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[club] Edith Wharton – The Age of Innocence : Féminisme de l’œuvre

Je trouve le dispositif mis en place dans The Age of Innocence particulièrement original, du point de vue de notre problématique, car c’est bien un personnage masculin qui se sent révolté par la manière dont la société américaine comprime la liberté féminine, alors même que l’auteur est une femme. La figure de la liberté féminine qu’incarne Ellen Ollenska ne théorise pas ses revendications d’indépendance (ce qui ne signifie pas qu’elle n’en soit pas capable), mais elle fait bien davantage : elle les vit et les suit. Elle ne se contente pas de discours convenu sur la question, mais va au bout de ses convictions. La théorisation en revient à Newland, qui n’a pas à mettre en pratique ses idées, sinon en accueillant tout d’abord favorablement la demande de divorce formulée par Ellen, mais surtout en ne la rejetant pas, en ne la considérant pas « coupable » ou scandaleuse de vouloir se délivrer du joug matrimonial. Il prend en effet sa défense très tôt, et par là la défense de toutes les femmes : « Women ought to be free – as free as we are. » (p. 39) . Mais peut-être ne défend-t-il le droit des femmes que parce que, justement, il a à cœur de défendre Ellen Olenska… « The case of the Countess Ollenska had stirred up old settled convictions and set them drifting dangerously through his mind. His own exclamation : « Women ought to be free – as free as wee are », struck to the root a problem that it was agreed in his world to regard as non-existent. » Conscient de la dignité et du droit au respect de celle vers laquelle il se sent attiré, il est amené à considérer autrement « the woman question ».

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[club] Edith Wharton – The Age of Innocence : La retenue tragique

Pour continuer sur l’idée de Newland Archer comme un héros cornélien, je trouve qu’à cet arrière-fond classique de la lutte de l’homme généreux face à son destin (le terme de « generous-minded men » apparaît p. 41), Wharton ajoute la clause de la retenue de la haute société du XIXème siècle : Dallas, le fils de Newland, signale cette pudeur de son père et la qualifie d’« old-fashioned » (« You never did ask each other anything, did you ? And you never told each other anything. You just sat and watched each other, and guessed at what was going on underneath. A deaf-and-dumb asylum, in fact ! Well, I back your generation for knowing more about each other’s private thoughts than we ever have time to find out about our own. » (p. 359-360, Penguin)). J’ai d’abord trouvé cette manière de mener le récit comme ressemblant beaucoup à celle de Henry James ; et, même si Wharton était effectivement amie avec James, il s’avère en fait que, au sein de son entreprise romanesque, cette retenue a un sens historico-social plus que littéraire.
Newland n’a pas le choix de ne pas être retenu – on voit bien, lors de ses conversations avec Ellen, qu’il est plutôt de nature passionnée. C’est le monde dans lequel il a grandi et dans lequel il évolue qui lui impose cette pudeur. Et, à force de retenir ses élans, il en vient à se contenter du devoir accompli, et devient plus rêveur et mélancolique qu’actif et enflammé : à la fin du roman, il refuse de revoir Ellen, préférant par là protéger de la confrontation à la réalité ces rêves qui ont embelli son quotidien durant les trente dernières années. Le dernier chapitre me semble à ce titre présenter une scission du personnage de Newland en ses deux facettes : celle du Newland respectueux des conventions, mesuré, retenu et mélancolique, correspond au veuf de May ; celle du Newland impétueux, révolté par le poids de contraintes ridicules, écoeuré par l’hypocrisie de la société dans laquelle il évolue, est incarnée par son propre fils Dallas, qui va, lui, voir Ellen Olenska. Newland Archer pense alors qu’on dit de son fils qu’il lui ressemble – aussi, en entrant dans la pièce, Ellen aura peut être l’illusion de le retrouver, et lui, resté à l’extérieur de l’hôtel, aura l’impression d’assister, en spectateur, à leur propre histoire – la distance qu’il installe entre elle et lui correspondant à la distance qu’instaure de fait le temps qui passe, et celle que les occasions manquées induit entre rêve et réalité.
On peut enfin remarquer que le couple formé par Ellen et Newland fonctionne comme la réunion de deux doubles plus que comme celle de deux moitiés : Ellen, comme Newland, est scindée en deux, entre son respect de la bonne société car son souci des autres, de leur bien-être, et sa volonté de suivre et garantir son bonheur personnel. En cela ils se ressemblent et se comprennent nécessairement, et leur isolement respectif au sein d’un groupe qui ne dissocie pas intérêt particulier et intérêt collectif les destine à se rencontrer, et à avoir besoin l’un de l’autre – tout autant qu’elle les voue à devoir se séparer.
La fin du roman opère un retournement tragique quand Newland comprend que toute la « bonne société » a jugé d’Ellen et lui qu’ils étaient amants, alors que ce n’était justement pas le cas, et qu’il découvre les manœuvres de sa femme pour éloigner sa rivale en jouant précisément sur son sens du devoir et sa « générosité » (elle lui annonce une grossesse dont elle n’est pas encore sûre pour l’obliger à partir). Si Newland et Ellen se sont conformés à un idéal de pureté morale, c’était d’abord pour se conformer aux codes de cette bonne société ; mais celle-ci se révèle plus corrompue qu’il ne paraît (sa rigidité l’amenant à broyer des individus tels que Ellen ou Beaufort), et ce sont finalement eux qui se révèlent purs au milieu de la corruption, quand ils se sentaient coupables d’être corrompus au milieu de la pureté. Ce respect dont se targe la société est donc une notion dont elle se joue suivant son propre intérêt – quand Ellen et Newland, l’ayant prise au pied de la lettre, s’y sont soumis et s’en sont laissés écraser sans espoir de rédemption.

