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[club] Freud – Les limites de l’interprétation

Dans la conférence sur la féminité, Freud semble parfois prendre pour argent comptant des généralités sur les femmes et essayer ensuite d’en rendre compte par l’élaboration d’une interprétation psychanalytique.

L’exercice est intéressant ; mais nombre de ces généralités pourraient être passées en revues et invalidées aujourd’hui. Il y prend garde lui-même au début de la conférence : il ne faut pas associer féminité et passivité… mais on peut dire, selon lui, que la féminité consiste dans le fait de préférer des buts passifs (p 155). Freud met cela en parallèle avec la « répression de l’agressivité » de la femme… Absence d’agressivité que la théorie du care mettrait plutôt en avant comme une caractéristique à part entière et non comme la destruction d’une pulsion.

Ce problème, récurrent dans cette conférence, trouve son expression la plus aboutie dans la fameuse « envie de pénis » : toute la psychologie féminine se fixerait sur cette absence, ce manque. Mais pourquoi la petite fille devrait-elle se sentir dépossédée de quelque chose ? Parce que ses organes sexuels sont cachés, elle doit envier le petit garçon chez qui ils sont visibles ? La dissimulation peut être perçue comme un avantage ; de plus, que des organes soient cachés ne signifie pas qu’ils n’existent pas, et il me semble que les petites filles peuvent tout à fait en avoir conscience… Quand les petits garçons, eux, auront plus de mal à le concevoir !

Et si l’on devait substituer à l’envie du pénis chez la petite fille le fantasme de l’envie du pénis pour le psychanalyste ?

Enfin, toujours à propos de cette « envie de pénis », je relève que Freud lui attribue le renoncement à l’activité masturbatoire clitoridienne de la petite fille (p. 169) quand il indique, quelques pages auparavant, que ce renoncement est dû à l’interdit formulé par la mère (p. 165). Alors, le complexe féminin, à qui la faute ?

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[club] Freud – L’énigme féminine

La conférence sur la féminité commence par un lieu commun qui prête aujourd’hui à sourire : la féminité est une énigme.

Enigme pour qui ? Freud précise qu’elle en est une pour son public, constitué d’hommes…

Enigme en quoi ? Freud développe : énigme de la différence sexuelle, dont la biologie ne rend compte qu’anatomiquement.

Mais alors, pourquoi dire que c’est la féminité qui constitue une énigme, plus que la virilité ?

Il me semble qu’ici Freud formule la question des comportements sexués, traités aujourd’hui par les théories du genre : dans quoi s’enracinent les comportements que l’on dit féminins, ceux que l’on dit masculins ?

Mais il me sembler qu’il manque une question à Freud : pourquoi associe-t-on tel comportement à la féminité ? Tel autre à la virilité ? Peut-on remettre en cause cette partition des émotions et des attitudes ?

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[club] La Belle dame sans mercy – Postérité

L’ouvrage est demeuré célèbre. Il donne lieu à de nombreux textes s’en inspirant, y compris au 19ème (Keats).

La qualité littéraire du texte y est sûrement pour beaucoup. Le fait que les deux personnages soient également desservis permet de le rendre agréable à tous.

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[club] La Belle dame sans mercy – Refuser et refuser l’amour

La dame est sans mercy car elle refuse l’amour de son poursuivant.

Peut-on y voir l’éloge de la liberté de choix?

D’un point de vue courtois, je pense que non. L’indifférence de la dame fait partie du jeu courtois. La dame doit octroyer ou refuser ses faveurs à l’amant suivant « la logique du guerredon ». La Dame la refuse au nom d’une « libre franchise », qui n’est pas « la noble franchise ». Le problème n’est donc pas que la dame refuse, mais la raison pour laquelle la dame refuse.

La dame refuse au nom d’un désir d’indépendance, qui n’était certes pas recommandé par la société médiévale.

Maintenant Chartier reste neutre vis-à vis de ses personnages

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[club] La Belle dame sans mercy – La femme fatale

Dans La Belle dame sans mercy apparaît le type de la femme fatale, qui refuse celui qui l’aime et le fait souffrir sans compatir à sa douleur ou chercher à l’apaiser. D’autres femmes s’inscrivent dans ce type, mais plutôt au XIXe siècle : ainsi du personnage féminin dans La femme et le pantin de Pierre Louÿs, de Carmen dans la nouvelle de Mérimée, de Nana dans le roman de Zola…

