La lecture du Deuxième sexe, malgré les réserves que j’ai formulées dans mes deux précédents posts, m’a profondément marquée. J’ai mieux pris la mesure des avantages qui sont les notres aujourd’hui, et celle des luttes qu’ont eu à mener toutes les féministes (des suffragettes aux chiennes de garde, même s’il y a plusieurs écoles et que toutes ne se valent pas forcément!).
La force du Deuxième sexe, c’est de proposer une interprétation cohérente et globale de la condition féminine, en partant du principe fort selon lequel il n’y a pas d’ « éternel féminin », de nature féminine, seulement une condition, une « situation » (pour reprendre le terme sartrien) dans laquelle les êtres humains nés de sexe féminin sont placées.
Le défaut de toute interprétation, c’est de forcer, parfois, un peu les faits pour qu’ils entrent dans la lecture pré-décidée qu’on veut en avoir (cf ma critique des femmes écrivains). Or on peut avoir une lecture tout à fait différente de l’histoire de la guerre des sexes, et voir dans le développement de la coquetterie chez les femmes celui d’une défense, voire d’une attaque (ne parle-t-on pas de la séduction comme d’une arme ?). C’est en tout cas la lecture qu’en a Laclos dans le court opuscule Des femmes et de leur éducation. Le cas le plus typique est celui de la galanterie : quand un homme tenait la porte à une femme avec un sourire béat, la soumettait-il à son désir pour elle, ou est-ce elle qui, par les charmes qu’elle a aiguisé à l’avance, l’a soumis en le conduisant à lui faire jouer la comédie de la soumission? Quant un homme offrait une situation à une femme en l’épousant, est-ce elle qui se prostituait à lui, ou lui qui sacrifiait tout son argent pour satisfaire le désir qu’elle avait sciemment suscité chez lui? Tout dépend de ce qu’on veut faire dire à ces situations, et donc de ce que chacun veut croire. Les deux peuvent se croire les grands gagnants de la lutte (et dans les deux cas on peut penser qu’ils sont chacun de mauvaise foi!)
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