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[club] Edith Wharton – The Age of Innocence : Point de départ d’une réflexion historico-géographique

Je trouve The Age of Innocence particulièrement représentatif de l’idée que nous avions en ouvrant ce bookclub : examiner quel rôle la société accorde aux femmes, en particulier la société anglo-saxonne. Or ce roman indique une scission au sein de ce monde anglo-saxon : d’un côté l’Europe, de l’autre le Nouveau Monde – l’Europe étant désignée comme un lieu où les mœurs seraient plus libres et plus scandaleuses que les Etats-Unis, où prime le puritanisme. J’avais plutôt tendance à distinguer, pour ma part, au sein de l’Europe, les nations comme la France dans lesquelles la production littéraire féminine est assez faible (au XIXème s émergent seulement George Sand et Mme de Staël) de l’Angleterre qui compte beaucoup plus de femmes écrivains (les trois sœurs Brontë, Virginia Woolf, Mary Shelley, George Eliot, Burnett, Agatha Christie, E. B. Browning etc…). Du côté des Etats-Unis (et pour nous limiter à notre programme de lecture) on trouve Alcott, Dickinson, Wharton (mais il y en aurait d’autres). Pour ce qui est du droit que s’accordent les femmes à écrire, l’Angleterre semble donc être la plus avancée. – Pensons également au mouvement des suffragettes, né avec virulence outre-Manche, quand la revendication d’Olympe de Gouges à ce que soient reconnus les droits de la citoyenne (et pas seulement du citoyen) pendant la Révolution Française a été considérée comme marginale et peu porteuse. Il a fallu attendre le XXème s pour que la France écoute ses féministes, à travers la figure de Simone de Beauvoir (pourtant laissée dans l’ombre de Sartre..).
[Il serait à ce titre intéressant de comparer, à la même époque, la réception des idées de Mary Wollstonecraft et de celles d’Olympe de Gouges. Je me demande si la tradition « libertine » de la France du XVIIIème s n’y est pas pour quelque chose : car la femme y est réduite à son pouvoir de séduction et à son désir sexuel (même si, notamment chez Sade, elle n’est pas vue seulement comme objet mais bien comme sujet de (son) désir). ]
Nous avons donc tendance à opposer la culture francophone au monde anglo-saxon, alors que Wharton met dos à dos Europe et Nouveau Monde, l’Europe étant censée être plus libérée que le Nouveau Monde, tant au niveau des mœurs que de l’accès des femmes à la culture (au dernier chapitre, Newland imagine la vie qu’a du mener Ellen et la voit au milieu de conversations brillantes, visitant des musées etc). L’Europe correspond ainsi à un idéal de vie artiste et libre, cultivée et raffinée – mais qui court le risque de la dépravation et du scandale. Le Nouveau Monde, lui, est caractérisé par le sens du devoir, à un point tel que cela me fait penser aux héros généreux de Corneille, choisissant le devoir plutôt que l’amour et le bonheur.

