[photopress:200px_Marywollstonecraft.jpg,thumb,pp_image]Regardons les magazines féminin : horoscopes, mode et histoires d’amour et de conquêtes…Trois effets de l’ignorance ou l’on maintient les femmes selon Wollstonecraft dans le chapitre XIII.
Donc ou l’éducation égalitaire qu’elle prône n’est pas encore advenue (Il y a des études qui montrent que les parents et les professeurs se comportent différemment en fonction des sexes.)ou l’éducation égalitaire est advenue mais Wollstonecraft avait tort les femmes sont différentes par nature ou l’éducation égalitaire est partiellement advenue et il y a encore de nombreuses poches de résistance.
[photopress:wollstonecraft2.jpg,thumb,pp_image]On peut remarquer que les arguments sont très proches de ceux de Beauvoir. La thèse est la même : les hommes et les femmes ont une même raison et on ne doit donc pas faire de différence entre eux. Les différences que l’on peut remarquer ne sont pas naturelles mais sont le fruit de différences d’éducation justifiées par le fait que les femmes n’auraient pas la même raison.
De même Beauvoir soutient que les filles sont éduquées autrement, que les jeunes filles sont encouragées à rêver de robes et de princes, que les femmes feraient de meilleures mères si elles étaient libres.
[photopress:wollstonecraft3.jpg,thumb,pp_image]Le texte peut être rapproché de deux textes français contemporains : la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) et la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (Olympe de Gouges, 1791).
On retrouve dans ce texte la même revendication à l’usage de la raison et à l’égalité des facultés à la base. De même Olympe de Gouge prétend améliorer non pas le sort des femmes mais celui de la société : « La garantie des droits de la femme est pour l’utilité de tous et non pour l’avantage de celle a qui elle est accordée ».
Dans cette perspective, les femmes sont considérées comme un groupe de personnes oppressés et réduites à la misère parmi d’autres groupes ainsi rabaissés (Tiers-Etat en 1789, puis plus tard les Noirs, les homosexuels etc.) et ces groupes n’aspirent qu’à se voir reconnaître les mêmes droits que le groupe dominant (Noblesse, Blancs, hommes, hétéros…)et donc à se fondre dans ce groupe…Les seules différences permises sont celles dues à une différence de mérites.
Maintenant, on peut remettre en cause l’universalité des droits de l’homme (en lui reprochant d’exclure une quantité de groupes) et réclamer des droits spécifiques en fonction de son groupe d’appartenance. Dans le cas des femmes, les arguments les plus souvent entendus sont :
– les femmes sont différentes car elles enfantent, et c’est indépassable.
– En n’accordant pas de droits spécifiques aux femmes, on se prive de comprendre le caractère spécifique de la violence faites aux femmes.
Maintenant, si on maintient que les femmes et les hommes sont différents par nature (enfantement, hormones, sensibilité…), je ne vois pas comment on peut revendiquer le même droit d’usage de la raison… Wollstonecraft est obligé de partir de là, sinon elle n’a aucune raison de réclamer un changement dans l’éducation donnée aux femmes…
[photopress:Wollstonecraft4.jpg,thumb,pp_image]Un point me semble militer en faveur du féminisme incontestable de Wollstonecraft, voire la rapprocher de l’analyse que Butler fait aujourd’hui du genre : lorsqu’elle compare les femmes avec les officiers, elle montre que, quelque soit le sexe, une éducation à la séduction produit les mêmes effets, développe les mêmes vices. C’est donc que la différence corporelle, sexuelle, ne suffit pas à elle seule à former les caractères, mais que c’est l’éducation reçue qui influe sur la personnalité morale. Wollstonecraft se trouverait donc partisance d’une théorie de la différence sexuelle comme relevant de l’acquis et non de l’inné, ce qui la place près de l’idée selon laquelle le genre (rôle sexuel) ne découle pas nécessairement du sexe (caractéristique physique naturelle).
