Je trouve que Little women et ses suites illustrent bien les propos d’Elsa Dorlin sur l’impasse du discours des précieuses. Les filles du docteur March ont des vertus tout à fait exemplaires, mais ces vertus sont présentées comme féminines du coup elles se trouvent condamnées à occuper une certaine place dans la société. Certes elles ont droit au respect, mais elles vivent dans un univers divisé entre le monde des hommes et le monde des femmes.
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3 réponses sur « [club] E. Dorlin – Intertextualité. »
Oui, le problème est de choisir entre exalter la différence féminine (histoire de rééquilibrer les deux sexes…) et défendre une égalité qui mette de côté la question de la différence, ou qui minimise sa part à la seule reproduction. C’est ce dernier parti que prend Marie de Gournay (exposé p. 60-61).
Poullain de la Barre va plus loin et le prend comme point de départ de la loi du plus fort exercée par l’homme sur la femme (p. 63) : face à une femme affaiblie par sa (ses?) grossess(s), l’homme aurait eu tout le loisir de s’imposer en maître. Cela me semble excessif : la femme enceinte n’est pas immobilisée 9 mois durant, et les grossesses n’occupent pas toute l’existence des femmes (au pire, il y a au moins 3 mois entre chacune d’entre elles, non?).
Autre point : minimiser la différence à une distinction physique, corporelle, ne tient que si on distingue nettement le corps et l’esprit. Un matérialiste déduira, d’une différence corporelle, une différence spirituelle. Un cartésien, en revanche, pour qui l’âme est distincte du corps, pourra tenir pour rien une différence physique quand il s’agit de déterminer l’égalité ou l’inégalité des esprits. Que Poullain de la Barre ait été cartésien s’inscrit dans ce préalable théorique.
Je pense qu’au XVIIème siècles il y avait des femmes enceintes en quasi permanence. (Non, il n’y a pas forcément 3 mois entre deux grossesses. Le retour de couche est en moyenne de 1-2 mois, parfois moins.) Beaucoup de femmes mourraient en couche, donc avant d’être ménopausée.
Aujourd’hui une femme est fertile de 13 à 50 ans en moyenne, mais l’âge du premier enfant est trente, et la moyenne de moins de deux enfants par femme, et l’espérance de vie est de 75-80 ans, donc forcément l’argument de la grossesse a moins de poids. Cependant Condorcet (encore!) en 1792 remarquait que la grossesse ou les règles ne représentaient pas une faiblesse plus grandes que celles peuvent connaître de nombreux hommes (rhumatismes, handicaps, grippes…)
Merci pour ces précisions. Si on compte 3 mois d’immobilisation par grossesse (je compte large), cela ferait une « faiblesse » de 3 mois tous les ans, je ne pense pas que cela suffise à dominer tout un sexe pendant des siècles !? La manipulation idéologique me semble un moyen beaucoup plus efficace : je veux que tu sois à mon service donc je te fais croire que telle est ta nature.
On retrouve les mêmes raisonnements à propos des rapports colons-colonisés ; voir à ce sujet Frantz Fanon, Peau noire, masque blanc.