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[club] Frances Hodgson Burnett – Little Princess : Adaptations

1939 Walter lang (avec Shirley Temple)
1995 Alfonso Cuaron (transposé aux Etat-Unis)

Mais moi je connais surtout le dessin animé japonais de Fumio Kurokawa (1985). Pour te souvenir : http://membres.lycos.fr/soussarah/

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[club] Frances Hodgson Burnett – Little Princess : Féminisme de l’oeuvre

Sara serait-elle la plus féministe de toutes nos héroïnes ? Je pense que tu serais tenter de dire oui car le roman ne présuppose pas de son avenir… Sara deviendra peut-être une parfaite épouse (vue la relation qu’elle noue avec les rares hommes du roman on devine qu’elle sera une grande séductrice) ou bien un professeur… On sait seulement qu’elle sera toujours a real princess ! C’est en effet un point féministe. Mais moi, et ma presque fameuse lecture contextuelle, je pense que ce qu’il y a de plus féministe dans ce livre c’est qu’il est écrit par une femme en 1905 et ne contient presque que des personnages féminins.
J’aimerais poser deux questions en lien avec notre thème :

Est-ce que le livre aurait pu être possible avec une Sara adulte ou adolescente ?
Je pense qu’en 1905 non. Il aurait fallu parler de mariage… Je pense que Frances Burnett utilise une enfant rêveuse très mature pour dire ce que les femmes ne pourraient pas dire… Bien sûr c’est aussi parce que l’enfant peut rêver et imaginer et que les adultes hommes ou femmes n’en ont plus le droit selon la société bien-pensante… Sara est une enfant quelque part elle est neutre. C’est aussi une stratégie pour s’adresser et eux hommes et aux femmes.

Est-ce que le livre est destiné aux petites filles ?
Je pense que si on répond oui on fait preuve de misogynie. Pourquoi l’exemple de Sara ne pourrait-il pas être montré aux garçons ? Est-ce que la bonté est réservée aux femmes ? Sara est une enfant quelque part elle est neutre… Voir ci-dessus.

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[club] Frances Hodgson Burnett – Little Princess : Sara

Elle est parfaite cette petite Sara : intelligente, juste, poète, charitable… Une véritable princesse !
J’aime bien le message : à force d’être bon ça finit par payer. Il ne faut pas céder face à la méchanceté et tomber dans la spirale de la haine et de la mesquinerie. J’aime bien voir que la bonté de Sarah est contagieuse. A la fin la boulangère influencée par l’exemple de Sara fait le bien…

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[club] Louisa Mary Alcott – Little Women : Adaptations

L’oeuvre et sa suite ont fait l’objet de trois adaptations au cinéma, et d’une à la télé. Je les ai vues. Et c’est la plus récente que je préfère. C’est la plus féministe. Les actrices sont sublimes, l’esprit est fidèle au roman : léger mais avec un message très sérieux. Je partage l’avis de Janet Maslim dans le New-York times « Stirring up a flurry of familial warmth, Ms. Armstrong instantly demonstrates that she has caught the essence of this book’s sweetness and cast her film uncannily well, finding sparkling young actresses who are exactly right for their famous roles. The effect is magical. And for all its unimaginable innocence, the story has a touching naturalness this time. “

1933 George Cukor (avec Katharine Hepburn)
1949 Mervyn Leroy
1979 David Lowell Rich (TV)
1994 Gillian Amstrong (avec Winona Ryder et Susan Sarandon)

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[club] Louisa Mary Alcott – Little Women : Suite

Louisa May Alcott a écrit une suite : Good wives et Jo’boys. On pourrait la mettre au programme ? Elle correspond plus à notre thème d’ailleurs

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[club] Louisa Mary Alcott – Little Women : Une scène osée ??

