Madeleine de Scudéry naît au Havre le 15 novembre 1607. Orpheline à six ans, elle est élevée par un des ses oncles, un ecclésiastique et reçoit une éducation érudite.
Au centre de la vie intellectuelle parisienne. Elle séjourne pour la première fois à Paris chez son frère en 1635 et s’y installe définitivement en 1638. En 1644 elle suivra son frère à Marseille, mais ils reviendront dans la capitale en 1647. Dès son premier séjour parisien, elle est reçue par Madame de Rambouillet qui tient le salon le plus en vogue dans le monde des lettres. A partir de 1651, Madeleine tiendra elle-même un salon réputé qui prend le relais de celui de Madame de Rambouillet qui meurt en 1659. Les « samedis de Mademoiselle de Scudéry » réunissent des personnalités comme la Rochefoucault, Chapelain, Pomponne ou Pellisson mais aussi des femmes de lettres comme Mesdames de Lafayette et de Sévigné. Christine de Suède y sera également reçue en 1656 et restera une correspondante fidèle de Madeleine de Scudéry. On s’y livre à des tournois politiques ou on y tient des conversations galantes et spirituelles, on critique les ouvrages et les spectacles à la mode. Les ouvrages de Madeleine de Scudéry permettent de se faire une idée de l’ambiance de ses samedis car ils mettent en scène ces conversations sur l’amour, l’amitié ou l’art. Madeleine de Scudéry surnommée Sappho joue le rôle d’animatrice, d’incitatrice et de muse. Elle incarne avec ses invités le courant précieux, et plus encore l’esprit d’une époque. La Fronde, événement politique majeur au milieu du siècle est fort présent dans son œuvre, de même que les préoccupations morales et artistiques de ses contemporains. Son influence sur la vie artistique et philosophique du temps est réelle. Elle témoigne également du retrait des femmes dans la sphère privée et pose la question du mariage, qu’elle refusera toujours. Elle est en 1671 la première femme à recevoir le prix de l’éloquence de l’Académie Française pour son Discours de la Gloire. Elle est également élue en 1684 sous le nom de l’Universelle à l’Académie Ricovrati de Padoue qui posait au XVIIème la question de la participation des femmes à la vie politique. Elle est reçue en audience particulière par Louis XIV en 1683 et il lui accorde une pension. En 1695, il fera frapper une médaille à son effigie.
Publications cachées. Madeleine de Scudéry ne publie pas ses romans sous son nom, mais sous celui de son frère George, auteur des Femmes illustres. Il s’agit de romans en plusieurs volumes qui cachent sous les personnages historiques ou de fiction des contemporains et où les rebondissements de l’intrigue sont prétextes à des conversations de qualité entre les personnages. Les deux plus célèbres sont Artamène ou le Grand Cyrus (1649-53) qui donnera à Scudéry son surnom de Sappho et Clélie, histoire romaine (1654-1660) qui contient la Carte du Tendre, métaphore du sentiment amoureux, passée depuis à la postérité. Elle abandonne le roman pour devenir moraliste, suivant ainsi l’évolution de son époque devenue critique à l’égard de la préciosité. Elle publie des Conversations en 1680 et1684 où elle traite de la politesse, de la galanterie, de la jalousie, de la raillerie et du discernement. En 1686 et en 1688, elle écrit de nouvelles conversations à la demande de Madame de Maintenon qui les destine aux maîtresses de Saint-Cyr.
Elle meurt le 2 juin 1701 à Paris. « Il sufit d’annoncer la mort de Damoiselle Madeleine de Scudéry, pour faire entendre par ce seul mot que la France vient de perdre un des plus grans ornemens qu’elle eût, & qu’elle aura jamais » dit l’éloge publiée par l’abbé Bosquillon dans le Journal des savans du mois de juillet de l’année 1701.
Clélie, histoire romaine.
Le roman comprend dix volumes publiés entre 1654 et 1660. Il raconte les amours de Clélie et Aronce, qui, après de nombreuses péripéties seront réunis. Le prétexte historique qui cadre leurs aventures est la guerre de Tarquin contre Rome, mais leurs aventures sont souvent l’occasion d’explorer les liens entre amour, amitié et tendresse. Plusieurs récits inscrits à l’intérieur du récit principal (ou récits enchâssés) le permettent.
L’œuvre suscite l’engouement des contemporains qui s’amusent à reconnaître les personnages réels derrière les figures de fiction et apprécient la profondeur des discussions. Cependant Clélie n’est pas épargnée par la critique montante dont fait l’objet la préciosité à cette époque.
Le roman, victime du procès fait à la préciosité et des changements de goûts, passe ensuite à l’oubli. La Carte du Tendre, représentation topographique et allégorique de l’amour, lui garantit cependant la postérité. Cette carte continue de figurer dans les manuels d’histoire littéraire et à illustrer la préciosité. Il est bien sûr très réducteur de ne retenir de Clélie que cette carte et d’y résumer, a fortiori, toute la préciosité : en 2006, Delphine Denis redonne une chance au roman et à Mademoiselle de Scudéry en publiant une version abrégée en poche de l’œuvre.
Bibliographie
Clélie, histoire romaine, Gallimard, édition de Delphine Denis, 2006.
Pour aller plus loin
http://www.bibliotheque-mazarine.fr/exposcudery/exposcudery1.htm