La différence entre la Belle dame et les héroïnes du XIXe siècle est que ces dernières séduisent par leur beauté et se jouent des sentiments masculins pour en tirer bénéfice. La Belle dame sans mercy, au contraire, ne demande qu’à être tranquille. Mais de ses répliques n’est pas toujours absente une certaine ambiguïté : « Les yeux sont faits pour regarder »…

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[club] La belle dame sans mercy – Emancipation féminine

La Belle Dame sans mercy est un débat poétique entre un amoureux et celle qu’il aime qui parodie le discours courtois. Ce débat  est enchâssé dans l’histoire du narrateur, témoin de ce dialogue. L’amoureux est éconduit : il présente tous les arguments habituels de l’amour courtois (mal d’amour, don du coeur, risque de mort et de martyre d’amour, demande de pitié de la part de la dame) mais, à la différence des dames qui récompensent les épreuves subies par leur ami (on appelle cette récompense le guerredon), cette « belle dame » est sans merci (donc sans pitié) et réfutent les arguments présentés.

Ce texte a eu beaucoup de succès et a suscité des continuations et des réponses : il n’a pas laissé insensible. Son caractère fictionnel invitait à la réplique, comme dans les cours d’amour ou les « puy », sociétés où les intervenants proposaient des textes sur un thème et/ou avec une forme donnée. Mais, comme l’indique l’éditeur en introduction, le texte de Chartier n’est pas le seul à présenter une telle dame et une telle réponse à l’amour courtois. Pourquoi un tel succès ?

Peut-être, et c’est en cela que le texte s’avère féministe, parce que la dame y manie le bon sens avec une telle évidence qu’on ne peut que se rendre à ses arguments et qu’elle déjoue les pièges et les artifices du discours courtois en manifestant qu’il est à l’avantage de l’homme et non de la femme, contrairement à ce qui en est généralement présenté. En effet, on dit que la dame est, dans l’amour courtois, celle qui domine et qui fait subir des épreuves à l’ami : en réalité, elle n’est pas libre de refuser l’ami qui souffre pour elle, selon la logique courtoise, sous peine d’être accusée d’être impitoyable, méchante. La Belle dame sans mercy remet les choses à leur place : le discours courtois est un mensonge, une imposture, destinés à prendre les femmes au piège en les culpabilisant. Elle rend cette vérité évidente et c’est en cela qu’elle est, selon moi, un héraut de la cause féminine.

Par ailleurs, par son bon sens et ses arguments sans faille ni détour, la Belle dame anticipe le style des réponses de Jeanne d’Arc à son procès, en 1440 : saisissantes de vérité, de logique et d’évidence.

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[résumé] Sophie Tolstoï – A qui la faute ?

Tolstoï, à la fin de sa vie, s’en prend au mariage « prostitution légalisée » et prêche l’abstinence. En 1890, il précise son point de vue suite aux courriers reçus au sujet de son court récit La Sonate à Kreutzer : les enfants doivent être le but des relations sexuelles, et pas un obstacle à la jouissance. L’abstinence est donc également nécessaire dans le mariage, notamment pendant la grossesse et l’allaitement. De plus, il n’y a pas de mariage chrétien, seulement un point de vue chrétien sur le mariage.

Offensée par La Sonate à Kreutzer; son épouse Sophie, mère de ses 13 enfants, scribe et correctrice, écrit A qui la faute en? en 1892. En 2010, Albin Michel publie une nouvelle traduction de La Sonate à Kreutzer, précédée par une première traduction d’A qui la faute ?. De son vivant, on avait déconseillé à Sophie de publier.

A qui la faute ? raconte le destin d’Anna, jeune fille innocente et cultivée qui rêve d’un amour spirituel. Après son mariage avec un vieil ami de la famille, elle déchante aussitôt : il ne la désire que charnellement. Elle trouve cependant du réconfort auprès de ses enfants et de la campagne. Son mari continue de la décevoir, en méprisant ses enfants et tout ce qu’elle aime. Un jour, elle rencontre Dimitri, vieil ami de son mari avec qui elle noue une relation platonique proche de son idéal spirituel… Dans ce récit, Sophie Tolstoï ne revendique rien, elle propose néanmoins une description juste de la vie des épouses, privées à la fois de sexualité et de spiritualité. Comment ne pas être interpellé par le tragique de l’existence d’Anna? « Se peut-il que ce soit-là tout le destin des femmes, songeait Anna, un corps au service de l’enfant, un corps au service du mari? L’un après l’autre, et ainsi de suite, sans qu’on en voie la fin? Où est donc ma propre vie? Où est mon moi? Mon vrai moi qui jadis aspirait à quelque chose de sublime, à servir Dieu et un idéal? » (p.96-97)

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[club] Quinze joies du mariage – Féministe ou misogyne ?

