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Interview – Gérard Nisslé, Cristal et cendre ou l’itinéraire d’une chanteuse de blues

Gérard Nisslé est écrivain public. Il est aussi romancier et a notamment écrit Cristal et Cendre, un roman qui se passe dans l’Alabama, en 1906 : « Saddie, une jeune fille noire de 15 ans dotée d’une voix magnifique, découvre une nouvelle musique, le blues. Dans le même temps, elle subit une terrible violence. A 16 ans, elle s’enfuit et part pour Chicago, réputée capitale du jazz, dans le but de devenir chanteuse de blues, de gagner sa vie grâce à sa voix. Mais elle a un autre objectif : se venger des quatre personnes qui l’ont meurtrie, qui ont bouleversé sa vie. C’est l’histoire d’un rêve, d’une violence, d’une vengeance. »

Gérard Nisslé a accepté de répondre à nos questions au sujet de cet itinéraire hors norme et des raisons pour lesquelles il a choisi ce sujet. Il nous répond avec précision… et humour !

1) D’où t’est venue l’idée de suivre un personnage de chanteuse de blues dans l’Amérique du début du XXe siècle ? 

Vers mes 12 ans, ma mère qui n’écoutait que de la musique classique m’a offert un disque différent des autres, déjà là : Sydney Bechet. Un choc. Un jazz New Orleans, gai, facile à apprécier, à comprendre, facile à aimer. Puis est venu Louis Armstrong. Plus structuré, plus exigeant. Plus profond. Le goût du jazz est né alors et ne me quittera plus. Puis ce furent les chanteuses de jazz. Puis le blues. Cheminement assez classique. Et là, j’ai plongé. Profondément. Sans comprendre un mot d’anglais ou presque, j’ai compris, j’ai vibré, j’ai ressenti, j’ai pleuré, j’ai partagé. Avec eux, avec elles. Avec leurs peines, leur misère, leurs chagrins, leurs espoirs toujours déçus, leur foi dans un lendemain meilleur. Des dizaines de disques, puis de CD. J’ai délaissé le jazz pur, et surtout ses déclinaisons modernes, pour ne me focaliser que sur le blues. Et j’ai commencé à lire sur le sujet. Des ouvrages savants. Les vies des chanteuses les plus marquantes : Bessie Smith, Elle Fitzgerald, Billie Holiday. Un chanteur et poète noir a dit « être noir et chanteur de blues, c’est être deux fois noir » Pour ces chanteuses, être une femme, de surcroît, c’était donc être trois fois noire. Trois fois maudites par le Destin. Trois fois marquées du sceau de la violence et du malheur. Leurs vies réelles, malgré leur succès, m’ont bouleversé. Surtout celle de Lady Day. Elles étaient victimes de la ségrégation et du mépris, mais surtout des hommes, noirs ou blancs. Elles buvaient et se droguaient pour survivre. Vedettes de spectacles, elles devaient entrer par le porte des fournisseurs, et non par la porte principale réservée aux Blancs. Billie cachait son argent dans un tube qu’elle mettait dans ses parties intimes pour éviter de se faire voler. Elles étaient battues, volées et violées régulièrement. Souvent par leurs maris ou amants. Et leurs chansons, si elles ne décrivent pas leur vie à elles, reflètent ces vies abimées, meurtries. Pour les Noirs chanteurs de blues, les textes s’appuient sur leur vécu et celui de leurs frères de couleur : le manque d’argent, le jeu, l’alcool, le chômage, la misère, la petite amie enfuie, l’épouse matrone et méchante, le Blanc cruel, la menace permanente d’un lynchage, mais aussi la joie d’un job d’un soir ou d’une semaine dans un juke-joint, la satisfaction de pouvoir composer et chanter. La dureté d’une vie noire. Avec aussi des fulgurances de joie et de bonne humeur, d’espoirs, de bonheurs éphémères. En refermant la bio de Billie Holiday, j’ai eu l’idée d’écrire une histoire y ressemblant. Moins triste que sa vraie vie. Maie en développant un trajet, un parcours, avec ses turpitudes, ses écueils, ses joies et ses désespoirs.

2) Ton ouvrage se présente à la fois comme un roman d’apprentissage et un revenge novel. L’esprit de revanche est-il au cœur du blues lui-même ? 

