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[club] C. Gilligan, In a different voice – Attachement et séparation

[photopress:balance.jpg,thumb,pp_image]Selon C. Gilligan, l’esprit masculin raisonnerait selon une éthique de la justice, l’esprit féminin selon une éthique du soin ; l’homme aurait comme point de départ la séparation (de soi vis-à-vis de l’autre, du groupe) et aurait un effort à faire pour accepter de s’attacher à autrui ; pour la femme, ce serait l’inverse : la relation d’attachement serait prévalente, la séparation étant vécue comme une menace ou une épreuve, en tout cas comme une anomalie.

On peut ici faire un lien avec ce que décrivait Beauvoir : être une femme, c’est apprendre à être un objet ; dès lors, on ne se définit plus que par rapport à l’autre, et se définir par soi devient quelque chose d’inquiétant, qui ne va pas de soi. Il s’agit, au fond, d’éducation à la dépendance ou à l’indépendance, d’incitation à occuper la place de l’esclave ou du maître. Que la notion d’attachement  puisse être liée à cette attitude de soumission, de dépendance est, me semble-t-il, assez intéressant: elle montre que la « servitude volontaire » n’est pas le fait d’une lâcheté ou d’une faiblesse mais d’une vision des choses instillée dès le plus jeune âge, et que c’est par une prise de conscience progressive qu’un autre type de relations est possible que l’émancipation peut avoir lieu.

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[club] C. Gilligan, In a different voice – Ce livre est-il à sa place?

[photopress:gilligan_flammarion.jpg,thumb,pp_image]Dans un premier temps, je dirai non. C’est un livre qui s’inscrit dans un débat précis en psychologie. Et selon moi c’est d’abord un livre de philo morale (j’aurais bien aimé l’avoir lu en deuxième année pour le cours de Bruno…)  il interroge de manière stimulantes les théories classiques et modernes…

Mais dans un second temps, je pense qu’il a sa place ici car

1)Il permet de penser la différence sans mettre en compétition. Ce que Gilligan refuse c’est de dire que jack a raison, et Amy tort, qu’il y a qu’une seule façon d’envisager les questions morales, ou que l’une témoigne d’un développement supérieur à l’autre. Ce sont justes de façon différente.

2) Ce livre est aussitôt qualifié de féminisme parce qu’il est écrit par une femme et parle des femmes. Mais dans l’ouvrage, il ne me semble pas que Gilligan ait l’intention de se positionner ainsi. Pas exactement, en tout cas. il me semble qu’elle se contente de pointer une différence. C’est aussi ce qui amène à des réserves sur le livre et les interprétations qui en ont été faits. J’y reviendrais. Là je veux simplement dire que ce livre est une illustration d’un problème : les femmes qui écrivent sur les femmes sont féministes, les hommes qui écrivent sur les hommes sont philosophes…

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[club] C. Gilligan, In a different voice – Réserves

[photopress:LOGO_FEM.gif,thumb,pp_image]Il faut à mon avis être prudent avec ce livre.

Gilligan a une méthode purement empirique. Une méthode de psychologue. elle a réalisé des interviews auprès d’un panel et elle en a tiré des conclusions. Maintenant peut-on généraliser? Notons que les interviews ont été réalisé à un moment particulier (des femmes se posant la question de l’avortement) sur une question exclusivement féminine (elle aurait pu par exemple choisir une même question et la poserà des hommes et à des femmes).

D’autre part ne dit pas qu’elle met en avant une différence essentielle. Elle est peut-être due aux différences d’éducation  entre les sexes, ou à la différence de relation à la mère. Elle ne dit pas pourquoi elle observe cette différence entre les hommes et les femmes. D’ailleurs rien ne dit qu’on ne pourrait pas trouver des hommes pratiquant l’éthique de la sollicitude.

Donc je pense qu’il faut noter que le débat qui a suivi la publication du livre est le fait du radicalisation des propos de Gilligan : et si cette différence qu’elle pointe était essentielle? Et si les femmes étaient plus faites pour la sollicitude? Jo March aurait-elle donc raison de finir par se ranger et fonder une famille?