’attire l’attention sur la scène d’amour finale entre Meg et John. Comme ça lue vite fait elle n’a l’air de rien mais je trouve qu’il y a une grande liberté dans le ton et une certaine sensualité chez Meg découvrant son pouvoir de séduction… Il y a aussi de l’ironie face à ses prétentions romantiques : non John ne réagit pas comme un héros de roman et pourtant il leur ressemble…
Je donnes ici la scène . Maintenant c’est peut-être moi qui ai les idées mal placées ou simplement le recul historique qui me fait poser des yeux moqueurs sur une scène historique …dans ce cas je m’en excuse… Mais tu avoueras qu’il y a de l’humour dans cette semaine (et même de l’ironie…)

« How can I be afraid when you have been so kind to Father?
I only wish I could thank you for it. »

« Shall I tell you how? » asked Mr. Brooke, holding the small
hand fast in both his own, and looking down at Meg with so much
love in the brown eyes that her heart began to flutter, and she
both longed to run away and to stop and listen.

« Oh no, please don’t, I’d rather not, » she said, trying to
withdraw her hand, and looking frightened in spite of her denial.

« I won’t trouble you. I only want to know if you care for
me a little, Meg. I love you so much, dear, » added Mr. Brooke
tenderly.

This was the moment for the calm, proper speech, but Meg
didn’t make it. She forgot every word of it, hung her head, and
answered, « I don’t know, » so softly that John had to stoop down
to catch the foolish little reply.

He seemed to think it was worth the trouble, for he smiled
to himself as if quite satisfied, pressed the plump hand
gratefully, and said in his most persuasive tone, « Will you try and
find out? I want to know so much, for I can’t go to work with
any heart until I learn whether I am to have my reward in the end
or not. »

« I’m too young, » faltered Meg, wondering was she was so
fluttered, yet rather enjoying it.

« I’ll wait, and in the meantime, you could be learning to
like me. Would it be a very hard lesson, dear? »

« Not if I chose to learn it, but. . . »

« Please choose to learn, Meg. I love you to teach, and this
is easier than German, » broke in John, getting possession of the
other hand, so that she had no way of hiding her face as he bent
to look into it.

His tone was properly beseeching, but stealing a shy look
at him, Meg saw that his eyes were merry as well as tender, and
that he wore the satisfied smile of one who had no doubt of his
success. This nettled her. Annie Moffat’s foolish lessons in
coquetry came into her mind, and the love of power, which sleeps
in the bosoms of the best of little women, woke up all of a
sudden and took possession of her. She felt excited and
strange, and not knowing what else to do, followed a
capricious impulse, and, withdrawing her hands, said petulantly,
« I don’t choose. Please go away and let me be! »

Poor Mr. Brooke looked as if his lovely castle in the air
was tumbling about his ears, for he had never seen Meg in such
a mood before, and it rather bewildered him.

« Do you really mean that? » he asked anxiously, following
her as she walked away.

« Yes, I do. I don’t want to be worried about such things.
Father says I needn’t, it’s too soon and I’d rather not. »

« Mayn’t I hope you’ll change your mind by-and-by? I’ll
wait and say nothing till you have had more time. Don’t play
with me, Meg. I didn’t think that of you. »

« Don’t think of me at all. I’d rather you wouldn’t, » said
Meg, taking a naughty satisfaction in trying her lover’s patience
and her own power.
He was grave and pale now, and looked decidedly more like
the novel heroes whom she admired, but he neither slapped his
forehead nor tramped about the room as they did. He just stood
looking at her so wistfully, so tenderly, that she found her
heart relenting in spite of herself. What would have happened
next I cannot say, if Aunt March had not come hobbling in at
this interesting minute.

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[club] Louisa Mary Alcott – Little Women : Un microcosme

J’aime aussi le microcosme formé par les quatre filles. Elles ont toutes des caractères différents qui ne sont pas encore déterminés, elles peuvent encore basculer du côté obcur (Cf. chap. 4).
Et c’est dans l’épreuve, en l’absence du père (…) qu’elles vont grandir et devenir des femmes…