Louise Labé se fait le chantre de la douleur : dans ses Sonnets, la femme n’est plus la dame de la relation courtoise, cruelle car insensible, mais un être sensible, perméable aux émotions (« Car je suis tant navree en toutes par, / Que plus en moy une nouvelle plaie, / Pour m’empirer ne pourroit trouver place. » ; « navree » = blessée).
De plus, et c’est une nouveauté par rapport aux poètes masculins, elle se décrit comme cachant sa douleur (« J’endure mal tant que le Soleil luit : / Et quand je suis quasi toute casse, / Et que me suis mise en mon lit lassee, / Crier me faut mon mal toute la nuit »). La nuit est ainsi ce qui cache sa douleur, mais aussi ce qui accueille les rêveries amoureuses : « O dous sommeil, o nuit à moy heureuse ! Plaisant repos, plein de tranquillité, / Continuez toutes les nuiz mon songe ». Il y a peut-être là une touche de discrétion qui rappelle la condition féminine de la Renaissance et l’obligation faite aux femmes de cacher leur désir pour se réfugier dans le rêve.