Les jeunes femmes sont toutes à leur façon assez naïves : aussi bien la femme du pasteur Griselda Clement que Miss Cram qui se laisse tromper par le faux docteur Stone qu’Anne Protheroe qui devient meurtrière par amour. Elles sont vite exaltées, très romantiques et très étourdies… Celle qui l’est le moins même si en apparence elle l’est autant est Lettice Protheroe.( P. 81 : Miss Marple remarque que Lettice n’est pas aussi « vague » qu’elle semble l’être et elle avait bien jugée Anne.)
La sagesse va aux vieilles femmes et aux domestiques qui observent, se montrent prudentes dans leurs révélations, et se gardent des effusions. Il y a cependant des nuances : Miss Marple dépasse ses voisines en perspicacité et en discrétion. Les autres restent au niveau des commérages. Miss Marple est de loin « the more dangerous » p. 109.
Il n’y a donc pas de type féminin dans le roman, les caractères sont nuancés et réalistes autant qu’un roman policier peut se permettre d’étudier les mœurs…
Ce que je trouve assez moderne et que le personnage le plus positif, Miss Marple, est une « spinster ». Cela implique qu’il n’y a pas besoin d’être mariée pour être pleinement soi-même. Je serai prudente et je ne parlerai pas de féminisme, seulement de modernité.
Remarquons aussi que Miss Marple n’a jamais quitté son village… Ceci nous rappelle Jane Austen…( La boucle est bouclée pour cette année)… Le roman en effet montre que pour résoudre des énigmes policières il ne faut pas se fier aux romans (Miss Marple les trouve éloigné de la réalité y compris ceux de son neveu) ni à des inspecteurs fameux ou zélés mais au quotidien à la simplicité… Ce n’est donc peut-être pas un hasard si Miss Marple est une femme : étant au foyer, ne pouvant pas voyager, elles ont plus le loisirs de se livrer à l’analyse de mœurs… Mais cela ne signifie pas que c’est une qualité purement féminine.
Je pense qu’il y a plusieurs façons d’interroger ce roman en rapport avec notre thème :
1) Est-ce que les femmes écrivent des romans policiers de la même façon que les hommes ?
2) Est-ce que les femmes mènent les enquêtes de la même façon que les hommes ?
3) Le roman policier est-il propre à un sexe ?
4) Comment sont présentées les femmes dans The murder at the vicarage ?
Je vais dans les posts suivants ébaucher une réponse à ces questions. Il faudrait pour bien y répondre faire des recherches que je ne peux pas menées pour l’instant. Je vais donc surtout donner des pistes pour répondre aux questions.
Je pense qu’il y a plusieurs façons d’interroger ce roman en rapport avec notre thème :
1) Est-ce que les femmes écrivent des romans policiers de la même façon que les hommes ?
2) Est-ce que les femmes mènent les enquêtes de la même façon que les hommes ?
3) Le roman policier est-il propre à un sexe ?
4) Comment sont présentées les femmes dans The murder at the vicarage ?
Je vais dans les posts suivants ébaucher une réponse à ces questions. Il faudrait pour bien y répondre faire des recherches que je ne peux pas menées pour l’instant. Je vais donc surtout donner des pistes pour répondre aux questions
Des années après la lecture du Crime de l’orient express et des Dix petits nègres (j’avais 13 ans) et d’une foule d’autres, j’ai eu autant de plaisir à lire ce roman que je n’avais pas lu.
Je n’avais pas lu de romans d’Agatha Christie depuis mes 16 ans et je ne me rappelais plus qu’il y avait un humour si délicieux dans la peinture des personnages… J’étais peut-être trop jeune à l’époque pour le remarquer ou alors la traduction gommait les effets.
Ce qui semble le plus novateur dans Mrs Dalloway, c’est la façon décomplexée avec laquelle V. Woolf aborde la question de l’homosexualité féminine. « But this question of love (she thought, putting her coat away), this falling in love with women. Take Sally Seton; her relation in the old days with Sally Seton. Had not that, after all, been love? ».
