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[club] E. Dorlin – Mise en abyme de notre propre démarche

Je relève le programme que dresse Elsa Dorlin en conclusion de son ouvrage. Relevant l’oubli qui a marqué les 4 auteurs étudiés, elle indique la chose suivante : « Au fond, si ces auteurs ont été oubliés, on en déduit naturellement que c’est parce que ce sont des auteurs mineurs, des personnages secondaires, alors que ce jugement porte sur leur objet de pensée. (…) Le sujet n’est pas noble, les auteurs sont donc considérés comme médiocre et on n’a pas fait grand cas de leurs oeuvre, ne serait-ce que dans les rayonnages des bibliothèques. »(p. 146). Et plus loin : « Ce processus de méconnaissance révèle une véritable violence idéelle, impalpable, faite aux femmes, qui réside précisément dans cette confiscation insidieuse de leur histoire et de leur héritage, parce que tout est fait pour qu’elles ignorent en être les légatrices universelles ».

Je crois qu’en lisant ces auteurs et en débattant de nos lectures, nous contribuons, à notre manière, à nous ré-approprier cette histoire…

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[club] E. Dorlin – L’argument des arguments

Je trouve que le féminisme logique résume très bien nombres de nos discussions précédentes où nous nous sommes trouvés face à des partisans de l’inégalité des sexes et de la supériorité masculine. Leurs arguments nous sont apparus faux, voir ridicules… On ne peut pas prouver l’inégalité des sexes. Donc l’égalité des sexes est vraie.  CQFD.

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[club] E. Dorlin – L’instrumentalisation du débat féministe

Comme l’indique Elsa Dorlin, les démonstrations menées par les philosophes féministes du 17e s pour démonter la thèse de l’inégalité sexuelle et faire éclater, par la logique, l’évidence de l’égalité des sexes, se heurte à un problème de taille. En effet, si la démonstration est logique et rationnelle, elle ne peut pas convaincre ceux qui ont intérêt à celle qu’elle reste méconnue.

Ainsi, Elsa Dorlin indique que « l’inégalité sexuelle » a été utilisée comme un « instrument d’organisation sociale » (p. 88) : les hommes sont juges et partis dans la Querelle des femmes car ils sont les « maîtres » des femmes (le terme est de Gabrielle Suchon, p. 93). Ils n’ont pas intérêt à reconnaître les femmes comme leurs égales ; ce serait, pour eux, perdre de leur pouvoir. Elsa Dorlin ajoute : « Se donnant pour fin la domination, la rationalité renonce à établir ou, du moins, à rechercher la vérité au profit du vraisemblable » (p. 95).

Ce qui compte, ce n’est donc pas ce qui est vrai, mais ce qu’il nous arrange de prendre pour vrai. La raison, ce serait, ici, la logique au service de l’intérêt.

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[club] E. Dorlin – Logique de l’éducation féminine au 17e s

Elsa Dorlin pointe un des problèmes de l’éducation féminine au XVIIe siècle (pour les classes favorisées, bien sûr ; les autres n’avaient pas accès à l’éducation) : l’éducation féminine a alors pour but d' »empêcher l’autonomie » de la femme (p. 53). Il ne s’agit pas de lui faire développer ses capacités mais d’en entraver le développement, pour en faire une « éternelle mineure ». Par là, la « culture » créé de toute pièce l’état féminin que la misogynie proclame comme naturelle, et qui n’est que fabriquée.

Je  relève le même genre de processus lorsqu’Elsa Dorlin évoque le silence qui a accompagné les oeuvres des 4 philosophes qu’elle étudie, Gabrielle Suchon, Marie de Gournay, François Poullain de la Barre et Ana Maria Van Schurman (p. 146-148) : en ne donnant pas de publicité à ses ouvrages, en faisant comme s’ils n’existaient pas, les philosophes et savants du 17e ont, en quelque sorte, réduit ces ouvrages à néant. Là encore, les misogynes parviennent à nier une réalité et à imposer la seule qu’ils tolèrent : il n’y a pas de philosophie féministe parce qu’il ne doit pas y en avoir.