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[club] C. Gilligan, In a different voice – Egoïsme et gestion du conflit

[photopress:doisneau_cavanna__les_doigts_pleins_dencre__02_250_01.jpg,thumb,pp_image]A propos des jeux des enfants, C. Gilligan se fait l’écho d’une étude qui montre que les jeux des garçons durent plus longtemps que ceux des filles parce que, lorsqu’un conflit éclate, ceux-ci l’affrontent et le résolvent, quand les filles le fuient et l’associent à la nécessité d’arrêter le jeu. Il s’agirait, dans le cas des filles, d’éviter de mettre en danger la relation qui lie les joueuses en évitant tout conflit – comme si le conflit signait nécessairement la fin de la relation. Cette différence se ressentirait également en ce que les filles auraient tendance à éviter les situations de concurrence, étant males à l’aise avec l’esprit de compétition.

Tel n’est pas, bien entendu, le cas de toutes les filles ni celui de tous les garçons. Mais le rapport entretenu vis-à-vis de la capacité à  affronter l’adversité, à s’y mesurer, à estimer avoir des chances de l’emporter, me semble une clé dans la compréhension de « l’asservissement des femmes ». En étant encouragées à développer une morale de l’effacement, de la soumission, de l’évitement du conflit, du pacifisme et du refus de la concurrence, les femmes ont été mises en position de ne pas pouvoir se révolter ni se libérer. En posant cet « angélisme » comme une vertu morale, la logique de la domination masculine valorise la soumission et se donne les moyens de se perpétuer. – Cela semble évident, et pourtant cela a des répercussions dans bien d’autres domaines que celui des rapports entre les sexes : nombreuses sont les situations où, pour défendre ses intérêts, une femme, comme un homme, a besoin d’affronter et de vaincre l’adversité. Or, si les femmes acceptent de le faire « pour » autrui, elles rechignent à l’assumer pour elle-même, comme si elles étaient, dès lors, égoïstes (le refus de l’égoïsme par les femmes est pointé du doigt par C. Gilligan).

On comprend mieux, dès lors, pourquoi il subsiste encore aujourd’hui une telle disparité de salaires entre hommes et femmes : à qualification et poste égal, les femmes osent moins négocier leur salaire que les hommes, parce qu’elles ont été habituées à ne pas (trop) défendre leur intérêt.

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[club] Mme d’Epinay – Autobiographie et rôle social féminin

