Badinter soutient (avec les difficultés que l’on a relevées) une position libérale. Avec cet argument courant chez les féministes libérales : dire que le porno, la prostitution, le viol même est une violence fait au femme n’est pas défendable car l’on remet en cause la libération sexuelle et plus encore la liberté d’expression.
Ah qu’il est difficile de s’opposer aux défenseurs de la liberté d’expression sans passer pour une vile moraliste, aigrie et frustrée (et surement lesbienne)!
Caroline West pourtant le fait car elle répond aux féministes libérales en restant dans leur camp et montre que l’on peut en restant libérale condamner la pornographie… L’article est très intéressant. Il est en ligne http://www.arts.usyd.edu.au/departs/philos/staff/west.html et s’intitule ‘The Free Speech Argument Against Pornography’.
Voilà une autre grande question : l’instinct maternel, est-ce une règle générale de la nature que des incidents de parcours viendraient entraver? Ou est-ce, selon E. Badinter, un événement que rien n’impose à la femme, l’exception à une règle générale qui serait celle de l’indifférence, de la neutralité ?
Il me semble, pour ma part, que toutes les sociétés animales témoignent d’un lien privilégié entre l’enfant et sa mère, ne serait-ce que parce que l’enfant a fait partie du corps de sa mère pendant la période de sa gestation (il a donc été elle pendant tout ce temps) et qu’il porte la moitié de son patrimoine génétique (cf nos souvenirs du Gène égoïste de Dawkins…). Si la mère prend intérêt à son enfant, c’est par égoïsme car par identification à lui. Il n’y a là rien d’exceptionnel ni de discriminant envers les femmes.
De plus, si on admet communément l’existence du « baby blues », cette phase de déprime qui intervient dans les jours suivants l’accouchement, et qui a des causes physiologiques, pourquoi ne pas accepter celle d’une certaine forme d’instinct qui inclinerait la mère à vouloir protéger son enfant?
L’instinct maternel ne me semble pas devoir être confondu avec l’amour porté ensuite (ou pas d’ailleurs) à l’individu que va devenir l’enfant en question. Des parents peuvent ne pas comprendre ou ne pas accepter les choix de vie de leur enfant ; il n’en reste pas moins un lien entre eux, un instinct de protection. Je ne vois pas en quoi cette réalité devrait abaisser la femme : car l’existence de cette instinct ne permet pas du tout d’en conclure que le rôle de la femme est seulement d’élever ses enfants. Les hommes ont eux aussi cet instinct de protection envers leurs enfants : ils ne se sacrifient pas à leur éducation pour autant.
Pour contrer là encore une des idées du livre, je ne vois pas en quoi le choix d’une femme d’arrêter de travailler pour élever ses enfants serait rétrograde, si c’est au nom d’une décision individuelle et personnelle qui n’engage aucune vision sur des rôles hypothétiques respectifs de l’homme et de la femme.
Plusieurs questions difficiles sont posées dans le livre : le harcèlement sexuel ; la définition du viol ; le port du voile à l’école. Tous sont abordés par le biais des rapports hommes/femmes, et, tels que les présente E. Badinter, ces « faits », auraient été défini comme déviants ou menaçants parce qu’ils témoignent d’une domination violente (donc illégitime) de l’homme sur la femme. Dénonçant les dérives d’une telle lecture des faits, elle dénonce donc le trop grand nombre de procès intentés pour harcèlement sexuel aux Etats-Unis, la mention d’une contrainte au « consentement » psychologique et pas seulement physique dans la définition du viol, et l’acceptation, au nom de la laïcité, d’une pratique dégradante pour la femme (le port du voile).
Il me semble pour ma part que les dérives dans le nombre de procès pour harcèlement sexuel ne doit pas remettre en cause le bien-fondé de l’introduction de ce délit dans le code pénal : les rapports de séduction ont toujours joué avec un rapport de domination et de pression exercée sur l’autre. La question, ici, n’est pas de savoir s’il s’agit d’une pression que l’homme exerce sur la femme ou l’inverse, mais de dénoncer une forme de pression qui est, en tant que telle, injuste et conduit à des dommages. Quant au viol, la contrainte psychologique existe, c’est un fait avéré par beaucoup d’études psychologiques de base (cas de la relation d’emprise, des séductions incestueuses…). Le renier me semble parfaitement aberrant. Là encore, il s’agit d’une dérive : la règle habituelle est en effet qu’un non veut dire non, et qu’un oui veut dire oui. Mais ce n’est pas parce que, dans le cas du viol, ne rien dire ça ne signifie pas dire « oui » mais tout simplement ne pas être en position psychologique de dire non , que c’est le cas dans la vie quotidienne. C’est là que le raisonnement dérive.
Enfin, le port du voile est une question à la fois religieuse et de rapport entre les sexes : si on suit le principe de respect des religions, l’Islam doit être acceptée au sein des établissements scolaires comme les autres religions ; si on voit dans le voile la marque d’une subordination de la femme à l’homme, il faut l’interdire. A deux problèmes différents, deux réponses différentes. Mettre de côté un des deux problèmes ne me semble pas cohérent.
