If I can stop one heart from breaking,
I shall not live in vain;
If I can ease one life the aching,
Or cool one pain,
Or help one fainting robin
Unto his nest again,
I shall not live in vain.
Ce poème me touche tout particulièrement, parce qu’il dit au mieux comment se mettre au service d’autrui peut donner sens à une vie (une vie vaine étant une vie menée pour rien, dénuée de sens car de direction et de destination). Il y a aussi l’insistance sur la suffisance d’une seule « bonne action » : il suffirait d’un cœur sauvé, d’une douleur apaisée, pour que la vie de celui qui protège et sauve trouve un sens. Cela suppose aussi que, sans cela, la vie est dénuée de sens, et implique, peut-être, l’acceptation d’une existence pénible à la condition que le bonheur puisse y entrer un jour, sous la forme du bonheur d’autrui. Ce qui implique que notre bonheur personnel ne peut être atteint par nos propres efforts, qu’il ne peut être atteint et poursuivi en égoïste – et que, peut-être, il faille espérer la générosité d’autrui pour que notre bonheur soit fait pour nous, parce qu’il ne pourrait être fait par nous seuls. Reste qu’on trouve ici la figure du renoncement qui est récurrente chez E. Dickinson (notamment dans ses poèmes amoureux).