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[club] Friedan-Perrot – Soumises, insoumises, du texte à l’écran

best of everythingCe que j’ai apprécié dans le livre de Friedan, c’est qu’elle fait à la fois le portrait de femmes engluées dans la mystique féminine et de femmes ayant cherché à s’en extraire (je pense aux itinéraires de féministes britannique et américaines). Chez Perrot aussi, même si plus discrètement car ce n’est pas l’objet de l’article, la prise de parole féminine lors d’un congrès est mise en lumière comme développant un discours d’émancipation.

J’ai souvent pensé, en lisant le livre de Friedan, au Sourire de Mona Lisa : le contexte universitaire, la difficulté à faire un choix de vie, l’alternative mariage/études… Quant à l’article de M. Perrot, il m’a fait penser à The Best of everything : « Ce n’est pas l’Usine mais le Bureau qui mangera la ménagère… ».

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[club] Friedan-Perrot – A qui la faute?

friedanfromradcliffewebsiteBetty Friedan essaye de chercher les responsables : les inventeurs de la mystique féminine.
La liste est longue :
La psychanalyse (Freud et surtout les freudiens après lui et la vulgarisation de leurs idées);
La sociologie avec le formalisme;
l’anthropologue Margareth Mead;
les adversaires du féminismes;
ceux qui ne voulaient pas se remettre en question après 1945;
le système éducatif;
les publicitaires et les industriels.

Mais n’y-a-t-il une raison plus profonde? Une prémisse erronée dans la façon de penser les femmes et leur rôle dans la société….

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[club] Friedan-Perrot – Assez de l’argument de la nature féminine

friedanPourrait-on en finir avec l’argument de la nature? Ce sont toujours des raisons biologiques ou physiologiques qui sont avancées pour justifier l’inégalité des sexes ou le rôle que les femmes devraient avoir : elles sont trop petites, elles ont un utérus etc.
Ainsi Michelle Perrot remarque que le discours sur les femmes utilise un vocabulaire organique et médical. Les femmes ne sont qu’un corps faible, malade, indisposé, maltraité et surtout un corps disposé à enfanter. Le travail à l’usine est critiqué parce qu’il abîme le corps des femmes, remet en cause la reproduction. De même Betty Friedan montre comment la mystique féminine réduit les femmes à leurs fonctions biologiques (se reproduire, enfanter) ou corporelles (se faire belle, faire l’amour, faire le ménage et les repas). Tout se passe comme si elles n’avaient que des besoins physiologiques alors qu’elles en ont d’autres comme les hommes (chapitre 12).
Les femmes sont, tout comme les hommes, des êtres de culture. Arrêtons donc d’avancer l’argument de la nature pour justifier quoique ce soit les concernant.

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[club] Friedan-Perrot – La femme est un humain comme les autres

the-feminine-mystiqueLa femme est un humain comme les autres
Je pense que c’est le grand argument de Betty Friedan. La femme a besoin de satisfaire tous les besoins de la pyramide de Maslow (chapitre 12) et aussi de résoudre à la fin de l’adolescence sa crise d’identité (chapitre 3). Tout comme les hommes.
Chaque femme doit construire son identité car il n’y a pas pour elle un rôle prédéfini qu’il suffirait de suivre. Ceci m’amène à un argument célèbre l’argument de la nature féminine…

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[club] Friedan-Perrot – Une nouvelle mystique?

jenifer-en-couverture-de-elle-expose-sonBetty Friedan écrit sur les USA de l’après guerre. Il est donc normal de se demander si son témoignage est encore pertinent aujourd’hui. La mystique féminine existe-t-elle aujourd’hui ? De plus peut-on l’exporter en dehors des USA ?
Je pense que ce qui demeure pertinent dans l’ouvrage quelque soit l’époque ou le pays, c’est le mécanisme de formation de la mystique. Il se peut que le contenu soit différent, mais le mécanisme demeure le même.
Cela nous amène à d’autres questions. Quelle est la mystique féminine aujourd’hui ?
Je pense qu’Elisabeth Badinter donne des éléments de réponse dans son ouvrage Le Conflit, sur lequel nous avons déjà débattu. Il y aurait un retour à une mystique proche de celle de Friedan, après un passage par une mystique de la superwoman (mère- femme- entrepreneure parfaites à tous les niveaux). Ce serait aussi le cas aux Etats-Unis (http://www.forbes.com/sites/meghancasserly/2012/09/12/is-opting-out-the-new-american-dream-for-working-women/).
Personnellement je trouve que le problème est l’image de la perfection diffusée dans les magazines, même si on ne l’exige pas dans tous les domaines, cette idée que le bonheur c’est avoir une vie de couple parfaite, une organisation parfaite, une ligne parfaite… est très présente… Donc je pense qu’il y a toujours une mystique féminine, qu’il y a toujours une tendance à réduire les femmes à leur supposée nature, qu’il y a donc toujours une fabrication de frustrations et de névroses ou en d’autres termes une fabrication d’Emma Bovary (les magazines féminins ayant remplacés Walter Scott).

