Dans les nombreux articcles qui composent cet ouvrage revient la notion d’individu. En effet, que ce soit à travers le concept de « l’âme », auquel le monde contemporain n’accorderait plus de crédit et qu’il aurait dépouillé de son sens (« L’âme et l’image ») ou à travers l’idée de l’individualisation de la cure psychanalytique (« A quoi bon les psychanalystes »), on relève un souci de l’auteur pour l’individu et sa différence.
Concernant la question des femmes, ce prisme réapparaît dans le dernier article, « Le temps des femmes », où une définition du groupe des femmes, transgénérationnelle et transnationale, est recherchée. Une des questions soulevée par cet article est la suivante : comment penser l’unité du groupe des femmes ? En quoi l’existence de ce groupe permet de déterminer les limites d’une identité féminine ?
Citant l’exemple du socialisme (comme étape vers le communisme dans le marxisme-léninisme), elle remarque que l’identité d’Homme y prime sur l’identité féminine au nom de l’idéal égalitaire. Dès lors, les problèmes pratiques d’inégalité sociale et politique sont résolus ; les femmes « s’identifient » alors aux instruments de pouvoir dont on les charge et ne renouvellent en rien son exercice, faisant preuve ainsi de conformisme (p. 318). Faisant de ce conformisme la condition nécessaire, mais non suffisante, d’une conversion au terrorisme, Kristeva affirme dans ses dernières phrases le primat de l’individu : le féminisme « arrivera-t-il à se défaire de sa croyance en La Femme, Son Pouvoir, Son Ecriture, pour faire apparaître la singularité de chaque femme, ses multiplicités, ses langages pluriels (…)? » (p. 327).
Mais est-ce que l’atomisation du groupe des femmes n’entraîne pas l’impossibilité de toute action collective, de tout changement réel ?
2 réponses sur « [club] Kristeva – Du genre à l’individu »
La psychanalyse freudienne ne travaille qu’avec des individus. Il n’y a pas d’Inconscient collectif. Il y a des cas qui se ressemblent, mais chaque cas chaque patient est unique. Cela explique à mon avis en grande partie pourquoi Kristeva tient à défendre la singularité de chaque individu.
Le problème je pense est qu’on ne peut pas se contenter d’un seul point de vue. Même si le point de vue du psychanalyste est important, il y a aussi celui du sociologue, de l’historien, du philosophe…
Il n’y a pas quelque chose qui soit La Femme, chaque femme a une histoire unique, mais toutes les histoires ont des points communs qui permettent aux individus de s’unir pour agir et changer les choses.
D’autre part, je pense que si Kristeva tient tant à la singularité, c’est parce qu’elle tient avant tout à la différence…
Même si la psychanalyse freudienne travaille avec des individus, elle manie des outils (ça, surmoi, ça ; complexe d’Oedipe…) qui sont censés être les mêmes pour tous les individus, même s’il s’agit de les adapter à chacun. Et s’il y a une différence d’un individu à un autre, il y a aussi une différence d’un genre à un autre, d’un groupe social à un autre, etc.
Il me semble donc, pour radicaliser un peu ton argument, que ce souci de l’individu et de sa singularité est chez Kristeva un choix théorique (idéologique?) personnel, qui peut s’enraciner dans sa pratique analytique, mais qui la dépasse et qui y ajoute quelque chose. Il me semble que la manière dont elle relate la cure de « Didier » dans le premier article va dans ce sens d’une théorie et d’une pratique « kristevien », ie centrée sur la singularité de l’individu.