En 1980, Elisabeth Badinter montre dans L’Amour en plus que l’identité féminine ne se réduit pas à la maternité. L’un de ses arguments est la mise en évidence chez les femmes d’un conflit entre la maternité et d’autres aspirations, l’ « ambivalence maternelle ». Celle-ci est souvent masquée par l’ « idéologie de la bonne mère » apparue au XVIIIème qui tente de confondre féminité et maternité.
Linda Lê est victime de cette idéologie de la bonne mère de deux façons.
Premièrement, elle doit se justifier de ne pas vouloir d’enfant. Elle subit des pressions pour changer de position. Elle doit prouver que sa décision est rationnelle et réfléchie.
Deuxièmement, Linda Lê me semble elle-même adhérer à cette idéologie de la bonne mère. Elisabeth Badinter explique que celles qui choisissent de ne pas avoir d’enfant adhèrent parfaitement à l’idéologie de la bonne mère. Voyant qu’elles ne sauront pas être à la hauteur, se sentant coupable du sentiment ambivalent qu’elles éprouvent à l’envie d’être mère, elles renoncent. En niant l’un des termes du conflit entre maternité et féminité, elles le résolvent. Tout comme les tenants de l’idéologie le résolvent en niant l’autre partie du conflit.
De plus, Badinter remarque que les tenants de l’idéologie de la bonne mère ne devraient pas condamner celles qui choisissent de ne pas être mère pour ne pas être mauvaise. Comment à la fois condamner les mauvaises mères et les femmes responsables qui reconnaissent leur défaut ? Badinter déplore ce paradoxe.
Linda Lê selon moi est tout à fait dans ce paradoxe quand elle présente sa décision de ne pas être mère n’est pas naturelle. Je me méfie de l’argument de la nature quand on parle des humains. Y-a-t-il une vocation de l’homme à se reproduire? J’ai tendance à penser que non, que la reproduction est quelque chose d’animal, alors que les humains ont une sexualité, le propre de la sexualité est d’être indépendante des fonctions biologiques de reproduction… De plus, je me demande si cet argument de la nature s’applique également aux hommes. Dans l’ouvrage ce n’est pas clair si le refus de la paternité est au même plan que le refus de la maternité, selon moi il devrait l’être. On ne peut pas dire qu’une femme qui refuse d’être mère brave les lois de la nature, mais pas un homme qui refuse d’être père.
Je renvoie à l’article que j’avais écrit sur l’ouvrage Badinter Le Conflit. La femme et la mère publié sur ce site (https://www.quiapeurdufeminisme.fr/?p=553).
Une réponse sur « [club] Badinter/Lê – Le conflit entre la femme et la mère »
Tout à fait d’accord avec ton analyse.
J’ai moi aussi eu le sentiment que Linda Lê souscrivait l’idéal maternel de la « bonne mère » ; cela m’est apparu surtout au moment où elle met en concurrence maternité et écriture. Mais cela fait l’objet de ton deuxième post…