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[club] Levin/Jourgeaud – Qu’est-ce qu’une héroïne ?

CVT_Une-heroine-americaine_1491 the-stepford-wivesDans Stepford wives comme dans Une héroïne américaine, les protagonistes principales se singularisent par leur opposition au groupe. Elles ne s’inscrivent pas dans une attitude grégaire mais se démarquent par leur liberté d’esprit, leur indépendance, qui peuvent être perçus comme des marques d’inadaptation (Joanna n’est pas une ménagère parfaite et cela est perçu comme un défaut ; Brownie est décrite comme ayant la folie des grandeurs, mais ce n’est qu’un prétexte pour la licencier ; les travaux d’Amelia sont taxés de vulgarité).

Cette écriture de l’héroïsme à travers la figure de l’individu singulier et résistant à la pression du groupe n’est pas isolée : on la retrouve par exemple dans Rhinocéros de Ionesco. Elle traverse également toutes les adaptations ciné et télé retraçant les procès de l’Inquisition (Galilée, Jan Hus…). On trouve presque là la figure du juste persécuté, seul contre tous, dont un des prototypes est Jésus Christ. Cette dimension des deux romans est d’autant plus intéressante, je trouve, qu’elle permet de faire un lien avec la réflexion sur la mythologie sous-jacente à Une héroïne américaine : et si le XXe siècle n’avait fait que réécrire les mythes anciens, sans parvenir à en écrire de nouveau ? A moins que le seul mythe original du XXe siècle soit celui de du héros au féminin : de l’héroïne…

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[club] Bettelheim & Mead – Le conflit

mmeadBettelheim met en avant un conflit pour les femmes entre l’amour et la carrière, entre la famille et le travail (p.294). Il regrette que la solution la plus souvent choisie est de privilégier un élément du conflit au détriment de l’autre. En quelque sorte Mead choisit cette solution en faisant l’éloge de la maternité.
Bettelheim n’avance pas de solution car il est très conscient des limites de la psychanalyse qui peut traiter que des cas individuels.
Il affirme cependant que les parents et les éducateurs doivent prendre au sérieux « l’éducation à égalité des deux sexes ». Cela me paraît tout à fait pertinent.
A mon avis la solution au conflit est un meilleur partage des tâches ménagères et de l’édiucation des enfants au sein de la famille. Je l’ai déjà dit dans ces pages.

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[club] Tolstoï/Fontane – Emma, Anna, Effi : la même histoire dans trois pays ?

anna kMadame Bovary, Anna Karénine et Effi Briest sont trois romans qui parlent de l’adultère au XIXème siècle. Les trois abordent la condition féminine, le mariage et les conventions sociales.

Maintenant je pense que ce n’est pas seulement le lieu de l’action qui les différencie.

Je citerai quelques différences :

Madame Bovary est indifférente par rapport à sa fille, Effi et Anna aiment leur enfant.

Anna Karénine a une ambition plus large que de raconter l’histoire de l’héroïne éponyme.

Charles Bovary est certes un imbécile, mais il n’est pas méchant. Ce n’est pas le cas de Karénine et Instetten.

La relation des trois femmes et de leur amant est également différente. Anna est à mon avis la seule à être amoureuse.

Enfin la différence la plus importante est pour moi celle-ci : Anna et Emma ont une part de responsabilité dans leur malheur alors qu’Effi est une véritable victime. Elle meurt d’avoir perdu sa fille. Il y a plusieurs arguments pour étayer ceci, le principal bien sûr est le point de vue de l’auteur. Ni Tolstoï ni Flaubert n’ont voulu rendre leur héroïne aimable. De plus, Effi est la seule à ne pas se suicider. Enfin, la conversation finale entre les parents d’Effi suggère qu’ils sont responsables. Il n’est pas exagéré de dire qu’Effi n’a commis aucune faute, mais que la société l’a détruite.

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[club] Tolstoï/Fontane – Deux maris bien semblables

effi briestKarénine et Instetten se ressemblent beaucoup, je trouve.

Pour eux, seules les apparences comptent. Ils ne sont pas blessés que leur épouse en préfère un autre, ils ne se demandent pas pourquoi, ils s’inquiètent simplement du regard des autres. Karénine est au départ prêt à pardonner à Anna si elle sauve les apparences. Quant à Instetten, il provoque en duel un homme que sa femme ne voit plus depuis six ans et n’a jamais aimé, juste parce qu’il pense qu’il doit le faire, que son honneur en dépend (Effi a la fin du roman découvre qu’il a transmis cela à leur fille et se met à le mépriser pour cet attachement inflexible à l’honneur).

D’autre part Karénine et Instetten utilisent leurs enfants comme un objet de chantage. Karénine commence par menacer Anna de lui prendre son fils si elle continue sa liaison avec Vronski. Instetten sans hésiter décide que sa fille n’a plus de mère en découvrant l’infidélité d’Effi. Ces maris sont conscients du pouvoir qu’ils ont : leur enfant leur appartient et ils peuvent l’utiliser pour nuir à la mère. C’est un thème que l’on trouve encore aujourd’hui dans les affaires de violence conjugale.

