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[club] Edith Wharton – The Age of Innocence : Ecriture

Je ne me lasse pas de relire le premier chapitre. Je trouve que c’est une description aussi bien au niveau de la forme qu’au niveau du fond. Précisément parce qu’on ne voit pas où s’arrête le fond et où commence la forme. L’un est au service de l’autre et ainsi l’auteure parvient à créer une atmosphère, tout un monde… Et surtout elle parvient à le critiquer en en montrant toute l’absurdité. Ce que j’aime c’est qu’elle ne dit pas : ce vieux New-York était absurde et pleins de conventions… Non, elle nous le donne à voir. C’est là où l’on voit la différence entre l’artiste et le philosophe ou l’intellectuel qui va faire une critique d’emblée et des démonstrations… L’artiste lui montre. Je trouve cela magnifique. Et cette pointe d’ironie qui s’ajoute… Un délice. Bien sûr ce style ne se trouve pas seulement dans le premier chapitre, il est dans tout le roman et c’est pourquoi sa lecture a été un régal. Mais je trouve que le premier chapitre synthétise toutes les qualités du roman.

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[club] Edith Wharton – The Age of Innocence : L’éducation au masque

On voit au chapitre 6 le héros poser les conditions du bon mariage : Newland envisage d’abord son mariage en espérant y trouver une camaraderie entre lui et son épouse, qui implique que May ait une certaine liberté de pensée « which she has been carefully trained not to possess » (p. 41) : cela marque assez les restrictions opposées aux velléités d’indépendance des jeunes femmes. Celles-ci sont élevées de manière à présenter une certaine innocence, ingénuité, douceur, qui sont considérées comme les vertus féminines par excellence. Or Newland comprend, face à la liberté dont fait preuve Ellen Ollenska, que l’innocence de sa future femme est factice : « all this frankness and innocence were only an artificial product. Untrained human nature was not frank and innocent ; it was full of the twists ans defences of an instinctive guile. And he felt himself oppressed by this creation of factitious purity, so cunningly manufactured by a conspiracy of mothers and aunts and grandmothers to be what he wanted, what he had a right to, in order that he might exercise his lordly pleasure in smashing it like an image of snow » (p. 43). On sent dans cette phrase l’idée de la suprématie masculine que la société toute entière accepte et sert, donc conforte et encourage. L’emblème de la féminité devient alors celle de la geisha, créature artificielle, personnage que la femme incarne pour répondre aux désirs les plus raffinés de l’homme – mais qui masque sa véritable personnalité et la prive ainsi du droit d’être une conscience, un sujet.

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[club] Edith Wharton – The Age of Innocence : Féminisme de l’œuvre

Je trouve le dispositif mis en place dans The Age of Innocence particulièrement original, du point de vue de notre problématique, car c’est bien un personnage masculin qui se sent révolté par la manière dont la société américaine comprime la liberté féminine, alors même que l’auteur est une femme. La figure de la liberté féminine qu’incarne Ellen Ollenska ne théorise pas ses revendications d’indépendance (ce qui ne signifie pas qu’elle n’en soit pas capable), mais elle fait bien davantage : elle les vit et les suit. Elle ne se contente pas de discours convenu sur la question, mais va au bout de ses convictions. La théorisation en revient à Newland, qui n’a pas à mettre en pratique ses idées, sinon en accueillant tout d’abord favorablement la demande de divorce formulée par Ellen, mais surtout en ne la rejetant pas, en ne la considérant pas « coupable » ou scandaleuse de vouloir se délivrer du joug matrimonial. Il prend en effet sa défense très tôt, et par là la défense de toutes les femmes : « Women ought to be free – as free as we are. » (p. 39) . Mais peut-être ne défend-t-il le droit des femmes que parce que, justement, il a à cœur de défendre Ellen Olenska… « The case of the Countess Ollenska had stirred up old settled convictions and set them drifting dangerously through his mind. His own exclamation : « Women ought to be free – as free as wee are », struck to the root a problem that it was agreed in his world to regard as non-existent. » Conscient de la dignité et du droit au respect de celle vers laquelle il se sent attiré, il est amené à considérer autrement « the woman question ».

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[club] Edith Wharton – The Age of Innocence : La retenue tragique

