Catégories
discussions

[club] Woolf/Colette – Femme artiste opposée à l’ange du foyer

maxernstLe personnage de Lily dans To the lighthouse nous offre à mon avis la parfaite transition avec notre prochain thème.

C’est une femme peintre.

Elle se revendique artiste, célibataire. Elle ne veut pas se sacrifier pour un foyer. Elle refuse d’être considérée comme une malheureuse : elle a choisi de ne pas avoir de foyer.

Elle veut se consacrer à son art.

En 1931, Woolf écrit « “Killing the Angel in the House was part of the occupation of a woman writer.”

Il n’est pas possible d’être les deux : il faut choisir ou Lily ou Madame Ramsay, mais une femme ne peut pas être les deux.

Ce choix est-il toujours vrai aujourd’hui?

Catégories
discussions

[club] Woolf/Colette – Des écritures féminines ?

claudineJe tenais à relever la grande différence de style entre Woolf et Colette, qui n’ont pourtant que 10 ans de différence. Woolf a une écriture très réfléchie, introspective, impressionniste. On n’y trouve pas d’accent mis sur l’intrigue ; et je trouve que ce n’est pas vraiment le propos chez Colette non plus. En revanche, le style de Colette est vif, coloré, parfois même un peu trop ; il y a de l’humour, de la légèreté et une grande capacité à adopter différents styles, correspondant chacun à un personnage différent, dans les passages en discours direct, qu’il s’agisse de dialogues ou de lettres (Annie, Claudine, Alain…).

Dans les deux cas nous avons accès à une certaine classe sociale, mais elle n’est pas décrite de la même manière. Chez Woolf, ce monde est décrit de l’intérieur, avec une certaine adhésion à ses valeurs ; chez Colette, il est décrit depuis un point de vue marginal, avec une réticence à adopter ses valeurs. Et finalement c’est la marge qui l’emporte. En cela Claudine s’en va m’a semblé très proche de Thérèse Desqueyroux.

 

Catégories
discussions

[club] Woolf/Colette – La maison, attribut féminin ?

woolfOn trouve dans To the Lighthouse une description d’anthologie de la maison en l’absence de ses habitants, qui fait écho à la disparition de la mère. Curieusement, on retrouve une description similaire dans un autre tome des Claudine, La maison de Claudine, qui s’ouvre sur la maison familiale présentée comme un décor de théâtre où se trouvent dissimulés les enfants que la mère, entrant sur la scène de la mémoire, appelle et cherche. Dans les deux cas, l’accent est mis sur le poids de l’habitude et sa révélation lorsque l’habitude est brisée : quelque chose est perdu, cette chose c’est la famille et son centre fondateur, la mère.

De là à voir dans la maison le symbole de la mère, par quasi-métonymie, il n’y a qu’un pas ; et ceci d’autant plus que nous avons déjà rencontré l’idée de la femme « ange du foyer » dans nos lectures victoriennes.

Pourtant ce n’est pas avec La maison de Claudine mais avec Claudine s’en va que nous avons voulu nouer un dialogue des deux côtés de la Manche. Dans cet autre volet des Claudine, on trouve la mention d’une maison familiale au début, trop tôt quittée par la jeune mariée Annie. La maison dans laquelle elle s’installe avec son mari n’a rien du symbole familial de To the Lighthouse ou de La maison de Claudine, et pour cause : aucune famille n’est vouée à s’y installer, le couple que forment Annie et son mari n’étant pas viable. En fait d’enfant, Annie pourrait tenir le rôle, tant son mari l’infantilise. Dès lors c’est en fuyant cette maison qui n’est pas la sienne qu’Annie s’émancipe du rôle de femme-enfant que son mariage entendait lui faire jouer. – En ce sens, la métaphore de la femme-maison peut fonctionner dans les deux romans, mais pas de la même manière.

Catégories
discussions

[club] Levin/Jourgeaud – Le travail invisible des femmes

Stepford_wives_ver2Brownie n’avait pas de contrat, toutes les femmes qui ont fait la fortune des tupperware étaient des « travailleuses indépendantes » p.253. Nous mettons ici le doigt sur une caractéristique du travail féminin. « Indépendantes » a quelque chose d’ironique quand on sait que cela signifiait le droit de les remercier du jour au lendemain. Elles étaient en quelque sorte invisibles, absentes des registres de l’entreprise.

Dans The Stepford wives, c’est le travail invisible des femmes foyers qui est mis en avant. C’est un travail tellement peu reconnu qu’elles peuvent disparaître du jour au lendemain sans que personne ne s’inquiète (à part Joanna)

Amélia aussi est exploitée par le professeur Woods tout d’abord puis par le rédacteur en chef du journal qui lui dicte ses sujets.

Catégories
discussions

[club] Levin/Jourgeaud – Ce que femme veut

108449608Brownie a un mantra qui peut paraître un peu naïf : « rien ne résiste à une femme qui le veut vraiment ».

Aujourd’hui cela fait seulement penser à de la pensée positive, mais je pense qu’à son époque elle proposait une révolution sociologique avec ce programme. Les femmes n’étaient pas autoriser à vouloir (les robots Stepford ne veulent pas).

Catégories
discussions

[club] Levin/Jourgeaud – Adaptations cinématographiques

Nos romans au programme de ce mois ont connu un certain succès cinématographique ; Levin écrivait d’ailleurs la plupart de ses romans en ayant une adaptation ciné en tête.

The Stepford Wives a ainsi été adapté deux fois au cinéma, la première en 1975 et la deuxième en 2004 (attention la bande-annonce du film de 2004 spoile toute l’intrigue ; et on peut s’interroger sur la pertinence du choix de l’actrice principale) :

https://www.youtube.com/watch?v=P7wEi3qJGDc


Quant au roman Une héroïne américaine, il ne sera pas à proprement parler adapté au cinéma, mais l’histoire de Brownie Wise, qui y est développée, a été mise en texte au États-Unis et sera l’objet d’un film prochainement.

