac, Les Chouans – Destinée incomplète des femmes

[photopress:chouans03.jpg,thumb,pp_image]Je pense que notre Bookclub se doit de relever ce passage concernant la condition féminine :

« Si je viens à penser que je suis seule, dominée par des conventions sociales qui me rendent nécessairement artificieuse, j’envie les privilèges de l’homme. Mais, si je songe à tous les moyens que la nature nous a donnés pour vous envelopper, vous autres, pour vous enlacer dans les filets invisibles d’une puissance à laquelle aucun de vous ne peut résister, alors mon rôle ici-bas me sourit; puis, tout à coup, il me semble petit, et je sens que je mépriserais un homme, s’il était la dupe de séductions vulgaires. Enfin tantôt j’aperçois notre joug, et il me plaît, puis il me semble horrible et je m’y refuse ; tantôt je sens en moi ce désir de dévouement qui rend la femme si noblement belle, puis j’éprouve un désir de domination qui me dévore. Peut-être, est-ce le combat naturel du bon et du mauvais principe qui fait vivre toute créature ici-bas. Ange ou démon, vous l’avez dit. Ah! ce n’est pas d’aujourd’hui que je reconnais ma double nature. Mais, nous autres femmes, nous comprenons encore mieux que vous notre insuffisance. N’avons-nous pas un instinct qui nous fait pressentir en toute chose une perfection à laquelle il est sans doute impossible d’atteindre. Mais, ajouta-t-elle en regardant le ciel et jetant un soupir, ce qui nous grandit à vos yeux…
– C’est?… dit-il.
– Hé bien, répondit-elle, c’est que nous luttons toutes, plus ou moins, contre une destinée incomplète. »

Il y a à mon avis plusieurs façons de comprendre cette « destinée incomplète »
Incomplet car elle n’est pas un homme, incomplet car c’est le destin de l’être humain, incomplet parce que la société interdit aux femmes de s’accomplir. C’est en quelque sorte la problématique que nous soulevons depuis plusieurs années.

J’ajoute qu’au début du dialogue Marie soulève toutes les remarques que j’ai faite sur la figure de l’espionne : supèrieure car pleines de charmes cachés, mais méprisante et vile…

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[club] Balzac, Les Chouans – La révolutionnaire en Mata-Hari

[photopress:sans_culotte.jpg,thumb,pp_image]De quelle manière une femme peut-elle, selon le Balzac des Chouans, participer à une révolution ? « Les femmes font rarement la guerre, mais vous pourrez, quelque vieux que vous soyez, apprendre à mon école de bons stratagèmes » : voilà ce que déclare Marie à Corentin lorsqu’elle décide de livrer l’homme qu’elle aime mais dont elle veut se venger. Engagée dès le départ par les Républicains pour séduire et livrer Le Gars, Marie rejoint la figure de la combattante cristallisée par Mata-Hari : c’est avec sa beauté et son pouvoir de séduction qu’elle lutte. Le ressort de ce combat est l’ascendant psychologique et affectif obtenu via l’éveil et la frustration du désir de l’autre. La trahison finale n’est pas un moyen mais une fin, et doit être lue comme la victoire finale d’une guerre dont le perdant n’aura même pas compris qu’elle était engagée. La qualité principalement requise est donc la capacité à se dissimuler (d’où : un certain talent pour le mensonge et la comédie), l’assurance, l’aptitude à manipuler (ce qui implique une certaine finesse psychologique) et l’absence d’empathie pour l’autre.  Tout cela dresse un portrait de la femme révolutionnaire en soldat rusé, stratège, et en combattant solitaire (il s’agit d’un duel : un contre un). Si ces qualités ne sont pas physiques et ne s’inscrivent pas dans le déroulement d’un combat « normal », elles n’en restent pas moins des ressources dont toutes les guerres ont usé.

Peut-être serons-nous amenées à retrouver cette figure de la révolutionnaire en Mata-Hari ? …

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[club] Balzac, Les Chouans – Marie et Olympe

[photopress:Fran__ois_Boucher_019.jpg,thumb,pp_image]J’ai cru relever, dans la biographie de Marie de Verneuil, quelques similitudes avec celle d’Olympe de Gouges : toutes les deux sont filles naturelles et s’installent à Paris où elle est initié à l’esprit des salons et/ou des Lumières. Elles sont également dans le parti des Républicains et soumises au joug des protections masculines. Cela ne fait pas de Marie de Verneuil une Olympe de Gouges de fiction mais dessinent le portrait des femmes révolutionnaires : le premier élément en est l’indépendance due à une absence de rattachement à un milieu social ou familial déterminée. Cette indépendance,  s’accompagne d’une liberté d’esprit, renforcée par la fréquentation des salon, qui se trouve contrariée par la nécessité d’être sous la protection financière et morale d’un homme. Les revendications de liberté et l’envie de mettre à bas l’ordre social en place peuvent alors naître. – Cela ne fait pas de Marie une féministe : mais, sous une autre plume que celle de Balzac, le personnage tel qu’il était défini aurait pu le devenir !

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[club] Balzac, Les Chouans – Courage féminin et circonstances

[photopress:marianne_europeenne.jpg,thumb,pp_image] »Ce n’était pas un des moindres phénomènes de l’époque que cette jeune dame noble jetée par de violentes passions dans la lutte des monarchies contre l’esprit du siècle, et poussée par la vivacité de ses sentiments à des actions dont pour ainsi dire elle n’était pas complice ; semblable en cela à tant d’autres qui furent entraînées par une exaltation souvent fertile en grandes choses. Comme elle, beaucoup de femmes jouèrent des rôles ou héroïques ou blâmables dans cette tourmente » (Gallimard, « Folio », p. 79).