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[club] Freidan-Perrot – Faits et discours

les femmes perrotThe Feminine Mystique de Betty Friedan pose le problème d’une « mystique de la femme » existant aux Etats-Unis au XXes. selon laquelle la destination féminine serait liée au foyer et uniquement au foyer. L’article « L’éloge de la ménagère dans le discours des ouvriers français du XIXe s » de Michèle Perrot cherche à définir la vision de la femme portée par le milieu ouvrier, et tend à montrer que, dans les mouvements ouvriers et les syndicats (pris en bloc), la femme est souvent présentée comme ayant pour destination, là aussi, l’occupation du foyer et son introduction dans le secteur ouvrier est vu comme une intrusion et un danger, tant pour le salaire et les conditions de travail des ouvriers, pour la conservation de la famille que pour sa propre santé et son propre bien-être.

A ces analyses du discours sur la femme sont à chaque fois confrontés les faits. Betty Friedan convoque les témoignages de femmes pour montrer que suivre ce modèle idéal entraîne un profond ennui et une perte d’identité ; Michèle Perrot confronte au discours alarmiste sur les femmes au travail délaissant le foyer la réalité des chiffres : seules 38% des femmes occupent un travail à temps plein en 1900 et ,en 1906, sur cent femmes, peu occupent un travail ouvrier (25%), la plupart étant domestiques (17% ; celles-ci sont généralement célibataires) ou effectuant un travail textile à domicile (36%).

Dans les deux cas, la confrontation des discours et des faits révèle un décalage : l’idéal brandi aux Etats Unis au XXe s. est factice, la menace redoutée par certains discours ouvriers au XIXe s. est exagérée. D’où ma question : y a-t-il toujours eu une telle différence entre le discours sur les femmes, excessif, et la réalité de leur condition ?

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[club] Flaubert&Sand – Réalité et émancipation féminine

mme bovary rodolpheEmma Bovary ne parvient jamais à s’ancrer dans la réalité. Elle n’a aucun projet politique, aucun intérêt réel pour autrui. Indiana par contre est capable de s’émouvoir sur le sort des esclaves, capable de réfléchir à sa propre condition de femme. Cette dimension politique (politique au sens large) est ce qui permet à Indiana de se sauver du romantisme. Cette dimension politique est aussi ce qui distingue les deux romans : alors que Flaubert choisit essentiellement une focalisation zéro, Sand nous propose le point de vue d’Indiana. De plus, les deux préfaces (1832 et 1842) de Sand situe clairement le roman dans un projet politique et féministe. Flaubert n’est cependant aussi neutre qu’il le prétend. Sans intervenir directement, le narrateur donne un avis, notamment par de l’ironie. Il y a à travers le personnage d’Emma une critique du romantisme mais aussi de l’oisiveté bourgeoise. Ainsi la mère de Charles remarque : « Si elle était, comme tant d’autres contrainte à gagner son pain, elle n’aurait pas ces vapeurs-là, qui lui viennent d’un tas d’idées qu’elle se fourre dans la tête, et du désœuvrement où elle vit ». Et à la fin du roman, on apprend que la fille d’Emma et Charles va apprendre un métier et travailler, car elle il ne lui reste qu’une parente pauvre. Flaubert en effet reproche aussi à Emma de ne s’être jamais confrontée à la réalité, de n’avoir aucun engagement politique. C’est ce refus de la réalité, cet absence d’engagement qui explique pourquoi, contrairement à Indiana, Emma ne parvient pas à s’émanciper et tombe d’une domination masculine à une autre (mari, amants, marchand).

