Dans Erec et Enide, Chrétien de Troyes écrit l’histoire d’un couple. C’est une originalité dans l’oeuvre de cet auteur parce qu’il prend plus souvent pour héros un chevalier dont il suit l’itinéraire : Perceval, Gauvain, Lancelot. Ici, le texte a deux titres : dans son propre prologue, il a pour titre « Erec », du nom du héros ; dans le prologue d’un autre roman, Cligès, il a pour titre la désignation du couple, « Erec et Enide ». C’est sous ce titre que le roman est passé à la postérité et ce n’est pas un hasard : c’est l’histoire de ce couple qui en fait l’intérêt.
On pourrait donc penser qu’il y a dans ce roman une mise en avant de la femme qui aille dans le sens de sa valorisation. Et Erec et Enide se présentent presque comme le miroir l’un de l’autre, de part l’écho qui se tisse entre leurs noms d’abord (même initiale, prénoms courts) ; mais à y regarder de plus près, c’est plutôt Enide qui serait le miroir d’Erec, comme Echo reflétait Narcisse : il est dit qu’en elle on pouvait se mirer comme dans un miroir (v. 441). La femme vit ici dans l’ombre de l’homme.
De plus, ce personnage féminin est décrit dans une posture peu valorisante, puisqu’elle est celle qui ne peut pas s’empêcher de parler, selon un préjugé courant sur la prolixité des femmes. Elle ne fait pas confiance à Erec, ce qui met en danger leur couple. La faute lui en revient à elle, un peu comme Eve pour le péché originel. La représentation de la femme par Chrétien de Troyes n’est donc pas à l’avantage de cette dernière.
Que vaut-il mieux retenir, en définitive ? Que la femme ait ici égale importante, sur le plan narratif, que l’homme ? Ou qu’elle soit représentée de manière conforme aux préjugés de l’époque ?
On peut soulever, pour trancher la question, que c’est Enide qui sauvera Erec grâce à cette prise de parole qui avait été auparavant cause de troubles. Cet épisode de dénouement remet ainsi tout le schéma précédent en question : et si Enide avait toujours eu raison de prendre la parole et de vouloir avertir Erec des dangers ? Et si les mésaventures survenues suite à cette prise de parole étaient plutôt le fait de l’orgueil d’Erec que du manque de maîtrise de soi d’Enide ? Et si le couple gagnait à ce que la femme ne reste pas à sa place ?
Une réponse sur « [club] Erec et Enide – Une représentation ambivalente de la femme »
La dame n’est pas chevalier, mais elle n’est pas pour autant autant passive. Enide pousse Erec à partir à l’aventure. Elle est actrice dans les aventures. Elle a donc un rôle véritable et n’est pas un simple accessoire.
Cependant, elle reste à sa place d’épouse. Les rôles sont clairement définis. On peut y voir la preuve de la mise en place d’une société où les genres ont un rôle défini de manière rigide. Cela coïncide avec l’instauration du mariage comme norme (cf. mon post sur le mariage)