Catégories
discussions

[club] Levin/Jourgeaud – Qu’est-ce qu’une héroïne ?

CVT_Une-heroine-americaine_1491 the-stepford-wivesDans Stepford wives comme dans Une héroïne américaine, les protagonistes principales se singularisent par leur opposition au groupe. Elles ne s’inscrivent pas dans une attitude grégaire mais se démarquent par leur liberté d’esprit, leur indépendance, qui peuvent être perçus comme des marques d’inadaptation (Joanna n’est pas une ménagère parfaite et cela est perçu comme un défaut ; Brownie est décrite comme ayant la folie des grandeurs, mais ce n’est qu’un prétexte pour la licencier ; les travaux d’Amelia sont taxés de vulgarité).

Cette écriture de l’héroïsme à travers la figure de l’individu singulier et résistant à la pression du groupe n’est pas isolée : on la retrouve par exemple dans Rhinocéros de Ionesco. Elle traverse également toutes les adaptations ciné et télé retraçant les procès de l’Inquisition (Galilée, Jan Hus…). On trouve presque là la figure du juste persécuté, seul contre tous, dont un des prototypes est Jésus Christ. Cette dimension des deux romans est d’autant plus intéressante, je trouve, qu’elle permet de faire un lien avec la réflexion sur la mythologie sous-jacente à Une héroïne américaine : et si le XXe siècle n’avait fait que réécrire les mythes anciens, sans parvenir à en écrire de nouveau ? A moins que le seul mythe original du XXe siècle soit celui de du héros au féminin : de l’héroïne…

Catégories
discussions

[club] Bettelheim & Mead – Le conflit

mmeadBettelheim met en avant un conflit pour les femmes entre l’amour et la carrière, entre la famille et le travail (p.294). Il regrette que la solution la plus souvent choisie est de privilégier un élément du conflit au détriment de l’autre. En quelque sorte Mead choisit cette solution en faisant l’éloge de la maternité.
Bettelheim n’avance pas de solution car il est très conscient des limites de la psychanalyse qui peut traiter que des cas individuels.
Il affirme cependant que les parents et les éducateurs doivent prendre au sérieux « l’éducation à égalité des deux sexes ». Cela me paraît tout à fait pertinent.
A mon avis la solution au conflit est un meilleur partage des tâches ménagères et de l’édiucation des enfants au sein de la famille. Je l’ai déjà dit dans ces pages.

Catégories
discussions

[club] Tolstoï/Fontane – Emma, Anna, Effi : la même histoire dans trois pays ?

anna kMadame Bovary, Anna Karénine et Effi Briest sont trois romans qui parlent de l’adultère au XIXème siècle. Les trois abordent la condition féminine, le mariage et les conventions sociales.

Maintenant je pense que ce n’est pas seulement le lieu de l’action qui les différencie.

Je citerai quelques différences :

Madame Bovary est indifférente par rapport à sa fille, Effi et Anna aiment leur enfant.

Anna Karénine a une ambition plus large que de raconter l’histoire de l’héroïne éponyme.

Charles Bovary est certes un imbécile, mais il n’est pas méchant. Ce n’est pas le cas de Karénine et Instetten.

La relation des trois femmes et de leur amant est également différente. Anna est à mon avis la seule à être amoureuse.

Enfin la différence la plus importante est pour moi celle-ci : Anna et Emma ont une part de responsabilité dans leur malheur alors qu’Effi est une véritable victime. Elle meurt d’avoir perdu sa fille. Il y a plusieurs arguments pour étayer ceci, le principal bien sûr est le point de vue de l’auteur. Ni Tolstoï ni Flaubert n’ont voulu rendre leur héroïne aimable. De plus, Effi est la seule à ne pas se suicider. Enfin, la conversation finale entre les parents d’Effi suggère qu’ils sont responsables. Il n’est pas exagéré de dire qu’Effi n’a commis aucune faute, mais que la société l’a détruite.

Catégories
discussions

[club] Tolstoï/Fontane – Deux maris bien semblables

effi briestKarénine et Instetten se ressemblent beaucoup, je trouve.

Pour eux, seules les apparences comptent. Ils ne sont pas blessés que leur épouse en préfère un autre, ils ne se demandent pas pourquoi, ils s’inquiètent simplement du regard des autres. Karénine est au départ prêt à pardonner à Anna si elle sauve les apparences. Quant à Instetten, il provoque en duel un homme que sa femme ne voit plus depuis six ans et n’a jamais aimé, juste parce qu’il pense qu’il doit le faire, que son honneur en dépend (Effi a la fin du roman découvre qu’il a transmis cela à leur fille et se met à le mépriser pour cet attachement inflexible à l’honneur).

D’autre part Karénine et Instetten utilisent leurs enfants comme un objet de chantage. Karénine commence par menacer Anna de lui prendre son fils si elle continue sa liaison avec Vronski. Instetten sans hésiter décide que sa fille n’a plus de mère en découvrant l’infidélité d’Effi. Ces maris sont conscients du pouvoir qu’ils ont : leur enfant leur appartient et ils peuvent l’utiliser pour nuir à la mère. C’est un thème que l’on trouve encore aujourd’hui dans les affaires de violence conjugale.

De plus, je pense que cela montre quelle est leur idée de la mère. Elle doit être une épouse soumise et irréprochable, ou alors elle ne mérite plus d’être mère. Ce n’est pas seulement l’opinion de ces deux hommes, c’est celle de la société dans laquelle ils vivent. Une mère se doit d’être un modèle de vertu ou alors elle va pervertir ses enfants.