Les Quinze joies présentent des femmes vénales, manipulatrices, infidèles et fainéantes. Leurs maris au contraire sont droits, honnêtes et travailleurs et se font duper en permanence.

D’après la préface, la critique des femmes n’est que le premier degré de lecture. Monique Santucci citée p.823 :  » (…) derrière un antiféminisme de façade, l’auteur s’en prend à la société; l’antiféminisme est un paravent qui masque ses audaces. » Dans ce cas, notre précédente lecture, La farce du cuvier, serait aussi un écrit féministe déguisé.

Je ne suis pas convaincue.

Je ne sais pas ce que l’auteur au Moyen Age pensait, mais aujourd’hui je doute que l’effet satirique passe…

Certes l’auteur fournit une critique du mariage, mais je pense que ce type de texte contribue à créer des stéréotypes négatifs pour les femmes… La critique à mon avis est trop subtile… Je ne sais pas…. Le problème, je pense, c’est que le texte ne charge que les femmes… Ce serait différent si le mari avait parfois le mauvais rôle, on pourrait dire que l’auteur veut se moquer de l’institution du mariage…

Quand le texte présente une femme fainéante qui ne fait rien à la maison, discute avec ses copines et s’amuse avec son amant, obligeant le mari à s’occuper des enfants et de la maison, il peut nous apparaître satirique dans la mesure où nous savons que c’est irréaliste… Mais combien de gens le savent ? J’ai l’impression, encore une fois aujourd’hui, que l’idée la plus répandue c’est qu’il est facile d’être mère au foyer, que ces femmes ont peu à faire… Dans ce cas, un texte comme le Cuvier ou les Quinze joies renforcent le préjugé.

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[club] Quenouilles et Quinze joies – Comparaison

Les 15 joies sont pessimistes, quand L’Evangile des quenouilles est optimiste. Les 15 joies décrivent l’homme malheureux en ménage et en général l’échec du mariage. L’Evangile des quenouilles au contraire témoigne d’une volonté d’être heureuse en ménage : les femmes proposent des remèdes, des conseils pour améliorer le quotidien du couple.

Les deux textes nous renseignent sur le rôle des femmes et leur quotidien. Même s’il prétend qu’elles ne les accomplissent pas, les 15 joies nous disent quelles sont les tâches et les devoirs des femmes : enfanter et s’occuper des enfants, s’occuper du foyer, des repas, des animaux. L’Evangile des quenouilles confirme que les préoccupations des femmes se situent dans ces domaines.

On peut également noter que l’un semble en faveur des femmes, L’Evangile des quenouilles, quand l’autre les critique.

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[club] Evangiles des Quenouilles – Condition féminine

Triste condition féminine que celle décrite par les Evangiles des Quenouilles ! La Farce du cuvier se concluait déjà par le mari déclarant avoir le droit de battre sa femme, ici les références aux femmes battues se multiplient, ce qui témoigne de la banalité du fait… même lorsqu’elles sont enceintes !

Si le fait est banal, il n’en est pas admis pour autant par ses victimes : le fait qu’un homme batte sa femme enceinte est un mauvais signe pour l’accouchement… cela nous semble une évidence physique aujourd’hui mais tenait de la croyance autrefois.

Ce dernier point me permet de conclure sur l’idée suivante : si toutes ces croyances nous semblent parfois un peu absurdes, elles n’en témoignent pas moins d’une réelle volonté de comprendre, d’expliquer des phénomènes sortant de l’ordinaire et redoutés (nanisme, bec-de-lièvre, accouchement douloureux voire fatal, engorgement des seins, guerres, épidémies…). Il s’agit de maîtriser les événements, quitte à ce que ce soit par la divination, qui permet de les anticiper tout en les reconnaissant comme survenant indépendamment de toute volonté humaine. Le paradoxe continue… Les croyances sont le fait d’une volonté d’expliquer, et les gloses relèvent souvent d’un bon sens qui tourne en ridicule cette volonté de rendre compte des bizarreries à tout prix, en témoigne le treizième chapitre de la 2e journée :

« Si on évite de jeter les os au feu après avoir mangé la viande, ou si on empêche d’autres de le faire, on n’aura jamais mal aux dents, en l’honneur de saint Laurent.

Glose. Maïs Noir-Trou affirme la vérité de ce chapitre ; mais elle dit qu’au lieu de cela, il arrive souvent que les chiens se battent pour les avoir ».

Evidemment. La superstition n’est pas toujours adapté au quotidien !