D’emblée, la question n’est pas celle de la perversion homosexuelle, de sa dimension honteuse, de la difficulté d’éprouver un désir coupable, mais celle de l’amour, tout simplement. Clarissa se souvient de quelle manière le sentiment qu’elle a éprouvé pour Sally est né en elle, la manière dont elle lui est apparue, sa beauté, le pouvoir de fascination qu’elle a exercé sur elle. Mais toujours revient le leitmotiv de la sincérité de ce sentiment d’une femme à une autre, qui fait toute son étrangeté parce que, précisément, les cadres de la société victorienne font en sorte qu’on ne puisse pas le penser sincère ou simple : « The strange thing, on looking back, was the purity, the integrity, of her feelings for Sally. It was not like one’s feeling for a man. It was completely disinterested, and besides, it had a quality which could only exist between women, between women just grown up.” Et la description du baiser en est d’autant plus émouvante, parce qu’à la fois simple et ambiguë – ambiguë parce qu’elle ne « devrait » pas paraître naturelle. Cette ambivalence se retrouve dans la manière dont Woolf parle du sentiment de Clarissa pour Sally, et c’est là un des tournants du roman.
Peut-on aller jusqu’à dire que c’est un point féministe ? On touche plus au problème de l’homosexualité en général qu’à celui de l’homosexualité féminine en particulier, mais il me semble pourtant que Woolf met ici en avant que, une femme pouvant éprouver du désir pour une autre femme, et le désir étant habituellement représenté comme la marque d’un manque, l’homme n’est pas cette force, ce surplus dont la femme serait privée, et dont elle aurait besoin – et que, réciproquement, la femme n’est pas qu’une faiblesse, une force en creux, un vide, mais qu’elle sait inventer sa manière à elle d’être un tout. Et par là, c’est aussi la possibilité d’une radicale indépendance féminine qui est affirmée.
J’observe que la figure de l’artiste est incarnée par un homme, ce qui peut paraître aller contre le fait que ce roman soit celui d’une femme : y aurait-il, dans l’écriture telle que la conçoit V. Woolf, une dominante masculine ? Qu’est-ce qu’être une femme écrivain ?
Je pense que nous aurons l’occasion de répondre plus précisément à cette question lors de nos lectures à venir ; reste que Mrs Dalloway peut présenter à ce titre une vision déformante de la conception woolfienne de la place de la femme, puisque les portraits de femme y sont reléguées du côté du quotidien, de la « ménagerie » comme disait Montaigne, quand les figures d’aventurier et d’artiste sont exclusivement masculins.
On peut tempérer cette observation en rappelant que Mrs Dalloway donne elle-même la clé du sens particulier qu’elle donne à ses « party » : elles visent à faire vivre, à provoquer la vie, l’intensité, la rencontre, l’échange… Il ne s’agit pas d’un simple divertissement futile, mais en organisant des soirées, Clarissa accomplit presque un geste artistique (une sorte d’happening victorien…). Elle met en scène l’existence de ses invités en provoquant leur rencontre ; et c’est en effet sur la réunion de Sally, Peter et Clarissa que se clôt le roman. En ce sens, Mrs Dalloway est l’alter ego de V. Woolf, metteuse en scène de la vie au sein de ses livres, artiste tournée vers la vie et non repliée sur soi comme l’est la figure négative de l’écrivain que présente Septimus.
En quoi Mrs Dalloway peut-il se prêter à l’appellation « roman féministe » ?
En vertu de son titre d’abord, qui privilégie d’emblée la figure de Clarissa : si les personnages et les focalisations se multiplient dans le roman, c’est bien le point de vue de Clarissa qui prime ; c’est autour d’elle que se construit le jeu des flux de consciences. Accorder la primauté à une femme peut en ce sens paraître féministe : c’est affirmer que la vie quotidienne de n’importe quelle femme de la haute société victorienne (quotidien se résumant pourtant à l’organisation d’une soirée) vaut la peine d’être racontée, constitue un intérêt universel.
A cause de ses personnages féminins, ensuite : Mrs Dalloway, Elizabeth, Sally, Lucrezia, Miss Kilman présente autant de visages de la féminité qu’en offre la société victorienne. La galerie de portraits ainsi offerte au lecteur balaie tout un champ de possibles de ce qu’est l’identité féminine. Mrs Dalloway et Elizabeth sont deux instantanés dans la vie d’une femme de la bonne société (l’une au moment de son passage à l’âge adulte, l’autre à son entrée dans la maturité, au moment où la préoccupation du passé prime sur celle de l’avenir). Lucrezia est une épouse aimante mais dépassée par la singularité (et la maladie) de son mari ; Miss Kilman est la figure même de la dévote frustrée et pleine de rancœur. Quant à Sally, elle présente le visage de la mère de famille comblée.