Dans le premier cas, nous sommes en présence d’une mutilation de l’identité d’individus ; dans le second, d’une falsification de l’histoire. Et, comme on le voit grâce à cet ouvrage, les procédés qui arrivent à ces résultats ne sont pas directs, frontaux, mais pervers et insidieux, presque invisibles – et, pour cette raison, d’autant plus violents.

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[club] E. Dorlin – Intertextualité.

Je trouve que Little women et ses suites illustrent bien les propos d’Elsa Dorlin sur l’impasse du discours des précieuses. Les filles du docteur March ont des vertus tout à fait exemplaires, mais ces vertus sont présentées comme féminines du coup elles se trouvent condamnées à occuper une certaine place dans la société. Certes elles ont droit au respect, mais elles vivent dans un univers divisé entre le monde des hommes et le monde des femmes.

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[club] E. Dorlin – Censure et scandale

Je pense que cet ouvrage met en évidence l’existence d’une forte censure à l’égard des idées féministes, et en particulier celles visant à donner aux femmes plus de pouvoir. Le féminisme logique est « oublié » ; les précieuses sont ridiculisées ; Marie de Gournay et Gabrielle Suchon doivent recourir à des stratégies comme s’appuyer sur Aristote pour ne pas être censurée. On ne retient des idées féministes que celles qui ne sont pas dangereuses pour la suprématie masculine, ou celles qui au contraire la conforte.  Je pense que cette censure est toujours d’actualité. Ainsi le travail des femmes n’est plus interdit, il est même parfois encouragé mais seulement dans certains secteurs ou en sous-qualifiés. Ainsi le plafond de verre est une réalité par exemple. Ou la double journée. Autre chose des idées, des femmes continuent d’être ignorées, oubliées (Olympe de Gouges aussi a fait l’objet d’indifférence ou a été ridiculisée….).

Pourquoi ? La première réponse qui me vient à l’esprit est : l’égalité des sexes est une idée scandaleuse, que les femmes puissent avoir  le pouvoir est scandaleux…

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[club] Pierre Bourdieu – La domination masculine : Définition négative de la féminité

[photopress:bourdieu_1_2.jpg,thumb,pp_image]A plusieurs reprises, P. Bourdieu définit la féminité en référence à la « masculinité » ou « virilité » et en la posant comme son négatif : la féminité est ce qui flatte l’ego masculin, complaît les attentes masculines (voir ce « bar japonais » où les hommes viennent chercher…des flatteries, p. 85) mais c’est aussi, selon lui, un évitement. Ainsi être une femme, c’est éviter tout signe de virilité (p. 136) : être une femme, c’est ne pas être un homme. Il ne s’agit pas tant de définir la femme par l’homme et l’homme par la femme, comme deux termes relatifs, mais bien de définir la femme comme quelque chose d’exclusivement négatif : si être un homme, c’est ne pas être une femme (au risque, sinon d’être pointé du doigt et ridiculisé par les camarades hommes), la virilité rencontre également une définition en soi. En revanche, être une femme, c’est ne pas être un homme, et plaire aux hommes – voilà toute la définition qu’en donne Bourdieu. Que fait-il de la capacité de procréer, qui définit principalement la femme dans sa différence sexuelle?

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[club] Pierre Bourdieu – La domination masculine : Bourdieu et les féministes

[photopress:panneau.jpg,thumb,pp_image]J’ai noté en passant un leitmotiv bourdieusien qui fait écho au Deuxième sexe de Beauvoir : être femme, c’est être perçue (p. 94 par ex.). La femme est donc définie en tant qu’objet (de regard) et non comme sujet (regardant) : on rejoint là l’analyse de Beauvoir. Mais, quand Beauvoir prônait la nécessité, pour les femmes, de se faire devenir sujets, Bourdieu en reste au simple constat : pour lui, cela relève de structures solidement ancrées et de pouvoirs symboliques, vouées à se reproduire. C’est, à mon sens, une vision trop figée, trop peu militante des choses – c’est faire de l’être un devoir-être et faire preuve d’un certain « fatalisme », ou d’un certain « désengagement » face à un état des choses dont l’auteur décrit précisément toute l’injustice et l’arbitraire.