Dans ce passage, Balzac décrit Melle de Verneuil comme « poussée » à l’héroïsme comme malgré elle. Ce qui évoque le mot de Hegel : « Rien de grand ne se fait sans passion » – à ceci près qu’ici, Balzac semble réserver cette particularité de l’action héroïque, mue seulement par l’exaltation, aux femmes. Le courage féminin aurait-il, selon lui, cette spécificité de ne pouvoir être réfléchi et d’être ainsi l’antithèse du sang-froid ? L’attitude qu’adoptera Melle de Verneuil à la fin du roman conforte dans cette lecture. Ce qui est raconté ici, c’est la folie d’une âme romantique et amoureuse, non pas un véritable courage guerrier ou révolutionnaire.- Si Melle de Verneuil a croisé assez longuement la route de Danton, c’est là encore, à l’en croire, malgré elle, parce que les choses se sont passées ainsi, sans qu’elle en ait rien voulu.

Ainsi, selon Balzac, les femmes ne pourraient-elles être révolutionnaires que malgré elles ?

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[club] Balzac, Les Chouans- Révolution, passions, tragédie

[photopress:chouans.gif,thumb,pp_image]La Révolution est en arrière-plan. Elle est sur sa fin (après le 18 Brumaire, la France entre dans une autre ère, l’échec des Vendéens et des Chouans est une évidence depuis l’échec de Charrette, Montauran dans le roman ne parvient d’ailleurs pas à unir les chefs).

En outre, la Révolution est meurtrière (il y a des massacres dans le roman), violente. J’ai compté rapidement les mots « violent » et « violence » apparaissent 30 fois dans le roman (l’adjectif 14 fois et le nom 16 fois) la plus part du temps associé aux sentiments, aux désirs ou à la passion.

C’est en effet la passion qui intéresse Balzac, bien plus que la cause et c’est elle qui occupe le premier plan et non pas les batailles ou les débats politiques (puisque sur ce point tout est déjà joué). J’ai également rapidement compté 63 occurrences du mot « passion » dans le roman. C’est elle qui dirige l’action, c’est elle qui explique la violence de la Révolution

La passion dirige les trois principaux personnages (Marie, Montauran, Mme du Gua). C’est par amour, par vengeance ou par jalousie qu’ils s’agissent ainsi et non pas dans l’intérêt de la cause. Ils n’usent pas de raison ou de stratégie : ils se mettent en danger, voire se jettent dans la gueule du loup… Corentin, lui, calcule et n’est pas guidé par la passion. Ainsi Marie lui dit : « Vous avez le coeur sec, Corentin. Vous pouvez établir de savantes combinaisons sur les événements de la vie humaine, et non sur ceux d’une passion. Voilà peut-être d’où vient la constante répugnance que vous m’inspirez. »
La note de la page 193 attire notre attention sur ce rôle de la passion et explique que c’est la volonté de Balzac que d’en faire le maître de ses personnages. La passion est donc centrale dans le roman .

Autre élément central  la fatalité. L’amour de Marie et de Montauran est condamné dès le départ, de même que la révolte des Chouans (on l’a dit quand le roman commence la Révolution est finie). Le ressors du récit est l’amour impossible : à chaque fois qu’ils se rencontrent, l’un a l’impression que l’autre se joue de  lui.  C’est seulement dans la mort qu’ils sont réunis et là aussi que s’arrête le récit.
Passion et Fatalité sont les deux éléments qui font du roman une tragédie. Dès le début d’ailleurs  Marie se pose en héroïne de tragédie (p.88).

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[club] Olympe de Gouges – Devenir de sa pensée

[photopress:gouges.jpg,thumb,pp_image]Sophie Mousset explique qu’Olympe (p.122-23) a failli être oubliée parce que sa pensée ne convenait pas au siècle suivant prônant les valeurs bourgeoises de la famille et de la maternité. En effet ses écrits sur le mariage ne correspondent pas à « un XIXème rétrograde » prônant le bonheur conjugal. Olympe ne cadre pas avec l’image des femmes victoriennes que nous avons vus car elle ne conçoit pas l’inégalité même dans le cadre de l’amour…
Il semble donc que le XIXème ait ralenti la libération des femmes… Je trouve que cette hypothèse nous permet de jeter un nouveau regard sur le travail accompli par notre bookclub…

De plus Sophie Mousset termine son ouvrage par une invitation à reconnaître le travail d’Olympe. Et bien voilà, notre bookclub l’a fait !

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[club] Olympe de Gouges – Critique du mariage

[photopress:MOdG__Mettais_03_11_1793__.jpeg,thumb,pp_image]p.24 : « Le mariage est le tombeau de la confiance et de l’amour ». On retrouve un thème présent dans notre bookclub depuis le début : le mariage (. Il est dénoncé comme une institution responsable de l’aliénation des femmes, il est dénoncé car il est inégalitaire. Olympe de Gouge a parfaitement conscience qu’il fragilise les femmes ne se contente pas de le dénoncer, elle propose des solutions pour le réformer et corriger l’inégalité Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne p.25).
Je m’arrête un instant sur cette question du mariage. Qu’est-ce que les autres auteurs proposaient face à ce problème ?
Le mariage d’amour (Austen, Brontë, Alcott, Eliott) avec le compromis idyllique (et assez hypocrite avions-nous vus) des romans victoriens.
La fuite (Browning, Woolf, Beauvoir) car la femme ne peut plus être l’égale de l’homme si elle est mère et épouse.
Une intervention politique (Moller Okin).
C’est de cette dernière solution qu’Olympe est la plus proche. C’est à mon avis une preuve de sa modernité. De même, aujourd’hui en France, il ne semble pas naturel qu’un enfant porte ou le nom de son père ou celui de sa mère… Pourtant Olympe le propose.
Cela m’amène directement au poste suivant