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[club] Erec et Enide – L’histoire d’un couple

Ce qui est intéressant dans Erec et Enide, c’est que ce roman raconte l’histoire d’un couple dont les membres sont de condition sociale inégale au départ (elle est fille d’un petit noble appauvri, il est chevalier) qui accèdent tous deux à un nouveau rang, qui les placera cette fois sur un plan d’égalité : ils sont couronnés à Nantes ; elle sera reine, il sera roi.

Il y a donc un premier mariage, peu après la rencontre, qui suit les codes de cette nouvelle institution, fondée aux XIe-XIIe siècles ; et un deuxième mariage, en quelque sorte, avec ce couronnement conjoint.

En montrant comment un couple se forme, par-delà la rencontre, à travers des épreuves traversées ensemble et des ajustements successifs de l’un à l’autre, Chrétien de Troyes nous montre que l’égalité dans le couple n’est pas une donnée mais un acquis qu’il faut sans cesse cultiver.

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[club] Erec et Enide – Une représentation ambivalente de la femme

Dans Erec et Enide, Chrétien de Troyes écrit l’histoire d’un couple. C’est une originalité dans l’oeuvre de cet auteur parce qu’il prend plus souvent pour héros un chevalier dont il suit l’itinéraire : Perceval, Gauvain, Lancelot. Ici, le texte a deux titres : dans son propre prologue, il a pour titre « Erec », du nom du héros ; dans le prologue d’un autre roman, Cligès, il a pour titre la désignation du couple, « Erec et Enide ». C’est sous ce titre que le roman est passé à la postérité et ce n’est pas un hasard : c’est l’histoire de ce couple qui en fait l’intérêt.

On pourrait donc penser qu’il y a dans ce roman une mise en avant de la femme qui aille dans le sens de sa valorisation. Et Erec et Enide se présentent presque comme le miroir l’un de l’autre, de part l’écho qui se tisse entre leurs noms d’abord (même initiale, prénoms courts) ; mais à y regarder de plus près, c’est plutôt Enide qui serait le miroir d’Erec, comme Echo reflétait Narcisse : il est dit qu’en elle on pouvait se mirer comme dans un miroir (v. 441). La femme vit ici dans l’ombre de l’homme.

De plus, ce personnage féminin est décrit dans une posture peu valorisante, puisqu’elle est celle qui ne peut pas s’empêcher de parler, selon un préjugé courant sur la prolixité des femmes. Elle ne fait pas confiance à Erec, ce qui met en danger leur couple. La faute lui en revient à elle, un peu comme Eve pour le péché originel. La représentation de la femme par Chrétien de Troyes n’est donc pas à l’avantage de cette dernière.

Que vaut-il mieux retenir, en définitive ? Que la femme ait ici égale importante, sur le plan narratif, que l’homme ? Ou qu’elle soit représentée de manière conforme aux préjugés de l’époque ?

On peut soulever, pour trancher la question, que c’est Enide qui sauvera Erec grâce à cette prise de parole qui avait été auparavant cause de troubles. Cet épisode de dénouement remet ainsi tout le schéma précédent en question : et si Enide avait toujours eu raison de prendre la parole et de vouloir avertir Erec des dangers ? Et si les mésaventures survenues suite à cette prise de parole étaient plutôt le fait de l’orgueil d’Erec que du manque de maîtrise de soi d’Enide ? Et si le couple gagnait à ce que la femme ne reste pas à sa place ?

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[club] Christine de Pizan – Citation sur la maternité et l’écriture

« Au temps où tu portais tes enfants dans ton ventre, tu ressentais une grande douleur lors de l’enfantement. Je veux maintenant que naissent de toi de nouveaux volumes, qui dans les temps à venir et perpétuellement présenteront ta mémoire dans le monde, devant les princes et en tous les endroits de l’univers ; tu les enfanteras de ta mémoire dans la joie et le plaisir, malgré le travail et la douleur ; et de même que la femme qui a enfanté oublie son mal dès qu’elle a entendu le cri de son enfant, tu oublieras la souffrance du travail en entendant la voix de tes volumes. » (La vision de Christine, 3e partie).