Même chose lorsque Bourdieu critique les Gender Studies (p. 141) : pour lui, l’ordre des choses est trop enraciné pour pouvoir être changé, et les Gender Studies se leurreraient en attribuant la différence sexuelle à une simple opération de langage. Il est vrai que les comportements, les habitudes prennent leur source dans des structures de pensées qu’elles confortent en retour ; mais est-ce à dire que ces structures de pensées ne puissent pas être changées? Une telle modification implique des bouleversements dans les actes, évidemment : mais la parole est un acte, et cesser de respecter la règle du « masculin l’emporte » en grammaire n’est pas un acte anodin, mais un acte militant. Si le langage n’est pas le seul ciment de la différence des genres, il peut être un instrument qui la nuance voire l’abolit. La pensée n’est pas tout : si on peut agir sur elle en la renforçant, on peut aussi la défaire.

Voilà ce que l’auteur dit de cette soumission à l’ordre des choses : « j’ai toujours vu dans la domination masculine, et dans la manière dont elle est imposée et subie, l’exemple par excellence de cette soumission paradoxale, effet de ce que j’appelle la violence symbolique, violence douce, insensible, invisible pour ses victimes mêmes « . Bourdieu dit s’étonner de cette soumission – ignore-t-il tout des luttes féministes de ces dernières décennies ? Peut-on considérer qu’il s’agit de soumission? L’ignorer, c’est faire preuve d’un certain mépris des faits que Bourdieu semble vouloir, préciser, conjurer.

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[club] Pierre Bourdieu – La domination masculine : Actualité du propos

[photopress:femmes1ereguerremondiale.jpg,thumb,pp_image]J’ai parfois été étonnée de relever des « descriptions de faits » me paraissant refléter une société d’après-guerre… Or cet ouvrage a été publié pour la première fois en 1998 !! Je citerai notamment le passage concernant le choix d’orientation professionnelle des jeunes lycéennes (p. 130), où les choix sont biaisés par le discours encourageant ou décourageant des professeurs et des parents. Cette situation existe sans doute encore : mais n’a-t-on pas, malgré tout, progressé sur ce terrain depuis les années 50 ?

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[club] C. Gilligan, In a different voice – L’éthique du « care »

[photopress:In_a_different_voice.jpg,thumb,pp_image]En préambule, je relève la définition de l’éthique du « care » donnée par C. Gilligan : This relationnal ethic transcends the age-old opposition between selfishness and selflessness, which have been the staples of moral discourse. (…) Relationship requires a kind of courage and emotional stamina which has long been a strength of women, insufficiently noted and valued (p. XIX).

L’ouvrage de Carol Gilligan exhibe, à travers une série d’entretiens psychologiques, de quelles différentes manières hommes et femmes abordent et traitent les mêmes problèmes moraux. Elle met en avant la préoccupation féminine de « ne pas heurter » autrui, de ne pas faire de mal, quand les hommes auraient tendance à envisager les conflits moraux de manière plus rationnelle, plus logique, plus abstraite (je pense ici aux réponses des deux enfants au dilemme de Heinz : un homme dont la femme va mourir si elle ne reçoit pas un médicament pour lequel ils n’ont pas assez d’argent doit-il voler ce médicament au pharmacien?). L’éthique du care « rests on the premise of non violence – that no one should be hurt ». C’est de la compréhension de cette éthique particulière, de cette voix différente, propre aux femmes, que pourrait émerger une psychologie plus adaptée car plus attentive aux singularités de chaque genre. C’est aussi de cette compréhension que dépendrait une meilleure entente entre les sexes.