Non, absolument pas. De ce que j’en sais, l’esprit de revanche est absent de ce formidable genre musical. Les Noirs importés pour être esclaves, parlaient des dialectes différents. On séparait les familles, le père ici, la femme ailleurs, les enfants loin. Impossible de communiquer avec d’autres esclaves car ils étaient volontairement mélangés. On brisait ainsi les communications pouvant mener à l’organisation de révoltes. On les a aculturés avec une grande efficacité. Traités moins bien que des animaux, ils ont progressivement mais rapidement assimilé la religion de leurs maîtres, car… 1. C’était la seule activité permise, et 2. le dieu des Blancs devait être bien plus fort que leurs différents dieux locaux africains puisqu’ils en étaient arrivés là, pris, déportés, enchaînés, battus, torturés, mutilés. Et les prêtres se gardaient bien de leur inculquer l’idée de la revanche, bien au contraire. On les frappait sur la joue gauche ? Ils devaient tendre la joue droite. Le maître blanc violait leur femme ? Ils pleuraient en silence. Leurs enfants mouraient sous les coups de fouet ? Ils composaient une chanson d’une infinie tristesse. Leurs frères étaient lynchés pour un regard vers une Blanche, après avoir été émasculé ? Ils étaient obligés d’assister au spectacle et repartaient vers leurs cases, infiniment tristes, infiniment désespérés.  Ils étaient bafoués, maltraités, fouettés au sang, affamés, épuisés, désespérés de cette monstrueuse injustice ? Ils priaient. Et chantaient. Des blues à fendre le cœur, à déchirer l’âme. Des blues qui finalement, ne racontaient rien d’autre que leur vie quotidienne.

Qu’on ne s’y trompe pas : je mélange ici deux périodes distinctes, et c’est voulu. Avant le 18 décembre 1865, c’est-à-dire pendant l’esclavage, et après cette date. Cette date est très importante car elle a changé la structure économique d’un pays, mais du point de vue des Noirs, elle ne l’est peut-être pas tant que ça, car elle n’a RIEN changé dans les rapports sociaux, humains. Un Noir restait, selon un ouvrage publié une vingtaine d’années plus tard un être non-humain. L’ouvrage cité, « Le nègre est une bête dans l’esprit de Dieu » est authentique, hélas. Il n’est pas exclu que cela reste une « vérité » aujourd’hui encore, dans l’esprit de beaucoup de red necks blancs.

Autre chose de très important :  Les Blancs ont convaincus les Noirs, avec une incroyable, une époustouflante, une ahurissante efficacité, qu’être noir était une malédiction. Un péché. Une honte. Une flétrissure. Et ça marchait ! Des générations ont vécu avec cette honte chevillée au corps. S’ils souffraient, c’est parce que leur couleur n’était pas la bonne. S’ils étaient battus, humiliés, c’était une décision de Dieu, mise en œuvre par Ses créature préférées : les Blancs. Ils n’étaient pas humains. A peine plus que des bêtes. Ils étaient inutiles et dangereux. Stupides et paresseux. Sales. Mauvais. C’est ce qu’on leur mettait dans la tête en permanence, et ça fonctionnait très bien. La honte n’était pas du côté de celui qui violait les épouses noires de ses esclaves, de celui qui battait un pauvre nègre à mort pour un regard, de celui qui les affamait, de celui qui les tuait pour jouer, de celui qui lançait ses chiens enragés à leurs trousses et se délectait de les voir se faire dévorer, non. La honte était du côté des victimes de ces atrocités. La honte de la couleur que leur Créateur leur avait donnée. Un cas exemplaire et monstrueux de manipulation mentale à grande échelle. Qui maintenait une population supérieure en nombre, donc potentiellement dangereuse, dans la servilité effrayée. 

Alors, dans tout ça, point de place pour la revanche. On ne se venge pas d’une décision divine qu’on ne comprend pas, même si on en subit les conséquences dans son âme et sa chair chaque heure de chaque jour. On ne se venge pas de ses maitres cruels, puisqu’ils ont le blanc-seing divin de les traiter comme eux, les esclaves noirs le méritent. Et se venger physiquement d’un Blanc représentait un épouvantable danger : tortures et mutilations, mort, massacre possible de sa famille, représailles sur sa communauté. Avec, toujours en arrière-plan mental, la certitude que Dieu était du côté des Blancs. Oui, on peut se venger des avanies perpétrées par SES SEMBLABLES. Par ses frères, ses sœurs de couleur, certainement, car la justice divine est aux abonnés absents, et la justice humaine n’est qu’en faveur des Blancs, systématiquement. Mais c’est la seule vengeance à laquelle un Noir pouvait penser.

