Comme l’indique Elsa Dorlin, les démonstrations menées par les philosophes féministes du 17e s pour démonter la thèse de l’inégalité sexuelle et faire éclater, par la logique, l’évidence de l’égalité des sexes, se heurte à un problème de taille. En effet, si la démonstration est logique et rationnelle, elle ne peut pas convaincre ceux qui ont intérêt à celle qu’elle reste méconnue.
Ainsi, Elsa Dorlin indique que « l’inégalité sexuelle » a été utilisée comme un « instrument d’organisation sociale » (p. 88) : les hommes sont juges et partis dans la Querelle des femmes car ils sont les « maîtres » des femmes (le terme est de Gabrielle Suchon, p. 93). Ils n’ont pas intérêt à reconnaître les femmes comme leurs égales ; ce serait, pour eux, perdre de leur pouvoir. Elsa Dorlin ajoute : « Se donnant pour fin la domination, la rationalité renonce à établir ou, du moins, à rechercher la vérité au profit du vraisemblable » (p. 95).
Ce qui compte, ce n’est donc pas ce qui est vrai, mais ce qu’il nous arrange de prendre pour vrai. La raison, ce serait, ici, la logique au service de l’intérêt.
Une réponse sur « [club] E. Dorlin – L’instrumentalisation du débat féministe »
On peut avoir raison et ne pas obtenir raison! C’est en effet ce que m’inspire la façon dont le féminisme logique a été écarté. Ou encore il ne suffit pas d’avoir raison pour avoir raison; il faut encore plaire, séduire, convaincre.
Il faut un certain courage intellectuel pour reconnaître que ce qui est vrai n’est pas ce qui nous arrange ou ce qui nous sert.
Très peu l’ont eu. A ce propos, je salue une nouvelle fois Condorcet.