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[club] Marie de France – Des sujets féminins ?

Dans certains lais, des sujets m’ont étonnée car ils m’ont semblé concerner de près la condition féminine.

Dans « Le malheureux », par exemple, la Dame est courtisée – et entretient des relations amoureuses – avec 4 chevaliers. Je ne connais pas d’autres textes médiévaux abordant le thème de la polyandrie… En revanche, la polygamie est abordée dans « Eliduc ».

Dans « Yonec », la Dame est mal mariée, comme dans le « Rossignol », et vit sous la surveillance de son mari. Les malheurs du mariage forcé sont ici traités sans ambiguïté.

Dans « Le Frêne », l’amie est délaissée lorsque l’ami doit se marier avec une personne de son rang. Son attitude résignée passe pour un modèle de vertu… A moins qu’il ne dessine le portrait de l’épouse idéale pour l’époque – de même que Guildeluec, femme légitime d’Eliduc dans le lai « Eliduc », se retire au couvent pour permettre à son mari d’épouser une autre femme.

Dans les « Deux Amants », une jeune fille est gardée jalousement par son père – motif qui rappelle un conte tel que « Peau d’âne ».

Dans ces derniers cas, on voit un personnage féminin en proie aux décisions souveraines d’une figure masculine, père, ami ou époux, sur elle.

Enfin, dans « Milon », la naissance de l’enfant est suivie de la mention prosaïque des soins à apporter au nouveau-né : « sept fois par jour, / ils s’arrêtent dans les villes qu’ils traversent / pour faire allaiter l’enfant, / changer ses couches et le baigner. » La naissance et l’enfantement sont aussi au coeur du lai « Le Frêne », puisque c’est la naissance de jumeaux puis de jumelles qui enclenche l’intrigue. A chaque fois, l’auteur précise que l’accouchement s’est fait « al terme »…

Autant de précisions qui pourraient aller dans le sens d’un auteur à la sensibilité féminine.

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[club] Marie de France – Authenticité, encore…

L’auteur des Lais se présente comme se nommant « Marie » ; elle serait la même que la traductrice de fables d’Esope et d’un texte sur le Purgatoire de Saint-Patrick.

Se demander s’il s’agit bien de la même personne ne choque personne : cela relève de la prudence éditoriale.

Mais se demander si l’auteur qui se présente comme s’appelant « Marie » est bien une femme… C’est la question que pose un critique dans un article paru en 1981 (J.-C. Huchet dans Poétique) ainsi que le rapporte l’édition Livre de Poche des Lais.

Je n’ai pas pu consulter cet article mais je ne peux manquer de m’interroger à mon tour : si l’auteur avait dit s’appeler Benoît, Adam ou Pierre, aurait-on aussi remis en question l’authenticité des textes ?

De même pour Héloïse : dès qu’une femme semble avoir pris la plume, la question de l’authenticité devient cruciale. Cela ne veut pas dire qu’elle ne se pose pas pour les auteurs masculins – seulement, l’enjeu n’est pas le même. Ici, il s’agit de savoir si une femme peut, au Moyen Age, avoir écrit et diffusé ses écrits… Le parcours de notre bookclub tend à prouver que oui.

Marie de France serait après tout le premier auteur médiéval à écrire en français : l’enjeu est de taille pour l’histoire de la littérature française !

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[club] Héloïse – … et Abélard

Il me semble intéressant de relever l’estime qu’Abélard portent aux femmes en général.
Il rédige des règles à l’attention d’un ordre féminin, d’abord, à la tête duquel il place Héloïse. Il agit en cela comme Robret d’Arbrissel avant lui, qui avait fondé l’ordre de Fontevraud. Fonder un ordre relevait d’une mission spirituelle de la plus haute importance ; que celui qu’Abélard fonde soit un ordre féminin est particulièrement intéressant. On peut rappeler qu’il indique préférer conduire spirituellement les soeurs du Paraclet que les frères dont il a la charge à Saint-Gildas-de-Rhuys…. Ce qui indique bien son absence totale de misogynie.
De plus, il lui arrive de mettre en avant la sagesse de femmes illustres, comme la Sybille : ainsi dans son premier traité de théologie. La Sybille est mise au même rang que Platon.
Enfin, ses oeuvres musicales sont encore destinées à des voix de femmes.
Abélard est donc, pour moi, aussi important pour l’image positive de la femme au Moyen Âge qu’Héloïse.