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[club] Christine de Pizan – Sur le viol

Les femmes n’aiment pas être violées (2ème partie, XLIV) comme l’illustre le cas de Lucrèce.

Christine aborde ici un sujet tout à fait d’actualité (Cf. dernièrement les propos d’hommes politiques américains et espagnols. Jose Manuel Castelao Bragaña ; Todd Akin etc. ).

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[club] Christine de Pizan – Féministe ?

Le féminisme de Christine de Pizan fait débat, et ceci pour deux raisons.

D’abord, si on s’arrête au programme de la Cité des Dames, il semble qu’on puisse qualifier son auteur de féministe. Elle défend les femmes contre le discours misogyne en réfutant les arguments selon lesquels les femmes seraient inférieures aux hommes en terme d’intelligence, de courage, de force. En cela, elle cherche à défendre l’idée d’une égalité homme-femme.

Pourtant, elle use souvent du leitmotiv de la faiblesse féminine au moment de commenter sa propre entreprise d’écriture : « comment trouverais-je en ce faible corps de femme la force d’entreprendre une si haute tâche? » (p. 47). Pour résoudre ce problème, elle adopte la posture de la servante : « Commandez, j’obéirai » (ibid). Cela signifie-t-il que Christine se dévalorise en tant que femme ?

En fait, ce leitmotiv correspond à une rhétorique bien identifiée au Moyen Âge, celle de l’humilité de l’écrivain. A cette époque, celui qui rédige ne se dit pas auteur car il ne peut prétendre faire autorité. Les autorités, ce sont les Anciens et le texte sacré. Dès lors, écrire, c’est se placer dans une posture dangereuse, orgueilleuse, qu’il est nécessaire d’adoucir par une attitude humble. On se réclame donc d’autorités reconnues (ici, Boccace) ou on se dit seulement traducteur d’une autre oeuvre, ou inspiré par plus grand que soi (ici, les 3 vertus). Christine de Pizan s’inscrirait dans cette tradition et ne se dévaloriserait en tant que « faible femme » que pour mieux se plier aux règles qui autorisent à écrire.

On peut d’ailleurs remarquer que si elle se réclame de l’autorité de Boccace, elle conteste celle d’Aristote ou d’autres en déclarant, à travers la voix de l’allégorie de la Raison, leurs discours antiphrastiques ou motivés par la frustration, la jalousie… L’humilité de l’écrivian a ses limites !

Entre déférence envers les autorités et rébellion contre elle, la position de Christine est donc subtile et périlleuse.

Le deuxième point qui interroge, concernant le féminisme de Christine, c’est son discours sur l’image de la femme. Souvent, elle insiste sur certaines vertus que sont censées développer les femmes : « la nature même de la femme la porte à être simple, sage et honnête » (p. 49-50) ; « si les femmes font preuve de dévotion, la charité leur fait encore moins défaut, car qui rend visite aux malades ? les réconforte ? qui secourt les pauvres ? qui va aux hôpitaux ? qui ensevelit les morts ? C’est là, me semble-t-il, l’oeuvre des femmes » (p. 57). Elle défend même la spécificité féminine de la « quenouille » (p. 61). On s’approche là du discours qui était développé dans l’éthique du care, qui attribue aux femmes une plus grande inclination à soigner et à se soucier d’autrui – avec tous les problèmes que ce type de discours pose quand il s’agit d’affirmer l’égalité entre hommes et femmes.

La question qui se pose à propos de ce deuxième point est la suivante : en proposant une image de la femme comme étant au service des autres et développant les qualités nécessaires à un tel office, Christine s’inscrit dans son époque. Comment concilier cette vision de la femme avec celle des femmes fortes et ingénieuses qui constituent les pierres de la Cité des dames ? Ces femmes-là sont-elles des exceptions qui confirment la règle d’une soumission féminine ?

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[club] Christine de Pizan – Exemples

Dans la Cité des Dames, Christine de Pizan entreprend de recenser les exemples de femmes ingénieuses, courageuses ou fortes qui contredisent le discours misogyne selon lequel les femmes seraient stupides, peureuses et faibles.