Donc, en l’absence d’une volonté, d’une envie, même, de vengeance, il ne restait que deux solutions : l’acceptation servile avec l’espoir bien mince d’échapper au pire, ou la fuite, avec de fortes probabilités d’être repris, tué ou amputé. En attendant, la prière le dimanche, pour tenter de se rapprocher de ce Dieu un peu trop partial. Et le blues les autres jours.

Alors, pourquoi la vengeance ? C’est un thème personnel, qui me fascine. J’ai d’ailleurs fait une petite « causerie publique » sur le sujet. Compte tenu de ce qu’une femme noire pouvait subir à l’époque, il m’a semblé intéressant de lui donner cette volonté de justice privée, et de voir où cela menait. Je suis content d’avoir pu introduire ce thème dans l’histoire de Saddie.

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3) Quelle a été ton influence majeure pour écrire ce roman : la littérature française ou la littérature américaine ? 

Désolé, aucune. Ma connaissance de la littérature française est pleine de trous. Par exemple, je n’ai lu L’étranger et La Peau de chagrin (et je ne m’en vante pas…) qu’il y a deux ans. Des merveilles, soit dit en passant. 

Pour la littérature américaine, on est loin, bien loin : amateur de SF depuis toujours, je suis un inconditionnel d’Asimov et de Dick, et un fan absolu de Ray Bradbury et de sa poétique-fiction. Par ailleurs, j’ai lu tous les romans traduits de Chuck Palahniuk, un auteur déjanté, des thèmes incroyables, une écriture-choc. 

Donc, ici ou là-bas, rien qui ressemble à cette histoire de chanteuse de blues. Aucune influence littéraire à revendiquer. La musique et uniquement la musique. Mon empathie profonde et spontanée avec les épreuves subies par le peuple noir américain et mon admiration pour sa capacité à créer un des plus beaux genres musicaux qui soient.

Une petite anecdote ? Quand j’ai commencé l’écriture, la petite Saddie naissait environ 30 ans plus tard que dans la version définitive, et elle découvrait le blues au moment où il était bien connu et implanté. Apprécié par un large public, Blancs et Noirs confondus. Et au milieu du livre j’ai eu l’idée de la fin, avec le film « Le chanteur de jazz » Mais les dates ne collaient plus. J’ai donc tout reculé d’une trentaine d’années. Un peu de réécriture, bien sûr, mais alors, un énorme problème : pour ce qui concerne les années de début de sa carrière de blueswoman, on n’a que très peu, très très peu, de traces écrites des premiers blues. Dans ma version initiale, j’en avait pléthore, et là, presque plus rien. J’ai donc dû inventer des chansons, avec des premiers couplets de mon cru. Inutile de les chercher sur Spotify ! Je me suis inspiré pour ça des paroles des centaines de blues entendus pendant ma vie, et qui m’ont marqué à jamais.

Une autre ? J’ai eu cette idée, cette envie d’écrire cette histoire il y a plus de trente ans. Je la voulais factuellement juste. Avec des détails authentiques. Or mes lectures ne donnaient jamais les détails de la vie quotidienne. Où les chercher ? Pour quel maigre résultat ? J’ai alors mis l’idée de côté et ai commencé à écrire d’autres histoires, des nouvelle fantastiques pour commencer. Et je n’ai plus repensé à ce récit rêvé. Un jour, il y a trois ans environ, mon cardiologue regarde des résultats d’examen et secoue la tête en faisant « Hmmm… hmmm… » Mauvaise limonade. Il commande des examens complémentaires. Dont les résultats arrivent, et donnent exactement la même réaction. Là, il m’explique qu’il faut passer à la vitesse supérieure car il y a soupçon de quelque chose de grave. Examens plus importants et investigations plus approfondies, qui diront mon espérance de vie. Je rentre chez moi avec la certitude qu’il ne me reste que quelques mois à vivre. Et là, un flash « Mais bon sang, ce que je ne pouvais faire il y a trente ans, est tout à fait faisable aujourd’hui ! Merci Internet ! Google je t’aime ! Je vais certainement trouver tous ces micro-détails indispensables » Et je me suis lancé le soir même. Recherche intensive, récupération de méga-octets de données, de plans, de dates, de noms, de faits. Et écriture d’un chapitre PAR JOUR ! L’urgence. La fébrilité. Aller au bout avant de passer l’arme à gauche. 