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[club] Héloïse – Contre le mariage

Héloïse est passé à la postérité pour avoir écrit, notamment, qu’elle préférait être la « putain » d’Abélard que sa femme… parce qu’ainsi elle était sûre de conserver son amour. Position facile à comprendre à l’époque, ce XIIe siècle où éclôt l’amour courtois qui indique que la « fin’amor » ne peut être trouvé qu’en dehors des liens du mariage, en marge de la société ; plus difficile peut-être à comprendre aujourd’hui, où le mariage est conçu comme l’aboutissement du lien amoureux. Au XIIe siècle, le mariage est avant tout une institution sociale qui engage deux familles ; la notion de « consentement mutuel » comme nécessaire à ce qu’un mariage soit contracté n’est pas encore apparue.
Abélard est lui aussi contre le mariage, mais pour d’autres raisons : parce que cela compromet sa positon de clerc, d’abord ; en effet, la réforme grégorienne imposant le célibat aux clercs s’établissait de plus en plus, et pour gravir les échelons du monde universitaire et ecclésiastique, mieux valait être dans les bonnes grâces des autorités compétentes… Abélard est contre le mariage parce que cela contrevient à une vie de philosophe, dédié à l’enseignement et à l’étude, ensuite. Pour lui, le modèle de l’intellectuel, c’est l’ermite, comme Saint Jérôme, qu’il cite beaucoup et a beaucoup lu. Mais développe-t-il cette position après sa castration et son obligation de rentrer dans les ordres, ou bien l’a-t-il toujours tenue ? Difficile de faire la part des choses.

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[club] Héloïse – Un témoignage

Sans rentrer dans la polémique de l’authenticité des lettres, il me semble que l’histoire d’Héloïse (séduite, engrossée, mariée, mise au couvent) témoigne de la condition féminine. Les femmes n’avaient pas de choix. Héloïse n’a pas d’autre choix que de fuir, puis d’épouser Abélard et enfin d’entrer dans les autres. Même si elle ne veut pas épouser Abélard, même si elle ne veut pas abandonner son enfant, elle est contrainte de le faire. L’histoire d’Abélard et Héloïse met en évidence la foule de contraintes qui s’imposent aux gens : Héloïse enceinte doit être mariée, mais Abélard ne peut pas l’être…. Même en étant marié, ils ne peuvent pas se voir…C’est ce qui rend leur histoire si tragique, l’absence de choix.

Image : Héloïse et Abélard représentés sur un chapiteau de la Conciergerie, sur l’Ile de la Cité

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[club] Héloïse – Une authentique voix féminine?

George Duby met en cause l’authenticité des Lettres de deux manières :

Premièrement c’est une œuvre construite. A cette époque la correspondance n’était pas un exercice spontané et informel, les épistoliers avaient un projet. Ce ne sont pas des confidences, comme on a parfois voulu le faire croire. Ensuite, et c’est à mon avis le plus intéressant, il doute qu’Héloïse soit l’auteure des lettres qui lui soient attribuées. Héloise, comme d’autres figures féminine du Moyen-Age, lui semble instrument de l’Eglise et des hommes pour vanter le mariage et le célibat, les moyens de maîtriser les femmes, dangereuses créatures qui vivent le désir (p 125 dans l’édition Folio de Dames du XIIème). En effet, les lettres présentent la femme comme timide et indocile et font l’éloge du mariage, même si au départ Héloïse semble se rebeller. Dans la littérature postérieure, c’est cet aspect qui a été retenu. Héloïse est la « championne du libre-amour » (p.86) qui refuse le mariage, la rebelle. « La précoce héroïne d’une libération de la femme ».