Pour continuer sur l’idée de Newland Archer comme un héros cornélien, je trouve qu’à cet arrière-fond classique de la lutte de l’homme généreux face à son destin (le terme de « generous-minded men » apparaît p. 41), Wharton ajoute la clause de la retenue de la haute société du XIXème siècle : Dallas, le fils de Newland, signale cette pudeur de son père et la qualifie d’« old-fashioned » (« You never did ask each other anything, did you ? And you never told each other anything. You just sat and watched each other, and guessed at what was going on underneath. A deaf-and-dumb asylum, in fact ! Well, I back your generation for knowing more about each other’s private thoughts than we ever have time to find out about our own. » (p. 359-360, Penguin)). J’ai d’abord trouvé cette manière de mener le récit comme ressemblant beaucoup à celle de Henry James ; et, même si Wharton était effectivement amie avec James, il s’avère en fait que, au sein de son entreprise romanesque, cette retenue a un sens historico-social plus que littéraire.
Newland n’a pas le choix de ne pas être retenu – on voit bien, lors de ses conversations avec Ellen, qu’il est plutôt de nature passionnée. C’est le monde dans lequel il a grandi et dans lequel il évolue qui lui impose cette pudeur. Et, à force de retenir ses élans, il en vient à se contenter du devoir accompli, et devient plus rêveur et mélancolique qu’actif et enflammé : à la fin du roman, il refuse de revoir Ellen, préférant par là protéger de la confrontation à la réalité ces rêves qui ont embelli son quotidien durant les trente dernières années. Le dernier chapitre me semble à ce titre présenter une scission du personnage de Newland en ses deux facettes : celle du Newland respectueux des conventions, mesuré, retenu et mélancolique, correspond au veuf de May ; celle du Newland impétueux, révolté par le poids de contraintes ridicules, écoeuré par l’hypocrisie de la société dans laquelle il évolue, est incarnée par son propre fils Dallas, qui va, lui, voir Ellen Olenska. Newland Archer pense alors qu’on dit de son fils qu’il lui ressemble – aussi, en entrant dans la pièce, Ellen aura peut être l’illusion de le retrouver, et lui, resté à l’extérieur de l’hôtel, aura l’impression d’assister, en spectateur, à leur propre histoire – la distance qu’il installe entre elle et lui correspondant à la distance qu’instaure de fait le temps qui passe, et celle que les occasions manquées induit entre rêve et réalité.
On peut enfin remarquer que le couple formé par Ellen et Newland fonctionne comme la réunion de deux doubles plus que comme celle de deux moitiés : Ellen, comme Newland, est scindée en deux, entre son respect de la bonne société car son souci des autres, de leur bien-être, et sa volonté de suivre et garantir son bonheur personnel. En cela ils se ressemblent et se comprennent nécessairement, et leur isolement respectif au sein d’un groupe qui ne dissocie pas intérêt particulier et intérêt collectif les destine à se rencontrer, et à avoir besoin l’un de l’autre – tout autant qu’elle les voue à devoir se séparer.
La fin du roman opère un retournement tragique quand Newland comprend que toute la « bonne société » a jugé d’Ellen et lui qu’ils étaient amants, alors que ce n’était justement pas le cas, et qu’il découvre les manœuvres de sa femme pour éloigner sa rivale en jouant précisément sur son sens du devoir et sa « générosité » (elle lui annonce une grossesse dont elle n’est pas encore sûre pour l’obliger à partir). Si Newland et Ellen se sont conformés à un idéal de pureté morale, c’était d’abord pour se conformer aux codes de cette bonne société ; mais celle-ci se révèle plus corrompue qu’il ne paraît (sa rigidité l’amenant à broyer des individus tels que Ellen ou Beaufort), et ce sont finalement eux qui se révèlent purs au milieu de la corruption, quand ils se sentaient coupables d’être corrompus au milieu de la pureté. Ce respect dont se targe la société est donc une notion dont elle se joue suivant son propre intérêt – quand Ellen et Newland, l’ayant prise au pied de la lettre, s’y sont soumis et s’en sont laissés écraser sans espoir de rédemption.

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[club] Edith Wharton – The Age of Innocence : Point de départ d’une réflexion historico-géographique

Je trouve The Age of Innocence particulièrement représentatif de l’idée que nous avions en ouvrant ce bookclub : examiner quel rôle la société accorde aux femmes, en particulier la société anglo-saxonne. Or ce roman indique une scission au sein de ce monde anglo-saxon : d’un côté l’Europe, de l’autre le Nouveau Monde – l’Europe étant désignée comme un lieu où les mœurs seraient plus libres et plus scandaleuses que les Etats-Unis, où prime le puritanisme. J’avais plutôt tendance à distinguer, pour ma part, au sein de l’Europe, les nations comme la France dans lesquelles la production littéraire féminine est assez faible (au XIXème s émergent seulement George Sand et Mme de Staël) de l’Angleterre qui compte beaucoup plus de femmes écrivains (les trois sœurs Brontë, Virginia Woolf, Mary Shelley, George Eliot, Burnett, Agatha Christie, E. B. Browning etc…). Du côté des Etats-Unis (et pour nous limiter à notre programme de lecture) on trouve Alcott, Dickinson, Wharton (mais il y en aurait d’autres). Pour ce qui est du droit que s’accordent les femmes à écrire, l’Angleterre semble donc être la plus avancée. – Pensons également au mouvement des suffragettes, né avec virulence outre-Manche, quand la revendication d’Olympe de Gouges à ce que soient reconnus les droits de la citoyenne (et pas seulement du citoyen) pendant la Révolution Française a été considérée comme marginale et peu porteuse. Il a fallu attendre le XXème s pour que la France écoute ses féministes, à travers la figure de Simone de Beauvoir (pourtant laissée dans l’ombre de Sartre..).
[Il serait à ce titre intéressant de comparer, à la même époque, la réception des idées de Mary Wollstonecraft et de celles d’Olympe de Gouges. Je me demande si la tradition « libertine » de la France du XVIIIème s n’y est pas pour quelque chose : car la femme y est réduite à son pouvoir de séduction et à son désir sexuel (même si, notamment chez Sade, elle n’est pas vue seulement comme objet mais bien comme sujet de (son) désir). ]
Nous avons donc tendance à opposer la culture francophone au monde anglo-saxon, alors que Wharton met dos à dos Europe et Nouveau Monde, l’Europe étant censée être plus libérée que le Nouveau Monde, tant au niveau des mœurs que de l’accès des femmes à la culture (au dernier chapitre, Newland imagine la vie qu’a du mener Ellen et la voit au milieu de conversations brillantes, visitant des musées etc). L’Europe correspond ainsi à un idéal de vie artiste et libre, cultivée et raffinée – mais qui court le risque de la dépravation et du scandale. Le Nouveau Monde, lui, est caractérisé par le sens du devoir, à un point tel que cela me fait penser aux héros généreux de Corneille, choisissant le devoir plutôt que l’amour et le bonheur.