Ilest intéressant de comparer l’entreprise autobiographique à laquelle se livre Mme d’Epinay dans l’Histoire de Mme de Montbrillant avec celle que mène à bien Rousseau dans les Confessions. En effet, à la préface grandiloquente de Rousseau qui déclare que son « projet n’a jamais eu d’exemple » et qu’il veut s’y montrer tel qu’il est afin de pouvoir se présenter, les Confessions à la main, devant Dieu au moment du Jugement, ne trouve pas de contre-point chez Mme d’Epinay. Celle-ci n’exhibe pas sa mise à nu mais la recouvre. Elle la dissimule derrière le voile de la fiction et la forme (dominante) épistolaire. Je propose de voir là l’effet de la vertu de discrétion à laquelle les femmes étaient exhortées au XVIIIe siècle. Nous l’avons déjà vu avec Mme de Sévigné: les écrits privés n’étaient pas destinés à constituer une œuvre littéraire. Le récit d’une vie de femme devait-il, dès lors, se faire que de manière détournée et indirecte ? Comment expliquer la vogue des Mémoires, dans ce cas ?
Alors que le XVIIIe siècle est vu, aujourd’hui, comme le siècle où le roman se pare d’une prétention à l’authenticité afin de s’autoriser à explorer les ressources de la fiction (Manon Lescaut est censé reproduire des Mémoires, celle du chevalier Des Grieux ; de même pour la Vie de Marianne ; les romans épistolaires sont précédés de « notes de l’éditeur », qui déclare toujours avoir trouver la correspondance reproduite « par hasard »…), Mme D’Epinay navigue à contre-courant et emprunte les outils de la fiction pour dire sa vérité intime. Il y a là un choix de sa part, celui d’un projet littéraire. Son Histoire de Madame de Montbrillant va donc au-delà de Contre-Confessions, pour reprendre le titre donné à l’ouvrage par Elisabeth Badinter : il ne s’agit pas d’une manière de se raconter choisie par défaut, mais pleinement assumée. Mme d’Epinay entend, en transformant sa vie en roman, donner au récit de son parcours une dimension exemplaire. Parce que son itinéraire est typique de celui des femmes au XVIIIe siècle, il faut comme exemple, et cette dimension universelle ne peut être exprimée que par l’usage de ce détour que constitue la fiction romanesque. Rousseau, au contraire, dans ses Confessions, explore et déclame son individualité, son exception. Contrairement à ses allégations, il ne peint pas l’homme à travers lui-même mais se peint comme supérieur aux autres hommes.
Le choix opéré par Mme d’Epinay de se dire à travers un roman épistolaire lui permet de mettre en scène la réflexivité qu’implique tout récit de soi et toute introspection : il y a le « je » raconté et le « je » qui raconte, le « je » analysé et le « je » qui analyse. Ici, le « je » objet correspond au personnage de Mme de Montbrillant et je me risquerai à identifier le « je » sujet à celui du Marquis de Lisieux, tuteur de l’héroïne. C’est lui en effet qui recueille la correspondance, les extraits de journal, et qui ponctue l’ouvrage de commentaires quant aux événements de la vie d’Emilie que le texte n’explicite pas. Le « je » sujet serait donc un « je » masculin… Curieux dédoublement pour une femme écrivain, qui entend écrire le destin d’une femme !
Mme d’Epinay fait-elle là l’aveu de sa conviction que, pour écrire, une femme doit s’émanciper du rôle social auquel son siècle la confine ?

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[club] Mme d’Epinay – Du mariage

L’exemple de Mme de Montbrillant et de ses proches nous montre (à nouveau) que le mariage dans la noblesse au XVIIIème siècle est d’abord une question d’argent, qu’il laisse peu de liberté à l’épouse si ce n’est dans l’adultère. Elle n’a en principe même pas le loisir d’élever ses enfants. p. 396 « la liberté que les femmes n’acquièrent presque jamais et qui est pourtant le plus précieux de tous les avantages ».

Il montre aussi un fait relevé par plusieurs historiens (notamment Jean Baechler dans Le règne des femmes) : c’est la décadence des hommes de la noblesse qui permet aux femmes de la noblesse de s’émanciper. Ainsi c’est parce que son mari est indigne, débauché et dépensier, que mme de Montbrillant finit par s’émanciper.

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[club] Mme d’Epinay – Maternité

Suffit-il d’être mère pour être totalement épanouie quand on est femme ?

L’exemple de Madame de Montbrillant nous montre que non.

Même si elle passe beaucoup temps à parler de ses enfants et à se réjouir de se consacrer à leur éducation, elle est plusieurs fois interrompue dans ce projet, et elle fait autre chose.

De plus l’attitude de Madame de Montbrillant à l’égard de ses enfants change. Dans un premier temps, ils ne sont qu’une occupation (P.405), puis ils occupent toute son âme p. 540 : « Je commençais à m’occuper sérieusement de mes enfans. Ils ne sont plus pour moi un simple délassement, ils occupent mon âme toute entière. ». Il n’y a donc rien d’inné dans la relation mère-enfant.

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[club] Mme d’Epinay – Chacun chez soi

Les femmes chez Mme d’Epinay apparaissent avoir droit à la liberté et à l’égalité tout comme les hommes. Cependant cette liberté et leur intelligence semblent devoir s’exercer dans la sphère privée. Mme de Montbrillant se consacre au soin des enfants et des personnes âgées. Mme de Montbrillant n’entend pas conquérir les mêmes domaines que ses amis masculins. Je pense que c’est pour cela qu’elle ne prétend à aucune carrière littéraire. Elle voit la littérature comme étant du domaine des hommes.