[photopress:a_life_of_mary_wolstonecraft.jpg,thumb,pp_image]Mary Wollstonecraft dénonce l’éducation apportée aux femmes sur deux points : elle « fabrique » leur faiblesse physique ; elle les voue toutes entières à un seul but, la séduction – qui doit s’achever par le mariage. Sur ce point, Wollstonecraft s’avère très lucide (à moins qu’elle ne soit pessimiste?) sur la nature du lien amoureux : instable, il est voué à mourir si tant est qu’il est fondé uniquement sur un frémissement des sens. La femme à laquelle on apprend à charmer pour séduire, conquérir, est une femme dont le mariage ne pourra pas être heureux ; car ses charmes se basent sur son attrait physique, et que celui-ci est voué à changer. L' »âme » semble présenter à Wollstonecraft une garantie plus forte de stabilité – on serait aujourd’hui tenté de lui rétorquer qu’une personnalité non plus n’a rien d’immuable, et que même les mariages basés sur une compatibilité d’humeur et une convergence de vue risquent de se briser un jour.
Selon Wollstonecraft, le but de l’éducation des femmes n’est donc pas le mariage : c’est la séduction. Et c’est aussi cela qui les amène à développer des aptitudes au vice (manipulation, vanité, coquetterie, libertinage). Car la séduction est avant tout affaire de narcissisme : il s’agit, pour la femme, de voir son image reflétée, magnifiée, dans les égards et les attentions de l’autre. Il lui faut être une « demi-déesse » pour exister, comme l’écrit Wollstonecraft. Cette analyse rejoint celle de Beauvoir quand elle accusait les moeurs d’inciter la femme à s’objectiver, à ne pas exister pour elle-même mais pour et par un tiers.
Dès lors, l’idéal amoureux défendu par Wollstonecraft est un idéal amical, de tendresse et d’estime réciproque : puisque c’est ce à quoi doit naturellement aboutir le mariage, autant commencer par là, pense-t-elle. Le mariage est dès lors affaire de raison et n’est pas l’endroit d’un emportement des sens. Il ne peut y avoir d’amitié qu’entre des égaux : le mariage pensé comme lien amical préserve donc du danger de l’asservissement de l’un à l’autre.
Aujourd’hui que l’égalité entre les sexes est, en Occident du moins, à peu près acquise, comment penser le lien amoureux? Il me semble que beaucoup de ses codes restent liés à un jeu de domination/servitude (« l’homme propose, la femme dispose » en fait partie) toujours d’actualité.
[photopress:woll.jpg,thumb,pp_image]L’argument contre lequel se bat le plus M. Wollstonecraft est celui de la prétendue faiblesse physique des femmes. Cet argument sert en effet de base à la plupart des discours sexistes : il appuie l’idée selon laquelle la femme aurait besoin d’un protecteur, d’un maître, auquel elle devrait par conséquent se soumettre. Il en irait des rapports homme/femme comme des rapports seigneur/vassal : protection contre obéissance.
Or, selon Wollstonecraft, cette faiblesse physique n’est pas réelle (même si les constitutions corporelles de chacun des deux sexes diffèrent) : la disproportion observée entre force physique masculine et fragilité féminine est due à une différence d’éducation. L’éducation des filles entretiendrait et encouragerait leur constitution maladive. La galanterie ne serait plus que la mise en saillie exagérée de cette rencontre entre la faiblesse de la femme et l’attitude surprotectrice des hommes (attitude destinée avant tout à flatter leur ego et à renforcer l’impression de leur domination, note Wollstonecraft).
Je pense que cet argument ne porte plus trop aujourd’hui, où les performances sportives des compétitrices de haut niveau atteint des records, où on n’entretient plus la femme dans une fragilité physique fantasmée. En revanche, je suis étonnée que Wollstonecraft n’insiste pas plus sur le problème de la grossesse et du rapport à l’enfant. La grossesse est, me semble-t-il, le seul cas qui subsiste où la femme se trouve, parce que dépendante de son corps, dépendante des soins d’autrui. L’interdiction que subissaient les femmes de travailler et de gagner leur vie par elles-mêmes rendait toute situation monoparentale impossible, et imposait donc à la femme de trouver un protecteur financier (et légal), pour elle et son enfant. Voilà des cas de dépendance qui, eux, peuvent servir de base à des situations de dominations.
Reste que ramener la question du sexisme à une affaire de corps est un point intéressant, car crucial.
Féminisme fort discret.
J’ai tout de même relevé que la description de Miss Mitford ou de Miss Barrett était prétexte à aborder la condition féminine et plus spécialement des femmes écrivains.
P. 12 : je note une allusion discrète mais très claire à la morale puritaine qui refuse aux femmes le droit au plaisir et à la sexualité, mais la laisse aux animaux… « Before he was well out of his puppy-hood, Flush was a father.