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[club] Frances Hodgson Burnett – Little Princess : Adaptations

1939 Walter lang (avec Shirley Temple)
1995 Alfonso Cuaron (transposé aux Etat-Unis)

Mais moi je connais surtout le dessin animé japonais de Fumio Kurokawa (1985). Pour te souvenir : http://membres.lycos.fr/soussarah/

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[club] Frances Hodgson Burnett – Little Princess : Féminisme de l’oeuvre

Sara serait-elle la plus féministe de toutes nos héroïnes ? Je pense que tu serais tenter de dire oui car le roman ne présuppose pas de son avenir… Sara deviendra peut-être une parfaite épouse (vue la relation qu’elle noue avec les rares hommes du roman on devine qu’elle sera une grande séductrice) ou bien un professeur… On sait seulement qu’elle sera toujours a real princess ! C’est en effet un point féministe. Mais moi, et ma presque fameuse lecture contextuelle, je pense que ce qu’il y a de plus féministe dans ce livre c’est qu’il est écrit par une femme en 1905 et ne contient presque que des personnages féminins.
J’aimerais poser deux questions en lien avec notre thème :

Est-ce que le livre aurait pu être possible avec une Sara adulte ou adolescente ?
Je pense qu’en 1905 non. Il aurait fallu parler de mariage… Je pense que Frances Burnett utilise une enfant rêveuse très mature pour dire ce que les femmes ne pourraient pas dire… Bien sûr c’est aussi parce que l’enfant peut rêver et imaginer et que les adultes hommes ou femmes n’en ont plus le droit selon la société bien-pensante… Sara est une enfant quelque part elle est neutre. C’est aussi une stratégie pour s’adresser et eux hommes et aux femmes.

Est-ce que le livre est destiné aux petites filles ?
Je pense que si on répond oui on fait preuve de misogynie. Pourquoi l’exemple de Sara ne pourrait-il pas être montré aux garçons ? Est-ce que la bonté est réservée aux femmes ? Sara est une enfant quelque part elle est neutre… Voir ci-dessus.

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[club] Frances Hodgson Burnett – Little Princess : Sara

Elle est parfaite cette petite Sara : intelligente, juste, poète, charitable… Une véritable princesse !
J’aime bien le message : à force d’être bon ça finit par payer. Il ne faut pas céder face à la méchanceté et tomber dans la spirale de la haine et de la mesquinerie. J’aime bien voir que la bonté de Sarah est contagieuse. A la fin la boulangère influencée par l’exemple de Sara fait le bien…

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[club] Louisa Mary Alcott – Little Women : Adaptations

L’oeuvre et sa suite ont fait l’objet de trois adaptations au cinéma, et d’une à la télé. Je les ai vues. Et c’est la plus récente que je préfère. C’est la plus féministe. Les actrices sont sublimes, l’esprit est fidèle au roman : léger mais avec un message très sérieux. Je partage l’avis de Janet Maslim dans le New-York times « Stirring up a flurry of familial warmth, Ms. Armstrong instantly demonstrates that she has caught the essence of this book’s sweetness and cast her film uncannily well, finding sparkling young actresses who are exactly right for their famous roles. The effect is magical. And for all its unimaginable innocence, the story has a touching naturalness this time. “

1933 George Cukor (avec Katharine Hepburn)
1949 Mervyn Leroy
1979 David Lowell Rich (TV)
1994 Gillian Amstrong (avec Winona Ryder et Susan Sarandon)

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[club] Louisa Mary Alcott – Little Women : Suite

Louisa May Alcott a écrit une suite : Good wives et Jo’boys. On pourrait la mettre au programme ? Elle correspond plus à notre thème d’ailleurs