La conférence sur la féminité commence par un lieu commun qui prête aujourd’hui à sourire : la féminité est une énigme.
Enigme pour qui ? Freud précise qu’elle en est une pour son public, constitué d’hommes…
Enigme en quoi ? Freud développe : énigme de la différence sexuelle, dont la biologie ne rend compte qu’anatomiquement.
Mais alors, pourquoi dire que c’est la féminité qui constitue une énigme, plus que la virilité ?
Il me semble qu’ici Freud formule la question des comportements sexués, traités aujourd’hui par les théories du genre : dans quoi s’enracinent les comportements que l’on dit féminins, ceux que l’on dit masculins ?
Mais il me sembler qu’il manque une question à Freud : pourquoi associe-t-on tel comportement à la féminité ? Tel autre à la virilité ? Peut-on remettre en cause cette partition des émotions et des attitudes ?
2 réponses sur « [club] Freud – L’énigme féminine »
La psychanalyse pose la différence des sexes comme essentielle et fondamentale. Ce qui différencie les hommes et les femmes (et sert ensuite à justifier plus ou moins maladroitement, plus ou moins légitiment) leurs différences de caractères, de devenir une différence dans le développement sexuel : elle se situe sur le plan psychique et non biologique.
Freud refuse de parler de complexe d’Electre pour les filles, car il n’y a pas d’analogie entre les sexes. Chaque sexe connaît un Oedipe différent. Les petites filles et les petits garçons ne réagissent de la même manière à la découverte de la différence des sexes : chacun ressent une profonde blessure narcissique en comprenant qu’il ne peut pas avoir les deux sexes, mais celle-ci se traduit différemment par l’angoisse de castration chez le garçon et par l’envie de pénis chez la fille.
C’est là que je ne comprends pas : pourquoi les filles et les garçons ne réagissent pas de la même façon en comprenant qu’ils seront soit garçon soit fille, mais pas les deux? Je ne trouve pas chez Freud d’explication satisfaisante…. J’ai l’impression qu’il assume comme une évidence qu’il est plus désirable d’avoir un pénis. Pourquoi? Parce qu’il en a un, parce qu’il a une représentation très conservatrice du coit et tout simplement parce que le pénis est un petit machin qui dépasse alors que la vulve est plus discrète…. Je n’ai pas vérifié l’original allemand mais quand je lis dans Sur la sexualité féminine, que Freud d' »infériorité organique », ou dit que « la mère n’a pas donné à l’enfant un vrai organe génital », je m’insurge… Pourquoi ne serait-ce pas un vrai organe génital?
Je soupçonne Freud de fonder le psychique sur le biologique, ou plutôt sur l’anatomique. D’une simple différence anatomique, il me semble déduire une différence des sexes indépassable…
Mais peut-être que j’ai manqué quelque chose?
J’ai réfléchi à deux objections/justifications de la théorie freudienne…
Le premier, c’est qu’il faut penser comme un enfant de 3 ans. Il n’a aucune connaissance biologique, il ne sait pas comment les enfants se conçoivent, il se contente d’une observation empirique : il y a un petit bout qui dépasse ou pas. Ce n’est pas la réalité qui compte mais ce que l’enfant voit. La petite fille ne voit pas son sexe et c’est tout. De même ce qui compte c’est ce que le sujet perçoit comme viril. Le manque de pénis n’est pas réel, mais la petite fille le perçoit ainsi…
D’autre part, j’arriverais peut-être à accepter la théorie de Freud si on y ajoutait un facteur social. Pourquoi les filles veulent être des garçons et pas l’inverse? Parce qu’
elles observent que les garçons ont un meilleur sort, les enfants de l’esclave veulent être maîtres… Les garçons voient que le sort de leur mère n’est pas enviable donc ils ne veulent pas… Dans ce cas, bien sûr il faudrait reconnaître une évolution possible… Des parents qui traiteraient le sexe de leur fille comme existant, véritable, donnerait une place égale aux femmes pourraient remettre en cause l’envie de pénis… De même l’évolution de la société pourrait faire évoluer la psychanalyse : Aujourd’hui est-ce toujours perçu comme viril de faire des études? Peut-on dire en 2013 qu’une fille qui veut faire des études veut castrer son père?
Tes explications sont très intéressantes et m’aident à être plus généreuse avec la théorie freudienne sur la féminité que je ne suis tentée de l’être… Penser comme un enfant peut rendre compte des interprétations de Freud de manière rationnelle ; mais j’aurais aimé qu’il le précise lui-même ! En l’absence de précision, on a l’impression qu’il est le premier à être victime des préjugés de son temps, ce qui nous ramène à ton hypothèse sur le facteur social.