En cela, elle reprend une veine initiée par Boccace dans Le livre des femmes illustres et qui se poursuivra après elle avec des ouvrages comme celui de Gilles Ménage au XVIIe siècle.

Ce qui est intéressant, c’est que les exemples qu’elle prend sont, d’une part, souvent empruntés à Boccace, de l’autorité duquel elle se réclame, et, d’autre part, tirés de la mythologie mais présentés comme véridiques. L’argument de Christine, qu’elle reprend à Boccace, est à chaque fois que des personnages comme Cérès ou Isis ont d’abord été des reines ou des femmes remarquables avant de devenir l’objet d’un culte par leurs contemporains et de passer pour des divinités ensuite. C’est une hypothèse intrigante mais intéressante, qui peuple l’Antiquité de figures féminines marquantes…

…et qui pourrait constituer un programme de lecture pour ce bookclub ! Dans la Cité des Dames, Christine de Pizan se livre en effet au même travail que nous : mettre en lumière le talent, le génie, le travail de femmes le plus souvent oubliées ou peu connues du grand public. Mais nos buts divergent sans doute, puisque là où elle cherche à prouver l’intelligence et la force féminines afin de les défendre (sa « cité » est pensée comme une « forteresse » et elle-même se veut le « champion » qui défend les femmes contre leurs accusateurs (p. 42)), nous avons à coeur de réfléchir, à chaque fois, sur le type de discours féministe produit par ces femmes ou que l’on peut induire de leurs oeuvres et de leur vie.

Enfin, il me semble amusant de relever que le premier exemple que Christine donne afin de contrer l’argument de l’incapacité féminine, c’est le sien propre ! Elle indique en effet qu’elle a des « inclinations » qui, si elle en croyait le discours misogyne, l’assimilerait à un homme… et en vient à désespérer d’être née femme. Mais elle prouve aussi, par là même, que les qualités que les misogynes dénient aux femmes, elle-même les possède, ce qui constitue une objection de poids.

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[club] Christine de Pizan – Vie d’une femme de lettres au Moyen Âge

La premier chapitre de la Cité des Dames nous donne des indications sur le mode de vie de Christine de Pizan, qui n’est pas sans faire écho à nos précédentes lectures dans ce bookclub.

En effet, Christine indique qu’elle a reçu la visite des 3 vertus alors qu’elle était « assise dans (s)on étude, tout entourée de livres traitant des sujets les plus divers ». Elle précise qu’elle s’y adonne à « l’étude inlassable des arts libéraux », soit la rhétorique, la grammaire, la dialectique pour le trivium et l’arithmétique, la géométrie, la musique et l’astronomie pour le quadrivium, selon son « habitude » et une « discipline qui règle le cours de (s)a vie ». Enfin, elle indique à la fin du premier paragraphe qu’elle interrompt une lecture lorsque sa mère vient l' »appeler à table ».

On trouve là une des conditions évoquées par Virginia Woolf pour que les femmes puissent écrire : disposer d’une « chambre à soi ». Ici, la chambre est même une « étude » chargée de livres…

Cela signale par là même le niveau de vie plutôt confortable de Christine, au vu du coût des manuscrits à l’époque : il fallait abattre un troupeau de bêtes afin d’avoir assez de parchemin pour constituer un manuscrit, ce à quoi s’ajoutait le prix des encres et le travail, généralement long de plusieurs mois, du copiste – même si Christine copiait elle-même et économisait sur ce poste budgétaire, il n’en reste pas moins que la détention d’une bibliothèque personnelle était un luxe réservé aux couvents et aux princes. On retrouve là une autre condition énoncée par Virginia Woolf  pour avoir un poids civique et social : avoir de l’argent à soi (cf Trois guinées).

Enfin, le fait que ce soit la mère de Christine qui administre la vie du ménage et non Christine elle-même signale une troisième condition : le loisir. Bien que veuve et mère de trois enfants, Christine réussit à avoir le temps pour faire vivre toute sa famille de sa plume. Est-ce parce que ses enfants étaient en nourrice puis placés, pour la fille au couvent, pour un de ses fils auprès de protecteurs d’influence? Est-ce grâce à une gestion intelligente de l’intendance domestique ? En tout cas, Christine n’est pas l' »Ange du foyer » que décrit Virginia Woolf comme le stéréotype de la femme sous l’ère victorienne ; elle se rapproche plutôt d’une figure masculine, ce qu’elle dit elle-même en stipulant que du jour où elle entreprit de gagner sa vie avec sa plume, elle devint « mâle ».