La première question que j’aimerais soulever porte sur le sérieux du livre. Je n’ai aucun jugement pré-conçu sur Elisabeth Badinter, mais je reste un peu circonspecte à l’issue de la lecture de Fausse route. L’auteur se sert de résultats d’enquêtes sociologiques et discute les conclusions qui en ont été tirées. Elle veut montrer que ces conclusions sont solidaires d’une lecture des faits qui n’a rien d’objective, car serait celle d’une victimisation de la femme et d’une diabolisation de l’homme. Présenté comem cela, le féminisme semble en effet ne pas être une posture intellectuelle très pertinente (s’il s’agit juste de se plaindre…) ; mais n’est-ce pas un constat qui a encore cours, dans des tas d’autres cultures et sociétés que la notre? Peut-on nier que les rapports hommes-femmes ont longtemps été conduits selon un impératif de domination, à l’avantage de l’homme et au désavantage de la femme? Nul ne remet en cause l’idée selon laquelle la société occidentale a fonctionné (et fonctionne encore un peu) sur le mode du patriarcat. Alors pourquoi crier au délire quand on pointe un certain rapport de domination? Et peut-il encore y avoir féminisme sans ce constat de départ?
Admirons tout d’abord l’intelligence avec laquelle les livres sont programmés dans le Bookclub (seconde d’auto-louange très gratifiante) : Le Deuxième Sexe représentait la lutte des femmes avant la révolution sexuelle, Fausse route prétend la présenter après. Les féministes après 1970 restent face à l’angoissant gouffre ouvert par Beauvoir : la liberté… Qu’est ce qu’être une femme?
Elles empruntent des voies qui, selon Elizabeth Badinter trahissent Beauvoir et mettent en danger les progrès accomplis dans les années 70… Et nous qu’en pensons-nous?
Réponses ou plutôt tentative de réponse demain à 19heures….
The Hours permet d’ouvrir la réflexion sur : et Mrs Dalloway aujourd’hui, et Mrs Dalloway dans nos vies ?
Je lance le débat…
De Roger DALRY.
Le film est très proche du roman. Le montage accentue la mise en parallèle entre les trois femmes. C’est une adaptation réussie même si elle manque un peu de rythme. Certes le réalisateur a choisi de ne pas trop miser sur le dialogue de transmettre par les images, les mouvements, les regards et les corps mais tout de même c’est parfois un peu trop minimaliste.
C’est un roman qui parle de femmes sans jugement moral. C’est assez féministe. Par contre ce n’est pas un ouvrage militant. Il ne pose pas la question du « devenir femme » ou de « être une femme », il demande simplement ce que c’est que réussir sa vie.
Mais là où c’est intéressant c’est que l’auteur est un homme : qu’un homme réfléchisse au sens de l’existence, au bonheur à partir d’un personnage littéraire féminin c’est à mon avis tout à fait féministe (à moins qu’on considère bien sûr qu’être féministe correspond à louer la différence entre hommes et femmes) .
Cela montre que Virginia Woolf a réussi ce qu’elle préconisait : l’artiste doit dépasser toutes les contingences, y compris celles du sexe. Les femmes auront réussi en littérature quand elles seront des auteurs, et pas seulement des auteures féminines.
Donc The Hours est féministe, au sens de Virginia Woolf.
L’ouvrage reprend l’unité de temps de Mrs Dalloway : une journée.
Clarissa et Laura préparent une « party » tout comme Mrs Dalloway. Mais si la thématique est la même, il me semble que le sens de cette « party » n’est pas identique.
On pourrait écrire pour Clarissa ce que Virginia Woolf écrit à propos de Mrs Dalloway et des parties : “Every time she gave a party she had this feeling of being something not herself, and that every one was unreal in one way ; much more real in another”. L’organisation de la réception évite à Clarissa de réfléchir à son couple, à son passé… Mais en même temps, c’est cette réparation qui lui ramène tous les fantômes…
Laura essaye de se contenter avec l’organisation de l’anniversaire mais elle n’y parvient pas. Elle fait le gâteau par devoir mais elle ne parvient pas à y trouver du bonheur. Ce qui la relie à Mrs Dalloway c’est la pensée du suicide, pas la cérémonie.
On peut remarquer aussi que Clarissa a une petite amie qui s’appelle Sally. Or Mrs Dalloway avoue son amour jamais assouvi pour Sally… Clin d’œil ? Preuve que les temps changent ?
Je pense que cet ouvrage offre une réflexion sur l’échec. Le roman ouvre sur un échec « She has failed » ; « They have failed, haven’t they ?» C’est la question du roman : est-ce que les trois femmes ont échoué?
Virginia Woolf a réussi en matière de littérature : le livre montre d’abord la force de la littérature son actualité qui dépasse largement l’époque et le quotidien de l’auteure.
Clarissa n’a pas réussi sa partie…
Laura Brown a réussi la sienne, mais elle échoue à s’enfuir…
Je pense que le roman montre que l’échec est quelque chose de relatif. Tout dépend de où l’on met les priorités. Tout dépend de ses choix : il faut faire les bons choix…
Et les bons choix sont souvent ceux qui nous éloignent des autres :
Virginia a sacrifié sa santé à son œuvre. Laura Brown en quittant sa famille choisit la vie, si elle avait pensé aux siens elle aurait raté sa vie, même elle aurait choisi le suicide. Clarissa en s’occupant de Richard s’évite de penser à sa vie, à Sally…
Je ne parviens à déterminer si le livre est un appel à l’égoïsme, ou si au contraire il nous dit qu’on ne peut pas être avec les autres si on s’oublie soi-même.