Marie Bonaparte est une femme d’action et une intellectuelle. Pendant la guerre elle refuse l’occupation, aide les émigrants (dont Freud) sans être engagée en politique, elle est cohérente et honnête dans ses choix de vie.
La découverte de la psychanalyse est pour Marie une révélation. La psychanalyse va donner un sens à sa vie, lui permettre de s’épanouir, d’utiliser son intelligence et son énergie.
D’autre part, être psychanalysée va l’aider à dépasser ses névroses, à pouvoir mieux comprendre son passé et assumer ses contradictions (frigidité, amours adultères, besoin d’utiliser son intelligence….). Elle peut ainsi être heureuse et faire quelque chose de sa vie. Le cas de Marie illustre le but de la psychanalyse : rendre la vie possible. Marie va choisir de réinvestir ce que la psychanalyse lui apporte (énergie, équilibre…) dans la psychanalyse, mais d’autres patients pourront faire d’autres choix et le réinvestir dans une autre activité.
- Marie Bonaparte est une « fille » de Freud, fille intellectuelle tout comme Lou-Andréas Salomé. Et de même nous pouvons remarquer qu’elle entretient une relation particulière avec le découvreur de l’Inconscient. Elle est avec Anna Freud son héritière et luttera jusqu’au bout pour défendre sa pensée. Cela est particulièrement visible dans son opposition à Lacan (tandis qu’Anna dans le monde anglophone s’oppose à Mélanie Klein).
N’est-il pas intéressant de remarquer que Freud a été trahi par ses « fils » (Jung, Abraham…) mais compris par ses « filles »?
Mais ne sont-elles que les « filles de » ou sont-elles également les mères de?
Je pense que des trois seule Anna Freud peut être considérée comme la mère d’une théorie propre ayant permis à la psychanalyse une avancée. Ni Marie Bonaparte ni Lou Andréas-Salomé n’ont permis des avancées théoriques majeures.
Lou Andreas-Salomé est une femme, libre, psychanalyste. On s’attend donc à la voir défendre la cause des femmes.
Or, comme toujours, elle semble très fidèle à Freud (à la différence des grandes figures de la psychanalyse Hélène Deutsch, Mélanie Klein…).
Le 30 juin 1916, Lou rend hommage à la psychanalyse, remercie la Société pour ses réunions. « Ainsi chacun des sexes, à la fois séparés et unis, accomplit selon les rôles qui lui incombe, l’homme se bagarre et la femme remercie »
p.83 Elle parle d’Anna qu’elle ne connaît pas encore, on est en août 1917 : « N’est-elle pas devenue adaptatrice de langues étrangères? Et peut-être écrivain dans sa propre langue? Ce serait une belle transposition de son père dans le féminin ». Pourquoi ne la voit-elle pas psychanalyste? Pourquoi les femmes artistes correspondraient aux hommes psychanalystes?
Cependant ses patients lui font remarquer des similitudes entre les deux sexes. p88. Elle remarque que l’angoisse de castration peut être commune aux deux sexes. p. 140 elle s’étonne de trouver la même chose chez les filles et les garçons
Dans cette correspondance apparaît une figure dont nous allons bientôt discuter : Anna Freud, la fille de Freud.
Elle apparaît discrètement (Lou ne la rencontre qu’en 1921) et petit à petit elle s’impose…
Anna est s’abord nommée « fille-Anna »; Lou la considère toujours comme la fille de, même si c’est une amie. Puis elle ne l’appelle plus systématiquement voire plus du tout, preuve que Anna s’impose.
De plus, Lou entretient une correspondance avec Anna. Elle ose lui parler de ses difficultés et de sa santé. Anna répète semble-t-il à son père, ce que Lou accepte…
Lou Andreas-Salomé s’investit beaucoup dans la psychanalyse. Ce n’est pas seulement un investissement intellectuel : c’est une véritable passion.
p. 59 :
« je m’efforce honnêtement et de tout mon cœur de vous bien comprendre ». Je n’ai pas vérifié l’original, mais je trouve intéressant l’usage du mot cœur. Il ne s’agit pas seulement d’un effort intellectuel, c’est aussi une affaire de sentiments.
p.76 parlant du nouveau livre de Freud : « Affamée, assoiffée, je me suis jetée dessus »
Il l’écoute, l’encourage à penser, à publier.
Elle fait preuve d’un grand respect, elle craint toujours de le décevoir. Par exemple, p.59 : Lou a peur de mal comprendre, il la rassure, restaure son esprit critique, son intelligence. Il lui donne des conseils, la guide.
p.198 Freud la rappelle à l’ordre sur sa place « Préparer Mme E à son divorce ne rentre pas dans vos attributions. Vous n’êtes ni un ami juriste ni une tante secourable, mais une thérapeute qui ne peut travailler que quand on lui donne les moyens de le faire. Un point c’est tout »
C’est un mentor. Mais c’est aussi une muse. Il inspire des textes à Lou Andreas Salomé. Elle a une relation passionnée avec la psychanalyse, et Freud…
[club] Mahony – La revanche de Dora
Dora a peut-être été « mal traitée » par Freud mais elle reste aujourd’hui un cas révisable qui met en lumière les « forces patriarcales du XIXe siècle » (p. 26). Parce que Freud ne l’a pas comprise et n’a pas voulu l’entendre, elle illustre la cause des femmes de son temps et leur « envie d’indépendance »(p. 78). Ce que Freud voyait comme un aboutissement de sa théorie s’est retourné, au fil du temps, contre lui…
C’est la revanche de Dora.
Dora est la première patiente sur laquelle nous nous penchons.
Et elle a été mal traitée.
Je ne vais pas en déduire cependant que la psychanalyse traite mal les femmes en général, mais Dora oui.
Il me paraît choquant que Freud ne voit pas d’emblée que Dora est une victime : sa famille est toxique, monsieur K. lui fait des propositions malsaine…. Est-ce liée au fait que je suis née en 1980? Que la Vienne de Dora était différente? Je peux admettre que la différence d’âge entre monsieur K. et Dora n’était pas alors un problème, ni le fait que Dora était ado, mais n’est-ce pas évident que la position de monsieur K. (mari de l’amante du père) rend sa proposition malsaine? Suis-je trop moraliste?
Il me paraît encore plus choquant que Freud ne se met pas du côté de sa patiente. Il ne l’écoute pas, il écoute les adultes qui la lui envoient. Je pense que l’hostilité de Dora à l’égard de la cure est due au manque d’empathie de Freud. Il est du côté des adultes et surtout il veut prouver sa théorie, il ne l’écoute pas.
Cependant, il y a malgré tout dans le texte de Freud une volonté de se remettre en cause. Et je trouve que beaucoup de psychanalystes oublient cet aspect : Freud n’avait pas la prétention d’avoir une théorie achevée et intouchable.
Mahony met en avant les erreurs de Freud, notamment dans son positionnement. Il se montre directif, fait des suppositions gratuites, néglige certains aspects.
Il me semble particulièrement intéressant de nous demander les raisons de ces erreurs.
Plusieurs explications sont possibles en fonction de où on se place. Du point de vue de la psychanalyse, Freud se trompe car il ignore ou tout au moins sous-estime le contre-transfert. D’un point de vue plus large, je pense que les erreurs de Freud prouvent qu’il a des préjugés sur les femmes et la sexualité féminine.