Si Badinter a intitulé son ouvrage Le Conflit. La femme et la mère, c’est, il me semble, parce que ce conflit n’est pas naturel mais culturel – c’est-à-dire : parce qu’il n’y a pas nécessairement de conflit entre être une mère et être une femme.
Selon les pays (Badinter compare les différents pays d’Europe, notamment la France et l’Allemagne), les politiques adoptés par leur gouvernement et les mentalités, le conflit n’est pas ressenti avec la même intensité partout. J’ai été marquée, par exemple, par l’écrasante adhésion à l’idéal de bonne mère, selon les études que cite Badinter, en Allemagne, qui pousse précisément les jeunes femmes les plus diplômées à ne pas avoir d’enfant. Que la France soit la championne des femmes assumant d’être de « mauvaises mères » m’a semblé plutôt sain et rassurant!
Et si pour accepter de devenir mère, il fallait accepter d’être toujours-déjà une mauvaise mère ? D’où de pardonner à ses propres parents de ne pas avoir été à la hauteur de notre demande infantile ? Accepter de devenir parent, n’est-ce pas, au fond, accepter de ne pas être parfait ? Ce que n’accepte apparemment pas Linda Lê dans À l’enfant que je n’aurai pas.
J’irai même un peu plus loin : l’idéal de la bonne mère est contradictoire avec le rôle réel d’une mère. L’idéal de la bonne mère définit la maternité comme une protection perpétuelle, un amour sans faille, avec un danger de fusion non négligeable. Le rôle réel d’une mère est de protéger, certes, d’aimer, certes, mais aussi de faire grandir et de laisser partir son enfant. Dès le départ, il s’agit de renoncer à ce rôle d’ « alpha et d’oméga », de mère-monde, que la mère idéale représente dans l’esprit d’un tout-petit. Être une mère, c’est accepter que notre enfant cesse un jour d’avoir besoin de nous ; c’est savoir ne pas avoir besoin de lui. Et pour cela, il faut savoir rester une femme.
Ne pas se réduire à n’être qu’une mère, voilà peut-être la manière dont résoudre le « conflit » entre mère et femme.
2 réponses sur « [club] Badinter/Lê – Bonne et mauvaise mère »
Non, je pense que pour Badinter le conflit est naturel : il est naturel de ne pas vouloir être seulement mère. L' »ambivalence maternelle » est naturelle : il est normal de ne pas vouloir tout sacrifier à ses enfants. Dans une société qui loue la bonne mère bien sûr, le conflit est alors dénoncé comme le fait de femmes égoistes et dérangées… Dans une société de l’égalité des sexes, il est par contre facile à résoudre.
Le paradoxe parfois entre la France et l’Allemagne c’est que l’Allemagne dans certains Länder a des meilleurs dispositifs d’accueil que la France pour les jeunes enfants, mais la natalité est plus basse. Parce que ce n’est pas admis dans la mentalité qu’une mère laisse son enfant pour aller travailler. En France, nous avons moins ce problème, mais nous sommes menacés par le syndrome de la « superwoman » : celles qui n’arrivent pas, veulent prendre un parental sont montrés du doigt. De plus, il y a en France un mythe comme quoi nous serions les champions de l’accueil de la petite enfance. Or dans certaines communes, les places en crèche ne sont pas envisageables, les nourrices sont rares et hors de prix… Les parents qui travaillent en horaire décalé galère… L’école toute la journée? oui de 9h à 16h30, avec dans de nombreuses communes pas de cantine ou des cantines à 6 euros le repas… Le périscolaire? Pas toujours et pas gratuitement. Entretenir le mythe de du champion de l’accueil de la petite enfance cela permet d’accuser plutôt les femmes qui ne trouvent pas de nourrice ou de place en crèche. c’est qu’elles se débrouillent mal : « Tout le monde sait qu’en France c’est mieux qu’en Allemagne ». Moi je dis ne généralisons pas…. En 1980, oui, sûrement, aujourd’hui je crois que la France c’est un peu endormi sur ses lauriers…
Les études que cite Badinter sur l’Allemagne datent de 2004 (Le Conflit, p.167) et de 1999 (op. cit., p.168) et je différencie mentalités et politiques gouvernementales, tout en tenant en compte leur conjonction.