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[club] Héloïse – Une authentique voix féminine?

George Duby met en cause l’authenticité des Lettres de deux manières :

Premièrement c’est une œuvre construite. A cette époque la correspondance n’était pas un exercice spontané et informel, les épistoliers avaient un projet. Ce ne sont pas des confidences, comme on a parfois voulu le faire croire. Ensuite, et c’est à mon avis le plus intéressant, il doute qu’Héloïse soit l’auteure des lettres qui lui soient attribuées. Héloise, comme d’autres figures féminine du Moyen-Age, lui semble instrument de l’Eglise et des hommes pour vanter le mariage et le célibat, les moyens de maîtriser les femmes, dangereuses créatures qui vivent le désir (p 125 dans l’édition Folio de Dames du XIIème). En effet, les lettres présentent la femme comme timide et indocile et font l’éloge du mariage, même si au départ Héloïse semble se rebeller. Dans la littérature postérieure, c’est cet aspect qui a été retenu. Héloïse est la « championne du libre-amour » (p.86) qui refuse le mariage, la rebelle. « La précoce héroïne d’une libération de la femme ».

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[résumé] Jane Austen – Death comes to Pemberley par P.D James

Ce roman publié en décembre 2011 est un « sequel », une suite de Pride and Prejudice. Tous les fans d’Austen doivent le lire. En effet, cet ouvrage me semble être avant tout le roman d’une fan à destination de d’autres fans. Death comes to Pemberley vaut d’abord pour le plaisir de retrouver Elizabeth, Darcy, Jane, Lydia et tous les autres! L’intrigue policière, avouons-le, n’est pas la meilleure de P.D James, mais le roman n’en est pas moins savoureux en raison  des clins d’oeil. A Pride and Prejudice, mais aussi à deux autres romans d’Austen Persuasion et Emma. Le roman ne manque pas non plus d’interroger le genre du policier. Ainsi un magistrat demande à un médecin  “ your clever scientific colleagues have not yet found a way of distinguishing one man’s blood from another?”. P.D James a une lecture féministe d’Austen et elle prête à ses personnages des propos sur la majorité et la liberté de choix qu’Austen sûrement, à son époque, n’aurait pas osé. Cependant, il faut remarquer que les personnages les plus réussis sont Darcy et Wickham, qu’Austen avaient moins développés que les personnages féminins.

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[club] Hildegarde de Bingen – Innovations féminines

Régine Pernoud nous apprend que l’image de l’homme pris dans un cercle, connue sous la forme que lui a donné Léonard de Vinci au 15e siècle, apparaît pour la première fois en miniature dans un manuscrit contenant les visions d’Hildegarde.  « Autant Léoonard de Vinci a été étudié, exploré, prôné et répandu aux temps classiques et modernes, autant l’oeuvre d’Hildegarde et son époque en général ont été oubliées et méconnues » (p. 88).

L’auteur répare cet oubli et cette méconnaissance en indiquant le nom d’une autre femme ayant innové au XIIe siècle : Herrade de Landsberg, qui composa la première encyclopédie de l’histoire de la littérature, le Jardin des délices : « C’est de cet ouvrage que les historiens des techniques médiévales ont tiré la plus grande partie de leur savoir ».

Quant à Hildegarde, sa Physica a inspiré de nombreuses techniques de soin, du Moyen Age à nos jours.

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[club] Hildegarde de Bingen – L’homme et la femme

Je tenais à reproduire un passage de la quatrième vision d’Hildegarde, qui me semble particulièrement intéressante pour notre bookclub ; elle concerne la création du monde et d’Adam et Eve :

 » Homme et femme se joignent (…) pour accomplir mutuellement leur oeuvre, car l’homme sans la femme ne serait pas reconnu comme tel, et réciproquement. La femme est l’oeuvre de l’homme, l’homme l’instrument de la consolation féminine, et les deux ne peuvent vivre séparés. »

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[club] Hildegarde de Bingen – Une femme influente

Hildegarde de Bingen avait un confesseur, un secrétaire (Volmar) et dirigeait, en tant qu’abbesse, des religieuses. Mais elle fut également consultée par des hommes, et pas des moindres, en tant que personne inspirée par Dieu. Ces hommes étaient des papes, des évêques, des dirigeants politiques, des seigneurs, des abbés.

Régine Pernoud nous indique ainsi l’existence d’une correspondance entre Hildegarde et l’Empereur Conrad III, puis son successeur Frédéric Barberousse, qui invite Hildegarde à venir le voir dans son palais. « La réponse d’Hildegarde ne la montre pas autrement intimidée par son correspondant. » précise l’auteur (p. 72), même si elle se désigne elle-même comme « la petite plume que le vent soutient » et qu’elle s’étonne que « toi qui es roi, tu tiennes cette personne (càd elle-même) comme nécessaire ».

Hildegarde a aussi correspondu avec le comte de Flandre et avec Bernard de Clairvaux. Elle écrit, dans une de ses lettres à ce dernier, qu’elle est « timide et sans audace », et aussi : « Simplement je sais lire dans la simplicité, non dans la précision du texte, car je suis ignorante, n’ayant eu aucune instruction de façon extérieure, mais c’est à l’intérieur, dans mon âme, que je suis instruite. »

Quant aux papes, ce sont Anastase IV puis Adrien IV et Alexandre III qui sollicitèrent une recommandation de sa part et lui adressent des éloges. Dans les deux cas, elle répond avec parfois des accents prophétiques, mettant en garde Adrien IV contre des dangers à venir. Ces papes cherchaient toutes auprès de l’abbesse une recommandation divine et reconnaissaient en elle la sainte qu’elle n’est devenue qu’il y a quelques semaines.