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[résumé] Jane Austen – Death comes to Pemberley par P.D James

Ce roman publié en décembre 2011 est un « sequel », une suite de Pride and Prejudice. Tous les fans d’Austen doivent le lire. En effet, cet ouvrage me semble être avant tout le roman d’une fan à destination de d’autres fans. Death comes to Pemberley vaut d’abord pour le plaisir de retrouver Elizabeth, Darcy, Jane, Lydia et tous les autres! L’intrigue policière, avouons-le, n’est pas la meilleure de P.D James, mais le roman n’en est pas moins savoureux en raison  des clins d’oeil. A Pride and Prejudice, mais aussi à deux autres romans d’Austen Persuasion et Emma. Le roman ne manque pas non plus d’interroger le genre du policier. Ainsi un magistrat demande à un médecin  “ your clever scientific colleagues have not yet found a way of distinguishing one man’s blood from another?”. P.D James a une lecture féministe d’Austen et elle prête à ses personnages des propos sur la majorité et la liberté de choix qu’Austen sûrement, à son époque, n’aurait pas osé. Cependant, il faut remarquer que les personnages les plus réussis sont Darcy et Wickham, qu’Austen avaient moins développés que les personnages féminins.

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[club] Hildegarde de Bingen – Innovations féminines

Régine Pernoud nous apprend que l’image de l’homme pris dans un cercle, connue sous la forme que lui a donné Léonard de Vinci au 15e siècle, apparaît pour la première fois en miniature dans un manuscrit contenant les visions d’Hildegarde.  « Autant Léoonard de Vinci a été étudié, exploré, prôné et répandu aux temps classiques et modernes, autant l’oeuvre d’Hildegarde et son époque en général ont été oubliées et méconnues » (p. 88).

L’auteur répare cet oubli et cette méconnaissance en indiquant le nom d’une autre femme ayant innové au XIIe siècle : Herrade de Landsberg, qui composa la première encyclopédie de l’histoire de la littérature, le Jardin des délices : « C’est de cet ouvrage que les historiens des techniques médiévales ont tiré la plus grande partie de leur savoir ».

Quant à Hildegarde, sa Physica a inspiré de nombreuses techniques de soin, du Moyen Age à nos jours.

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[club] Hildegarde de Bingen – L’homme et la femme

Je tenais à reproduire un passage de la quatrième vision d’Hildegarde, qui me semble particulièrement intéressante pour notre bookclub ; elle concerne la création du monde et d’Adam et Eve :

 » Homme et femme se joignent (…) pour accomplir mutuellement leur oeuvre, car l’homme sans la femme ne serait pas reconnu comme tel, et réciproquement. La femme est l’oeuvre de l’homme, l’homme l’instrument de la consolation féminine, et les deux ne peuvent vivre séparés. »

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[club] Hildegarde de Bingen – Une femme influente

Hildegarde de Bingen avait un confesseur, un secrétaire (Volmar) et dirigeait, en tant qu’abbesse, des religieuses. Mais elle fut également consultée par des hommes, et pas des moindres, en tant que personne inspirée par Dieu. Ces hommes étaient des papes, des évêques, des dirigeants politiques, des seigneurs, des abbés.

Régine Pernoud nous indique ainsi l’existence d’une correspondance entre Hildegarde et l’Empereur Conrad III, puis son successeur Frédéric Barberousse, qui invite Hildegarde à venir le voir dans son palais. « La réponse d’Hildegarde ne la montre pas autrement intimidée par son correspondant. » précise l’auteur (p. 72), même si elle se désigne elle-même comme « la petite plume que le vent soutient » et qu’elle s’étonne que « toi qui es roi, tu tiennes cette personne (càd elle-même) comme nécessaire ».

Hildegarde a aussi correspondu avec le comte de Flandre et avec Bernard de Clairvaux. Elle écrit, dans une de ses lettres à ce dernier, qu’elle est « timide et sans audace », et aussi : « Simplement je sais lire dans la simplicité, non dans la précision du texte, car je suis ignorante, n’ayant eu aucune instruction de façon extérieure, mais c’est à l’intérieur, dans mon âme, que je suis instruite. »

Quant aux papes, ce sont Anastase IV puis Adrien IV et Alexandre III qui sollicitèrent une recommandation de sa part et lui adressent des éloges. Dans les deux cas, elle répond avec parfois des accents prophétiques, mettant en garde Adrien IV contre des dangers à venir. Ces papes cherchaient toutes auprès de l’abbesse une recommandation divine et reconnaissaient en elle la sainte qu’elle n’est devenue qu’il y a quelques semaines.