Karénine et Instetten se ressemblent beaucoup, je trouve.
Pour eux, seules les apparences comptent. Ils ne sont pas blessés que leur épouse en préfère un autre, ils ne se demandent pas pourquoi, ils s’inquiètent simplement du regard des autres. Karénine est au départ prêt à pardonner à Anna si elle sauve les apparences. Quant à Instetten, il provoque en duel un homme que sa femme ne voit plus depuis six ans et n’a jamais aimé, juste parce qu’il pense qu’il doit le faire, que son honneur en dépend (Effi a la fin du roman découvre qu’il a transmis cela à leur fille et se met à le mépriser pour cet attachement inflexible à l’honneur).
D’autre part Karénine et Instetten utilisent leurs enfants comme un objet de chantage. Karénine commence par menacer Anna de lui prendre son fils si elle continue sa liaison avec Vronski. Instetten sans hésiter décide que sa fille n’a plus de mère en découvrant l’infidélité d’Effi. Ces maris sont conscients du pouvoir qu’ils ont : leur enfant leur appartient et ils peuvent l’utiliser pour nuir à la mère. C’est un thème que l’on trouve encore aujourd’hui dans les affaires de violence conjugale.
De plus, je pense que cela montre quelle est leur idée de la mère. Elle doit être une épouse soumise et irréprochable, ou alors elle ne mérite plus d’être mère. Ce n’est pas seulement l’opinion de ces deux hommes, c’est celle de la société dans laquelle ils vivent. Une mère se doit d’être un modèle de vertu ou alors elle va pervertir ses enfants.
Une réponse sur « [club] Tolstoï/Fontane – Deux maris bien semblables »
Oui, la situation est d’autant plus inextricable pour Anna qu’elle a un fils avec Karénine et une fille avec Vronski. Et Vronski n’est pas plus compréhensif à l’égard de l’amour d’Anna pour son fils que Karénine vis-à-vis des besoins de sa femme : « Vronski ne la comprendrait même pas; il traiterait la chose comme de peu d’importance, il en parlerait sur un ton si glacial qu’elle le prendrait en haine. Et comme elle ne redoutait rien tant que de le haïr, elle résolut de lui cacher soigneusement ses démarches au sujet de l’enfant » (5e partie, f. XXIX).