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[club] Sand&Flaubert – Critique du romantisme

sand par mussetSi l’on regarde les deux romans rapidement, les choses sont claires. Indiana est un roman sentimental et Madame Bovary une critique du romantisme. Lorsque l’on se met à lire et à réfléchir, les choses sont un peu plus complexes. Indiana présente tous les topiques du romantisme : exotisme, nature déchaînée, suicide de Noun qui rappelle celui d’Ophélie ou Gretchen… Madame Bovary au contraire prend le contre-pied de ces topiques : province ordinaire, nature paisible, description réaliste de la mort d’Emma… Cependant, c’est tout de même l’héroïne de Flaubert qui se suicide alors que celle de Sand finit sa vie relativement heureuse, à l’écart du monde. Emma Bovary n’a pas la lucidité dont les lecteurs bénéficient grâce au point de vue du narrateur. Intoxiquée par les romans « à l’usage des femmes de chambre » qu’Indiana apprend à critiquer : « ces riantes et puériles fictions où l’on intéresse le cœur aux succès de folles entreprises et d’impossibles félicités ». De son point de vue Emma est une romantique. Les deux romans proposent une critique du romantisme en employant une stratégie différente : Mme Bovary met en scène une romantique dans le monde réel, quand Indiana propose l’évolution d’une romantique vers la réalité.

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[club] Sand & Flaubert – Retour aux sources : Condition féminine

George_Sand_Gustave_Flaubert 1865George Sand est l’auteur d’Indiana : un auteur qui est une femme, qui a divorcé, est partie vivre seule en ville avec ses deux enfants et qui a dû travailler pour vivre. Son regard sur la condition féminine est donc nourri de son expérience ; mais il est aussi nourri de ses lectures, car on repère dans bien des pages des clichés littéraires (le « Lovelace » (p.79) que représente M. de la Ramière, la « Virginie » (p. 77) que peut représenter Noun) et les références à un style (balzacien) et à des oeuvres (Paul et Virginie pour les scènes exotiques de la fin, qui rappellent également que George Sand avait été élevée par une grand-mère ayant connu Rousseau et ayant voulu suivre le programme d’éducation n’entravant pas la nature de l’Emile). Sand se défend d’avoir voulu écrire un plaidoyer contre le mariage en préface et prendra toujours ses distances vis-à-vis des revendications féministes de son temps (comme ceux de Flora Tristan par exemple).

A l’inverse, Flaubert, auteur de Mme Bovary, est un homme, volontiers misogyne dans ses lettres (quoique lié par une forte amitié à George Sand vieillissante, justement parce qu’elle lui semble ni homme ni femme), qui n’a jamais quitté la demeure maternelle à l’heure d’écrire Mme Bovary et n’a connu que des femmes de passage, sa liaison avec Louise Colet étant elle-même très épisodique. Et pourtant, sa peinture de la condition féminine semble plus réaliste que celle qu’en fait George Sand : la réalité jaillit dans toute sa force, le quotidien ne cache pas son aspect dérisoire, on cherche pas à grandir ni à camoufler quoique ce soit.

Est-ce que cette différence tient seulement au talent de l’écrivain ? Au choix d’une esthétique romantique ou réaliste ? Ou bien est-il plus difficile pour une femme au début du XIXe de parler de manière véridique de la vie d’une femme que pour un homme à la fin du même siècle?

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[club] Sand & Flaubert – Retour aux sources : L’ennui domestique

indiana1 mme bovary 1Indiana et Mme Bovary ont en commun une figure féminine qui n’a pas l’air à sa place. L’incipit d’Indiana est très éloquent sur ce point : il me rappelle tant le Lys dans la vallée et les longues soirées passées par Félix chez Mme de Mortsauf que la soirée au coin du feu qui verra le destin de la fille de la Femme de trente ans changer, dans le roman du même nom. Dans Mme Bovary, l’ennui est plus diffus, il est présent dès la jeunesse d’Emma dans la ferme familiale, lors de sa visite à la nourrice, dans tous ses actes pour le conjurer (enivrement du bal, liaison avec Rodolphe, achats compulsifs, nouvelle liaison…). On a le sentiment que l’ennui est strictement domestique dans Indiana et plus métaphysique, plus général, dans Mme Bovary – ce qui pourrait expliquer la fertilité de la figure d’Emma, transposable dans beaucoup de situations (je pense par exemple à l’adaptation en bande dessinée, puis en film, intitulée Gemma Bovery, où Emma, ce n’est pas elle, c’est lui).