[photopress:mollerokin.jpeg,thumb,pp_image]La question que pose Moller Okin dans ce volume est à la fois dérangeante et stimulante : les théoriciens de la justice sociale ont-ils pensé aux femmes? Ont-ils pris en compte les injustices qui leur sont faite? Et j’ai été stupéfaite de constater que j’étais moi-même passé à côté de cette évidence : ces théories ne peuvent s’appliquer dans une société genrée où les femmes sont, autant que les hommes, des individus. La « lutte des genres » est tout aussi importante que la lutte des classes – mais les différences de traitement infligé aux femmes ne sont pas considérées comme des injustices, au contraire des discriminations perpétrées à l’encontre des classes populaires, ou des immigrés, par exemple.
Pourquoi cet aveuglement? Tant que le sexisme ne sera pas universellement et explicitement reconnu comme injuste, tant qu’il s’articulera à des arguments selon lesquels une discrimination homme/femme est « naturelle », le problème continuera de se poser. On se permet plus facilement de plaisanter sur l’imbécilité des « blondes » que sur les idées reçues à l’encontre des juifs etc : cela suffit à valoir d’indicateur quant à l’évolution des mentalités.
Reste que, dans le cas présent, si les théoriciens de la justice sociale n’ont pas pris en compte la distinction des genres, c’est peut-être parce que la question qu’ils examinent naît d’abord de considérations économiques, donc de problèmes de classes, qui semblent, à première vue, n’avoir pas de rapport avec la question, plutôt sociologique, de la place de la femme dans la société. La solution serait peut-être de traiter le genre féminin comme une classe dont le niveau économique est nécessairement plus faible que celui de leur équivalent masculin – comme une sous-classe du niveau économique auquelle elles sont associées, en vertu de leur « lien » (dépendance?) à leur père ou leur époux.