Les scènes de violence conjugale sont très violentes dans Les angoisses douloureuses.
La première intervient au chapitre XI, quand le mari découvre la correspondance échangée par sa femme et l' »ami » : « fort indigné, s’aprocha de moy et me donna si grand coup sur la face, que violentement me fist baiser la tere, dont ne me peuz lever soubdainement. Mais quand je commençay à reprendre mes forces, je plouray moult amèrement, tellement que les ruysseaux de mes larmes tomboient en grande superfluité et abondance aval ma face. »
La seconde apparaît au chapitre XVIII ; là encore, le mari bat sa femme après avoir surpris sa relation extra-conjugale (il s’agit cette fois-ci d’une conversation entre les deux amoureux qui a été surprise dans un palais de justice) : lorsqu’elle aperçoit son mari, elle se met à « mouvoir et à trembler de toutes parts » ; puis, lorsqu’elle revient chez elle : « quand je pensay entrer dedans ma chambre, je rencontray mon mary, lequel commença à me menasser cruellement, ce que voyant, deux damoyselles que j’avois avecques moy me pensèrent retirer en une autre chambre. Mais en grande promptitude il me suyvit en prenant le premier baston qu’il peut trouver, qui fut une torche, et m’en donna un si grand coup, que violentement me fit cheoir à terre. Et pour cela ne se peut contenter ne réfréner son courage, mais me donna de rechef deux ou troys coups si oultrageux, qu’en plusieurs lieux de mon corps la chair blanche, tendre et délicate devint noire ; toutesfois, n’y eut aucunes vulénrations ». Les domestiques viennent au secours de la femme ; peu de temps après, elle est tentée de se suicider (acte tabou à la Renaissance car dans la religion chrétienne).
Les extraits reproduits ici témoignent, à ce qu’il me semble, d’un souci du détail et d’une précision psychologique inédits dans l’histoire de la littérature au sujet de la violence conjugale. J’irai même jusqu’à faire l’hypothèse que Marguerite de Briet raconte ici des expériences personnelles, tant ce qu’elle écrit sonne juste.
Enfin, la violence conjugale atteint son apogée à la fin du roman : l’héroïne est enfermée dans une tour du château de son mari, loin de la ville où séjourne son ami, et attend que son mari, calmé et apitoyé, la libère, ou bien que son ami la délivre… A la fin du roman, ni l’un ni l’autre événement n’est survenu. Aussi peut-on voir dans cette claustration finale le plus beau symbole de la condition féminine à la Renaissance : un enfermement.