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[club] Hildegarde de Bingen – La place du corps

Je trouve très intéressant de remarquer que Hildegarde accorde de l’importance au corps, et s’oppose au dualisme, en particulier contre les cathares. Elle n’a pas de sujet tabou : elle parle de stérilité masculine, de règles.

Elle casse donc complètement le mythe d’un Moyen-Age obscur.

Elle casse également l’image de la contemplative, pur esprit. Elle est la preuve que l’on peut être intellectuelle et tenir compte du corps.

Hildegarde a forgé le concept de Viridité ou puissance de vie, et je pense qu’elle a compris que la vie chez l’être humain passe par un équilibre corps/esprit. Je pense en effet qu’on ne peut pas s’intéresser à la vie, sans intéresser au corps, et à tout ce qu’il comprend. L’œuvre d’Hildegarde illustre bien cela.

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[club] Hildegarde de Bingen – Enfin reconnue?

Hildegarde vient d’être canonisée et sera nommée docteure de l’Eglise en octobre 2012. On peut y voir une reconnaissance, une preuve que les femmes ont une place dans l’Eglise. Cependant, je ne pense pas qu’il faille se montrer trop enthousiasme. Je pense tout d’abord qu’Hildegarde appartenant à un passé lointain, il est facile d’en faire un peu ce qu’on veut. De plus, lorsque je lis que Benoit XVI souligne qu’Hildegarde s’en prend à ceux qui veulent modifier les structures de l’Eglise, je repense à la façon dont Georges Duby explique l’apparition du culte de Marie et de nombreuses saintes au Moyen-âge.  » Prendre pour porte- parole de l’idéologie ecclésiastique des figures féminines présentait un double avantage. C’était rallier cette moitié du peuple fidèle dont l’Eglise ne s’était pas souciée et dont on mesurait mieux maintenant le poids ». C’était surtout mettre en scène des personnages naturellement passifs sur quoi pouvaient être imprimés fortement les principes d’une soumission que l’on attendait de tous les laïcs » (p. 72 Mâle Moyen-Age)

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[club] Hildegarde de Bingen – Question de la création

Hildegarde comme Thérèse nous amène à nous interroger sur la création littéraire.

Hildegarde semble refuser la maternité de son œuvre. Tout se passe comme si elle n’était l’auteure de rien. Tout vient de la « lumière sereine », elle n’est qu’un « misérable vase d’argile » (p.84). Elle n’est que la bouche et la main de Dieu. On retrouve la même modestie que chez Thérèse d’Avila.

Certaines féministes aujourd’hui y voient une stratégie pour obtenir de l’autorité. En tant qu’elle-même, elle n’aurait pas été écoutée. Cela me rappelle ces auteures de la Renaissance qui appelaient l’autorité de Platon, de Montaigne

Je pense qu’il faut nuancer l’argument de la stratégie, car Hildegarde est croyante. Elle croit donc sincèrement écrire ce que Dieu veut, tout comme Thérèse. Il y a une place, je crois, pour une réflexion sur l’inspiration. Hildegarde est inspirée par sa foi.

Il y a cependant une œuvre plus discrète où elle est auteure : elle ne fait pas qu’y retransmettre ses visions. Ses traités de médecine sont également plus personnels…

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[club] Béguines – Pourquoi les béguines furent persécutées ?

Silvana Panciera rappelle que « le mouvement béguinal va être considéré comme suspect », et ceci dès le XIIIe (autour des années 1230). Une des béguines à avoir été condamnée au bûcher fut Marguerite Porete, originaire de Valenciennes, jugée hérétique à cause des thèses développées dans son ouvrage Le Miroir des âmes simples et anéanties d’amour. Elle fut la première d’une longue lignée de béguines persécutées au XIVe siècle : l’Inquisition les spolia ainsi de leurs biens, comme il avait été fait avec les Templiers au début du XIVe siècle. Silvana Panciera indique que beaucoup de béguinages sont convertis en petits couvents, par exemple augustiniens, au XVe siècle. Aujourd’hui, il n’existe plus de béguines, même si les béguinages ont persisté en Belgique jusqu’au XXe siècle (en nombre très restreint).

Pourquoi cette persécution ? Etait-ce liée à la liberté de ces femmes ? Menaçaient-elles l’ordre social établi ? Silvana Panciera met en avant que c’est la conception de la nature humaine, selon laquelle « l’extrême sainteté » peut être trouvée dans cette vie. Il n’est en effet jamais question, dans les procès d’Inquisition, du fait que ces béguines soient des femmes. Ainsi, le livre de Marguerite Porete fut jugé par des théologiens de la Sorbonne sans qu’il leur soit précisé qu’il était l’oeuvre d’une femme. Il ne me semble donc pas que le sexe des béguines soit en cause dans leur condamnation.

En revanche, en tant qu’elles étaient à la fois dissidentes de l’Eglise et qu’elles acquéraient un pouvoir spirituel sur des sujets royaux ou de seigneurs, elles constituaient une menace à la fois pour le pouvoir temporel et spirituel. Rois, seigneurs et Papauté avaient donc tout intérêt à s’associer pour les faire rentrer dans le rang.

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[club] Béguines – Condamnées à l’oubli

Une fois encore nous rencontrons ici des femmes avec une pensée originale, qui ont produit des réalisations concrètes et talentueuses mais qui sont peu connues, oubliées.

J’ai ainsi souvent entendu parler de Maître Eckhart, mais je ne me rappelle pas qu’on m’ait dit qu’il fréquentait le béguinage de Cologne…

Pourquoi ?

Une nouvelle fois on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est parce que ce sont des hommes qui ont écrit l’histoire…

De plus on peut avancer que les béguines posent à l’Eglise catholique des questions dérangeantes : rôle des femmes, de la hiérarchie, de la pauvreté, du travail…