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[club] Mme d’Epinay – Un roman épistolaire original

Les manuels et les anthologies littéraires définissent généralement le roman épistolaire comme sous-genre du genre romanesque, dont la source remonte aux Héroïdes d’Ovide et à la correspondance d’Abélard et d’Héloïse, et dont l’âge d’or se situe aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le premier grand roman épistolaire est ainsi l’ouvrage de Guilleragues (on n’identifiera l’auteur que 3 siècles plus tard), les Lettres d’une religieuse portugaise. Au XVIIIe siècle, les plus connus sont les Lettres Persanes de Montesquieu et la Nouvelle Héloïse de Rousseau ; l’apogée de ce sous-genre est souvent identifiée aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.
De nombreuses femmes ont entrepris des romans épistolaires, telles la présidente Ferrand ou Mme Riccoboni. De plus, de nombreux romans épistolaires donnent plus d’importance aux lettres et à la voix féminines que masculines. Certains romans épistolaires sont ainsi qualifiés de «monodie» parce qu’ils ne font entendre que la voix de la femme, respectant ainsi le modèle ovidien.
Le cas de l’Histoire de Mme de Montbrillant de Mme d’Epinay me semble particulièrement intéressant. En effet, il ne s’agit pas seulement d’un roman épistolaire, mais d’une autobiographie déguisée. Or la plupart des romans épistolaires sont définis par les critiques contemporains comme des romans qui « font semblant » d’être authentiques alors qu’ils ne le sont pas. Ici, le roman épistolaire fait semblant de ne pas être véridique alors qu’il est.
Mme d’Epinay se situe donc à l’opposé de la vision que l’on a du roman épistolaire. Cela peut vouloir dire deux choses : soit elle dissone en connaissance de cause, et cela explique que son ouvrage n’apparaisse pas parmi les modèles de ce sous-genre ; soit notre définition actuelle du roman épistolaire est trop restrictive et l’exclusion que subit l’ouvrage de Mme d’Epinay est le fruit de notre aveuglement.
Autre originalité de Mme d’Epinay : elle mélange plusieurs formes dans son ouvrage. On y trouve des correspondances croisées, bien entendu, mais aussi des extraits de journal, des copies de confessions retrouvées par hasard, des retranscriptions de dialogue (p. 793). A la fois roman, lettre, journal, confession, théâtre, l’Histoire de Madame de Montbrillant se présente comme une œuvre polymorphe et totale. Cette entreprise littéraire singulière fait éclater les frontières entre les genres, ce qui coïncide avec un geste très contemporain. On peut peut-être voir là la raison de sa redécouverte : nous sommes enfin prêts à recevoir son œuvre, dans toute sa richesse.
Ces deux éléments, qui prouvent l’originalité de son écriture, vont, selon moi, dans le sens d’une réelle vocation de Mme d’Epinay (pour répondre à la question posée dans mon post précédent).

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[club] Mme d’Epinay – La dictature de la réputation

L’ouvrage illustre à quel point la réputation comptait pour les femmes et même les tyrannisait. Chaque étape de la vie de Madame de Montbrilliant fait l’objet de rumeurs et de médisances. Elle-même a peur de ce qu’on pourrait penser d’elle, c’est ce qui en partie la retient d’être infidèle puis la conduit à vivre retirée du monde.

p.917 : « Il est donc vrai que je fais l’histoire du jour et que je suis en butte à tous les mauvais propos, aux interprétations, aux injustices, aux plaisanteries ? »

Je trouve intéressant cette importance de la réputation pour deux raisons :

1) Rousseau insiste sur l’importance de la réputation des femmes, plus importante que la réalité. « L’homme, en bien faisant, ne dépend que de lui-même, et  peut braver le jugement public ; mais la femme, en bien faisant, n’a fait que la moitié de sa tâche, et ce que l’on pense d’elle ne lui importe pas moins que ce qu’elle est en effet ».

2) Beaucoup de jeunes filles de milieux populaires et de quartiers sensibles témoignent aujourd’hui de l’importance de la réputation. « Avoir une réputation » est parfois chez les adolescents synonyme de mort sociale, mais aussi cause de violences sexistes.

La réputation est donc un moyen d’abaisser, d’asservir les femmes