[photopress:doisneau_cavanna__les_doigts_pleins_dencre__02_250_01.jpg,thumb,pp_image]A propos des jeux des enfants, C. Gilligan se fait l’écho d’une étude qui montre que les jeux des garçons durent plus longtemps que ceux des filles parce que, lorsqu’un conflit éclate, ceux-ci l’affrontent et le résolvent, quand les filles le fuient et l’associent à la nécessité d’arrêter le jeu. Il s’agirait, dans le cas des filles, d’éviter de mettre en danger la relation qui lie les joueuses en évitant tout conflit – comme si le conflit signait nécessairement la fin de la relation. Cette différence se ressentirait également en ce que les filles auraient tendance à éviter les situations de concurrence, étant males à l’aise avec l’esprit de compétition.
Tel n’est pas, bien entendu, le cas de toutes les filles ni celui de tous les garçons. Mais le rapport entretenu vis-à-vis de la capacité à affronter l’adversité, à s’y mesurer, à estimer avoir des chances de l’emporter, me semble une clé dans la compréhension de « l’asservissement des femmes ». En étant encouragées à développer une morale de l’effacement, de la soumission, de l’évitement du conflit, du pacifisme et du refus de la concurrence, les femmes ont été mises en position de ne pas pouvoir se révolter ni se libérer. En posant cet « angélisme » comme une vertu morale, la logique de la domination masculine valorise la soumission et se donne les moyens de se perpétuer. – Cela semble évident, et pourtant cela a des répercussions dans bien d’autres domaines que celui des rapports entre les sexes : nombreuses sont les situations où, pour défendre ses intérêts, une femme, comme un homme, a besoin d’affronter et de vaincre l’adversité. Or, si les femmes acceptent de le faire « pour » autrui, elles rechignent à l’assumer pour elle-même, comme si elles étaient, dès lors, égoïstes (le refus de l’égoïsme par les femmes est pointé du doigt par C. Gilligan).
On comprend mieux, dès lors, pourquoi il subsiste encore aujourd’hui une telle disparité de salaires entre hommes et femmes : à qualification et poste égal, les femmes osent moins négocier leur salaire que les hommes, parce qu’elles ont été habituées à ne pas (trop) défendre leur intérêt.