De plus, je pense que cela montre quelle est leur idée de la mère. Elle doit être une épouse soumise et irréprochable, ou alors elle ne mérite plus d’être mère. Ce n’est pas seulement l’opinion de ces deux hommes, c’est celle de la société dans laquelle ils vivent. Une mère se doit d’être un modèle de vertu ou alors elle va pervertir ses enfants.

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[club] Bettelheim & Mead – Répercussions

psychanalyse-des-contes-de-fees-359361Le nom de Bettelheim est connu surtout pour sa Psychanalyse des contes de fées et pas pour cet article sur le « Devenir femme » ; pourtant, il me semble qu’on peut faire un lien entre les deux écrits, puisque le premier ouvrage traite de nombreuses héroïnes féminines et que les contes de fées mettent justement en scène et en question le devenir-femme : le petit chaperon rouge et les risques de la séduction, par exemple. La réflexion sur la féminité dans l’Amérique de l’après-guerre n’est sans doute pas pour rien dans l’analyse psychanalytique des contes de fées.

Quant au nom de Margaret Mead, il était connu dans les années 70 au point d’être cité dans un film de Luis Bunuel, Les fantômes de la liberté, lors d’une scène où un policier instructeur recommande à ses recrues la lecture de L’un et l’autre sexe (Male and female) pour mieux comprendre le rapport des sexes… Son oeuvre était par ailleurs connue par les communautés gay, lesbienne, trans et bisexuelles comme asseyant l’idée (lancée par le premier Freud) d’une bisexualité innée de l’être humain. Plus en amont, son étude sur la sexualité dans le Pacifique rentre dans le sillage du Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot.

 

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[club] Bettelheim & Mead – Préjugés misogynes ?

bbOn relève, dans nos deux ouvrages, des préjugés de toutes sortes qui ne manquent pas d’interroger.

D’abord, sur la « normalité féminine », on lit dans « Devenir femme » de Bettelheim : « la femme qui a besoin d’un homme, et qui en veut un, – et toutes les femmes normales en sont là ». Et, à propos des rapports de sexe en Occident avant l’ère industrielle (soit avant le XIXes.), on peut lire chez Bettelheim : « La vie était encore accaparée par les exigences fondamentales de la nourriture, de l’habillement et du toit. (…) Pour autant que l’on sache, il semble que la bonne entente qui régnait entre les sexes leur permettait de résoudre leurs difficultés affectives, surtout si le sexe, en tant que tel, était satisfaisant ». Les hommes et femmes nés avant 1800 étaient-ils donc des animaux ?? Et comment, alors, comprendre toutes les oeuvres du Moyen Âge, de la Renaissance, des XVIIe et XVIIIe s. traitant des rapports des sexes et que nous avons lus dans ce bookclub ??

Chez Mead, les définitions de la féminité et de la virilité sont étroitement attachées aux différences physiques et à l’expérience propre à chaque genre de son corps. Mead se présente en cela comme une matérialiste au sens philosophique du terme. Mais on peut se demander si ce choix idéologique et méthodologique est le meilleur ; cette question, l’auteur ne la pose pas : cette hypothèse n’est pas démontré mais est posée en introduction comme un préalable à accepter, que seule la dimension de « tabou » nous conduirait à rejeter (p. 10-11). Il me semble en conséquence qu’il s’agit d’un préjugé plutôt que d’un préalable à proprement parler.

 

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[club] Bettelheim & Mead – Féminités

mmet son mari

L’article de Bettelheim, « Devenir femme », met le doigt sur la polysémie du terme « féminité » : il y a la féminité telle que la prescrit la société et par rapport à laquelle de nombreuses femmes cherchent à entrer en conformité, et la « féminité adulte », qui est tout autre chose et qui passe par la prise de conscience de ses aspirations.

Bettelheim relève une rupture dans la vie de la femme entre ce à quoi l’encourage la société pendant son enfance et son adolescence (rivaliser avec les garçons, faire de brillantes études) et ce à quoi elle la destine adulte (éléver des enfants, rester à la maison). Surqualifiée pour la place qu’on lui réserve, une frustration sourde la gagne et la ronge de l’intérieur.

Par ailleurs, l’ouvrage de Margaret Mead, Male and female, présente lui aussi plusieurs définitions de la féminité : dans son deuxième chapitre, elle présente 7 peuples du Pacifique et leur conception de la féminité, saisie par son rapport au corps. Mais, et c’est aussi ce qui est intéressant chez M. Mead, à chaque conception de la féminité correspond une conception de la virilité corollaire : on ne naît pas plus femme qu’homme, et chaque culture invente sa féminité et sa virilité.

Ce deuxième ouvrage traite également de la frustration féminine : « Chaque civilisation a mis au point, à sa manière, des institutions qui permettent aux hommes de trouver la certitude de leur virilité. Il est encore peu de civilisations qui aient trouvé le moyen de donner aux femmes l’inquiétude divine dont parle le poète et qui exige d’autres satisfactions que celles de la maternité » (p. 149).