Pourtant il ne m’a pas semblé que V. Woolf se demandait ce que signifiait être une femme à travers cette galerie de portrait. Clarissa a fait un bon mariage, Peter y aspirait lui aussi : dans les deux cas, la question du mariage est posée, et est également problématique dans les deux camps. Septimus et Miss Kilman présentent deux aspects de la folie : l’une ouvertement déclarée, délirante ; l’autre plus insidieuse, car plus quotidienne, celle de la persuasion d’être persécutée et d’une rancune étendue au monde entier. La folie n’est pas le lot d’un sexe en particulier, mais celui de tous. Les regrets, non plus, ne sont pas réservés à l’un des deux « camps » : dans les romans français du XIXème où apparaît une figure de femme mariée, on y associe souvent le thème du regret, du mariage décevant, des possibilités inexplorées, de la vie manquée… Ici, c’est Peter Walsh qui, alors même qu’il semble avoir pris le taureau par les cornes en partant en Inde, à l’aventure, se révèle perclus de regrets et a le sentiment d’être passé à côté de quelque chose – de Clarissa. Car son départ n’était pas un nouvel élan, mais une fuite. Clarissa, au contraire, se répète à elle-même qu’elle ne regrette pas son choix, qu’elle a été heureuse en ménage, qu’une vie avec Peter ne lui aurait pas convenu. L’existence féminine n’est donc pas un champ de possibles nécessairement réduit ; c’est toute existence qui peut être vaste ou étroite, selon qu’on décide de la vivre pleinement ou de fuir et de différer sans cesse, par peur ou démission. Et tous sont, à ce titre, logés à la même enseigné.
Tous ces éléments me portent à penser qu’au final, Mrs Dalloway est davantage un roman sur la condition humaine, l’importance de faire les bons choix au bon moment, et la fonction de révélateur que remplit à ce sujet le passage du temps, qui en faisant émerger les regrets révèle quelles auraient été les décisions salutaires, que sur la condition féminine en particulier.
Je trouve que ce qu’il y a de plus féministe dans le roman c’est qu’il dévoile les pensées des femmes sans essayer de cacher ce qui ne serait pas bienséant (par exemple les pensées homosexuelles de Clarissa p. 36) ou bien ce qui ne serait pas en leur faveur. En contraste avec Mrs Dalloway, la parfaite hôtesse, le roman nous fait accéder à l’intimité.
Maintenant, sur notre thème, le roman pose à mon avis deux questions (auxquelles je ne veux pas répondre pour l’heure):
La première est : qu’est-ce que cela veut dire lorsque l’on dit, en parlant d’une femme, « like men » ?
p. 36 (en parlant de ce que Clarissa ressent pour les femmes) « she did undoubtedly then feel what men felt »
p. 117 “Lady Bruton had the reputation of being more interested in politics than people; of talking like a man “
Deuxième question : les femmes désirent-elles vraiment leur émancipation? La fille de Clarissa a la possibilité d’étudier, de choisir une carrière, de ne pas être seulement une épouse et une organisatrice de réceptions comme sa mère : mais le veut-elle vraiment ? (p. 150)
Les fleurs occupent une place importante dans le roman. Elles apparaissent partout, diverses variétés sont nommées à différents moments. Je ne connais pas le langage des fleurs donc je ne sais pas si cela a un sens précis… En tout cas la présence des fleurs tout au long du roman me semble faire écho à la première phrase du roman : Mrs Dalloway said she would buy the flowers herself.
Je me permets d’avancer deux hypothèses qui peuvnt être envisagées individuellement mais ne s’excluent pas mutuellement. Premièrement les fleurs symbolisent la réception que Mrs Dalloway prépare. Deuxièmement elles peuvent être là comme un symbole de féminité et plus exactement de sexualité féminine…
La réception occupe une place importante dans le roman. C’est le support de l’argument, mais c’est aussi ce qui occupe la vie de Clarissa. Elle aime recevoir. C’est pour elle à la fois le moyen de s’échapper de la réalité et le moyen d’y voir plus clair. “Every time she gave a party she had this feeling of being something not herself, and that every one was unreal in one way ; much more real in another”(p. 187-188). C’est le seul moment depuis son mariage où elle se sent vivre. Quand elle recoit, elle s’éloigne de son quotidien, mais c’est paradoxalement le moment où elle est le plus elle-même (c’est pourquoi c’est pendant la réception que Peter retrouve le sentiment d’autrefois).
Recevoir est ce qui permet à Clarissa de ne pas mourir. P. 205 : « she must assemble ». Dans les situations où ses émotions sont violentes, cela lui permet de garder sa contenace. Avec Peter par exemple ou avec sa fille (p. 139) : Remember my party ! C’est d’abord à elle qu’elle parle en disant cela.
Les personnages du roman semblent tous avoir besoin de quelque chose pour échapper au quotidien et aux poids des souvenirs et des regrets : Clarissa a les réceptions, Miss Kilman la religion, Peter son prochain mariage…