Dans certains lais, des sujets m’ont étonnée car ils m’ont semblé concerner de près la condition féminine.
Dans « Le malheureux », par exemple, la Dame est courtisée – et entretient des relations amoureuses – avec 4 chevaliers. Je ne connais pas d’autres textes médiévaux abordant le thème de la polyandrie… En revanche, la polygamie est abordée dans « Eliduc ».
Dans « Yonec », la Dame est mal mariée, comme dans le « Rossignol », et vit sous la surveillance de son mari. Les malheurs du mariage forcé sont ici traités sans ambiguïté.
Dans « Le Frêne », l’amie est délaissée lorsque l’ami doit se marier avec une personne de son rang. Son attitude résignée passe pour un modèle de vertu… A moins qu’il ne dessine le portrait de l’épouse idéale pour l’époque – de même que Guildeluec, femme légitime d’Eliduc dans le lai « Eliduc », se retire au couvent pour permettre à son mari d’épouser une autre femme.
Dans les « Deux Amants », une jeune fille est gardée jalousement par son père – motif qui rappelle un conte tel que « Peau d’âne ».
Dans ces derniers cas, on voit un personnage féminin en proie aux décisions souveraines d’une figure masculine, père, ami ou époux, sur elle.
Enfin, dans « Milon », la naissance de l’enfant est suivie de la mention prosaïque des soins à apporter au nouveau-né : « sept fois par jour, / ils s’arrêtent dans les villes qu’ils traversent / pour faire allaiter l’enfant, / changer ses couches et le baigner. » La naissance et l’enfantement sont aussi au coeur du lai « Le Frêne », puisque c’est la naissance de jumeaux puis de jumelles qui enclenche l’intrigue. A chaque fois, l’auteur précise que l’accouchement s’est fait « al terme »…
Autant de précisions qui pourraient aller dans le sens d’un auteur à la sensibilité féminine.
2 réponses sur « [club] Marie de France – Des sujets féminins ? »
Pour les détails sur la naissance et les nouveaux-nés, je dirai plutôt que c’est un auteur qui sait de quoi il parle. Quand on pense que les lais relèvent de la tradition orale ce n’est pas étonnant.
D’autre part, on peut dire que la condition féminine et le mariage sont au centre des récits. L’auteure ne cache pas que le sort des femmes n’est guère enviable (enfermement, privation de liberté, poids des conventions et du qu’en-dira-t-on).
Et je trouve que le fait que la condition féminine soit le centre de ces récits est assez significatif… Dans les romans de Chrétien de Troyes, ce sont les chevaliers qui sont les personnages-titres (à part dans Erec et Enide, mais nous en reparlerons), et dans le Tristan et Iseult de Béroul, l’accent me semble porter plus sur Tristan que sur Iseult…
Il y a d’autres récits qui mettent au centre une femme mais ils sont moins connus : par exemple Berthe aux grands pieds d’Adenet le Roi, qui ressemble fort au conte de Blanche-Neige.