Ce phénomène de frustration, nous l’avons vu à l’oeuvre dans plusieurs oeuvres littéraires, même s’il n’était pas toujours mis en relation avec un idéal d’excellence durant l’adolescence, au contraire (voir Thérèse Raquin, Thérèse Desqueyroux, Betty). Cette frustration est-elle un donné universel des destinées féminines ?

Non selon M. Mead, qui y voit un effet de la culture : « Le problème permanent de la civilisation est de définir le rôle de l’homme de façon satisfaisante (…) afin qu’il puisse, au cours de sa vie, parvenir au sentiment stable d’un accomplissement irréversible (…). Pour que les femmes atteignent à ce sentiment d’un accomplissement irréversible, il suffit que la société leur permette d’accomplir leur tâche biologique. Si elles sont inquiètes, si elles cherchent autre chose, lorsqu’elles sont mères, c’est l’effet de l’éducation. » (p. 148-149).

Selon Bettelheim, il faut élever les enfants dans l’idée que « les femmes ont beaucoup plus de choses en commun avec les hommes que notre société veut bien l’admettre », ceci dans le but suivant : « nos filles pourront accepter le mariage et la maternité comme une part importante de leur avenir, une part qui ne gâchera pas – par le désespoir, la résignation ou l’ennui – ce que leur vie et leurs potentialités ont de meilleur » (p. 298).

Dans les deux cas, la frustration est lue comme un donné anormal, inculqué par la civilisation (pacifique ou occidentale) : est-ce à dire que la vérité résiderait dans la maternité comme seul épanouissement, selon Mead comme Bettelheim ?

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[club] Simenon – Ennui de la femme au foyer

B607Dans La nuit du Carrefour surtout, on retrouve le thème de l’ennui de la femme au foyer.

Else s’ennuie et s’occupe en trafiquant.

Mme Michonnet dit regretter le temps avant son mariage quand elle travaillait.

Le garagiste explique que sa femme ne veut pas d’employée de maison par peur de s’ennuyer. « Remarquez qu’elle pourrait se payer une bonne… Mais elle n’aurait plus rien à faire et elle s’ennuierait ».

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[club] Simenon – Maternités

Betty_Claude_ChabrolElse n’a pas d’enfant dans La nuit du carrefour ; Betty, en revanche, en a deux. La manière dont elle décrit son absence d’amour maternel est intéressante au regard de nos lectures de L’amour en plus d’E. Badinter : « Vous croyez à l’amour maternel ? (…) J’oubliais que vous n’avez pas d’enfant. Vous ne pouvez donc pas savoir. Je parle de l’amour maternel comme dans les livres, comme en parle à l’école, comme dans les chansons. Quand je me suis mariée, je pensais bien qu’nu jour j’aurais des enfants et cette idée m’était agréable. Cela faisait partie d’un tout : la famille, le foyer, les vacances au bord de la mer. Puis lorsqu’on m’a annoncé que j’étais enceinte, j’ai été déroutée que cela vienne si vite, alors que j’avais à peine cessé d’être une petite fille. (…) Je ne me cherche pas d’excuses. J’essaie de comprendre. (…) Je suis peut-être un monstre. Dans ce cas, je jurerais que c’est le cas de milliers et de milliers de femmes. »

Son récit de sa grossesse et de son accouchement, puis de la manière dont la bonne lui prend son enfant en s’en occupant d’autorité à sa place, peuvent tendre à montrer que l’amour maternel est quelque chose qui se construit et n’a rien d’inné.

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[club] Simenon – La recluse

LA-NUIT-DU-CARREFOUR-1932Betty et La nuit du carrefour nous proposent deux figures de la recluse : dans le premier cas, Elizabeth est enfermée dans une vie conjugale et familial dans laquelle elle étouffe, dans le second cas Else semble être enfermée par son frère parce qu’il serait fou, et est en effet enfermée par son mari parce qu’elle est « dangereuse ». Les deux femmes cherchent à s’évader de leur cadre de vie étriqué, l’une par l’alcool et l’adultère, l’autre par de petits trafic via une association de malfaiteurs (ses voisins). Dans les deux cas, les maris sont de bonne foi mais aveugles quant aux souffrances qu’ils infligent à leur épouse, à l’inadéquation entre ces femmes et le type de vie qu’ils leur proposent de mener.

Le regard du narrateur n’est pas le même d’un roman à l’autre : dans Betty, le narrateur semble plutôt complaisant envers les comportements « déviants » du personnage principal. Elle attire la compassion du lecteur (elle est recueillie par Laure, qui dit d’elle « c’est une malheureuse »), et même son absence d’amour maternel est traité avec psychologie, à l’inverse de ce qui se passe dans Mme Bovary. Dans La nuit du carrefour, Else est désignée comme la criminelle, qui trompe son monde, sur laquelle on ne peut se fier. Pourtant, dans les deux cas, ces femmes profitent de leur mari et de leur pouvoir de séduction en général pour s’en tirer (voir la fin de Betty : « Elle avait gagné »).

Elles présentent donc toutes les deux des figures, plutôt proches, de la recluse, au sens propre ou figuré, ce en quoi elles rappellent à la fois Emma Bovary ou Thérèse Desqueyroux.