Such conduct in a man even, in the year 1842, would have called for some excuse from a biographer; in a woman no excuse could have availed; her name must have been blotted in ignominy from the page. But the moral code of dogs, whether better or worse, is certainly different from ours, and there was nothing in Flush’s conduct in this respect that requires a veil now, or unfitted him for the society of the purest and the chastest in the land then. »
Je note aussi qu’Elizabeth doit s’opposer à tous les hommes (père, frère, amant) pour retrouver Flush kidnappé….
[photopress:rousseau.jpg,thumb,pp_image]Le chapitre consacré à la critique des propos des écrivains sur les femmes se limite en fait à traiter de Rousseau et de sa Sophie de l’Emile. Rousseau est d’ailleurs fréquemment cité dans l’ouvrage, acquérant la statut d’adversaire privilégié. Lui aussi prend en effet la défense de la vertu, et pense l’éducation des enfants en fonction de ce seul impératif. Seulement, il réduit la vertu de la femme à la seule obéissance au mari, ce que rejette Mary Wollstonecraft.
Or l’argumentaire de Rousseau est ambigu, et c’est ce que s’emploie à montrer Wollstonecraft. Il reconnaît que la fille est, de naissance, d’une constitution physique équivalente à celle du garçon, et que c’est son éducation qui bride ses forces physiques. Il reconnaît également que la petite fille est éduquée à feindre la faiblesse pour faire plus vivement ressentir au garçon sa force et entretenir le lien de domination qui les définit l’un par rapport à l’autre. Or, si cette domination est feinte, si elle tient d’un jeu de rôle, qu’elle ne repose sur aucune faiblesse physique, d’où vient sa nécessité? Comment Rousseau la justifie-t-il? Aucun argument ne nous l’apprend.
Par conséquent, le recours à Rousseau est peut-être d’autant plus fréquent, chez Wollstonecraft, qu’elle a le sentiment que son argumentation est imparfaite et pourrait servir la cause des femmes bien plus qu’elle ne la dessert.
[photopress:vindicationcover.jpg,thumb,pp_image]La défense que Wollstonecraft fait des droits des femmes a pour unique centre l’impératif de la vertu. C’est parce que l’éducation inculquée aux femmes les incline au vice (coquetterie, vanité, dissimulation, luxure) qu’elle doit être formée. Ce n’est donc pas, comme chez Beauvoir, la liberté qui est à l’horizon, mais un tout autre idéal. Certains commentateurs ont remarqué que cela « comprimait » le féminisme de Wollstonecraft, car dès lors le but n’est plus de rendre à la femme son statut de sujet, d’être responsable, mais de changer son maître : ce ne doit plus être son mari, mais Dieu. Pour ma part, il me semble que défendre l’idée que la vertu des femmes ne doit pas être différente de celle des hommes devant Dieu est éminemment féministe, et je ne suis pas d’accord avec ces commentateurs. Revendiquer le droit à une vertu développée par la raison, c’est revendiquer l’autonomie morale chère à Kant. C’est donc revendiquer le statut de sujet responsable, et cela suffit à prendre la défense de la liberté de la femme, donc de ses droits.
Nous avions déjà lu un « prolongement » récent d’une oeuvre de Jane Austen : le roman à succès Bridget Jones, qui se voulait une reprise de Pride dans Prejudice. Nous avions souligné à l’époque que ce qui distinguait les deux textes, c’était que Pride and Prejudice se livrait à une analyse pointue de chaque manière de contourner, sous l’ère victorienne, les conventions trop rigides qui entouraient l’institution du mariage, alors que Bridget Jones reprend sans les interroger le type du prince charmant, de l’histoire qui finit bien (une fois encore) et le topos de l’amour victorieux.
Dans The Jane Austen Book Club, il me semble que c’est, comme de Bridget Jones, une lecture trop fouillée qui guide la ré-écriture des textes d’Austen. Ne restent de ses romans que leur trame narrative, quelques caractéristiques propres à leurs personnages phares, et c’est tout. L’histoire se répète, c’est-à-dire qu’une succession de faits recommence, mais la critique féministe sous-jacente aux romans d’Austen est, par exemple, oubliée. Toute dimension sociale et politique est balayée, ce qui affadit et aplatit le propos.
Je ne pense pas que The Jane Austen Book Club soit à la hauteur du modèle qu’il se choisit. C’est un bon divertissement (et c’est sans doute la raison pour laquelle le roman va être adapté au cinéma) mais ce n’est pas une oeuvre clé de la littérature anglosaxonne contemporaine.