Comment penser dès lors la vie de Christine de Pizan : comment celle d’une femme ou comme celle d’un homme ?

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[club] Christine de Pizan – Références littéraires

La Cité des Dames, écrit en 1405, précède  le Trésor des 3 vertus. Dans la Cité des Dames, Christine voit apparaître 3 figures allégoriques. Ces 3 figures correspondent à 3 vertus : Droiture, Justice et Raison. Ce sont ces 3 vertus que l’on retrouve dans le Trésor des 3 vertus.

En s’adonnant à un dialogue avec des figures allégoriques, Christine s’inscrit dans une tradition littéraire bien établie. Dans la Consolation de la philosophie, Boèce voit en effet apparaître, dans sa geôle et avant son exécution, des figures allégoriques féminines comme Fortune ou Philosophie. Or la Consolation de la Philosophie de Boèce est une des grandes références de l’époque, pour tous les lettrés.

On trouve aussi de telles allégories dans le Roman de la Rose, et c’est cela qui nous intéresse davantage. Cet ouvrage se compose de deux parties dont l’une, qui s’inscrit dans la tradition courtoise, a été écrite par Guillaume de Lorris et la seconde, satirique et qui s’en prend fréquemment aux femmes, a été rédigée par Jean de Meung. Et c’est contre le discours misogyne de ce texte connu dans toute l’Europe occidentale que s’élèvera Christine, initiant ainsi un grand débat autour de la question de la femme.

En écrivant la Cité des Dames, Christine de Pizan rédige donc le pendant du Roman de la Rose, un pendant féministe s’opposant au discours misogyne de son temps.

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[club] Marie de France – Sexualité

La sexualité est très présente, de manière naturelle et saine.  Il n’y a pas de glorification de l’abstinence, l’amour est clairement associé au plaisir procuré par la sexualité.  L’impuissance est ainsi présentée comme un malheur (Le malheureux) qui empêche la réalisation de l’amour. Dans Guigemar, je trouve le thème de la ceinture érotique moderne (ou c’est moi qui plaque dessus ma symbolique moderne ?). D’autre part notons que l’homosexualité n’est pas non plus taboue (Lanval p.93)

Le mariage est un risque de malheur, d’enfermement. Cependant les lais nous disent aussi que les femmes peuvent trouver l’amour, le plaisir. Ils ne finissent pas tous mal.

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[club] Marie de France – Rang et amour courtois

Dans « Equitan », le roi tombe amoureux de la femme de son sénéchal ; elle lui dit que « l’amour n’a de valeur qu’entre égaux » car « le puissant, bien persuadé / que personne ne lui enlèvera son amie, / il entend la dominer de son amour ».

Ce à quoi le roi répond que ceux qui « recherchent des femmes inférieures » ne sont pas « de vrais amants courtois » et qu’une femme « sage, courtoise, de noble coeur » mérite « n’eût-elle que son manteau » qu’un roi l’aime « loyalement ».

On retrouve le même motif dans Erec et Enide de Chrétien de Troyes, Erec étant un chevalier de la cour arthurienne et Enide la fille d’un homme sans noblesse, vêtue pauvrement.

Le roi se présente alors à la femme comme son « vassal » et lui demande de ne plus le considérer comme le roi.

Par cet amour courtois, on voit ici que la différence de condition sociale n’est pas seulement abolie : elle est renversée. Le roi devient vassal, le sujet du roi devient sa maîtresse (domina en latin, racine étymologique du mot français « dame »). De plus, l’homme n’est plus le maître mais le vassal, et la femme est celle que l’on sert.

Ce passage d' »Equitan », parce qu’il insiste sur l’incongruité de ce double renversement, peut être  lu, me semble-t-il, comme le négatif du fonctionnement habituel de la société médiévale : une société où l’homme domine la femme comme le roi son sujet.