Et puis, les examens de niveau supérieur ont eu lieu. Résultat : fausse alerte, tout va bien. En manière de plaisanterie, j’ai alors demandé à mon cardiologue s’il voulait bien m’accorder deux ans de vie en plus, afin d’arriver au bout de mon projet d’écriture. « Accordé ! » Un an et demi plus tard, je mettais Cristal et Cendre en ligne chez Amazon en auto-édition. Ouf ! 

Depuis, à chaque nouveau projet d’écriture, je lui demande un an de plus de vie. Qu’il m’accorde très généreusement.

Et le féminisme, dans tout ça ? Je n’ai pas écrit Cristal et Cendre avec ce prisme. En voulant démontrer quelque chose. En voulant défendre une cause. C’était juste la monstration de ce que peut avoir été une vie noire en Alabama, à ce moment de l’histoire d’un pays violent, raciste et intolérant, lorsqu’on est une femme et que l’on a un rêve. Si cette histoire a dégagé un arrière parfum de féminisme, j’en suis ravi. Elle ne se voulait que le portrait d’une fille qui veut vivre malgré les obstacles, et qui y parvient pendant un temps. En ça, cette femme est peut-être toutes les femmes…

Comme monsieur Jourdain, je suis peut-être féministe sans le savoir, sans le revendiquer. Mes conviction philosophiques sont claires : la femme est un homme comme les autres, comme dit cette plaisanterie qui n’en est pas une, finalement. Égalité des chances. Égalité des traitements. Égalité des possibilités. Égalité des salaires. C’est la base, et elle est indiscutable. Les femmes sont différentes des hommes, ce qui ne signifie pas qu’elles doivent être traitées différemment. Je crois à une complémentarité. Le respect doit être mutuel. Pas de hiérarchie. Une femme sait faire quelque chose que je ne sais pas faire, a plus de talent que moi ? Respect et admiration. Et je ne me sens pas « diminué » pour autant. Ma femme a deux mains gauches pour le bricolage, et elle est une organisatrice hors-pair. Exactement mon opposé. Complémentarité et respect. 

Évidemment, je refuse, comme cela peut se produire aux États-Unis, avec les « Lionnes », ces féministes enragées, d’être traîné au tribunal pour sexisme parce que j’ai tenu la porte à une femme derrière moi afin d’éviter qu’elle ne se la prenne en pleine figure. J’ai tenu la porte à un être humain, c’es tout. De la même manière, je refuse deux idées entendues ici et là (quelquefois de la même bouche…) :

. Les femmes ont toutes été harcelées dans les transports en commun. C’est faux, et de loin. Il suffit d’interroger les femmes qui nous entourent. 

. La France a une culture du viol. Faux également. Le viol est une horreur absolue, qui doit être sévèrement punie, comme la pédophilie. Certains violeurs passent à travers des mailles de la justice. D’autres sont protégés. Oui, les dinosaures n’ont pas tous disparu…  Cela arrive et c’es tragique. Un seul viol par an serait encore un viol de trop. Mais culture ? Une culture, c’est l’ensemble des structures sociales et des manifestations intellectuelles, artistiques, religieuses qui définissent une civilisation, une société par rapport à une autre. Toute une civilisation. La vaste majorité de ses composantes. La France était majoritairement catholique et on pouvait parler de culture catholique. Elle ne l’est plus, les athées étant devenus majoritaires. On ne peut plus alors parler de culture, aujourd’hui. Le viol n’est ni accepté légalement, ni accepté socialement, ni accepté humainement, et ce par la totalité des femmes et une immense majorité des hommes. Quelques hommes, sur 66 millions d’habitants, pensent encore que « c’est pas bien grave… » ou « qu’elles l’ont bien cherché… » La bêtise poisseuse de quelques crétins à deux neurones, clamée haut et fort, ne suffit pas à faire une culture généralisée.

Ces envolées et affirmations absurdes vont à l’encontre du vrai féminisme et sont contre-productives, car elles décrédibilisent le reste du discours de celles qui les profèrent. Ce qui est dommage, car elles peuvent dire par ailleurs des choses très pertinentes…  

Le Larousse de 1905, tout premier du genre, donne à viol la définition suivante : atteinte à la pudeur. En complément à sa Bible, l’abbé Pierre devait avoir le Larousse de 1905 sur sa table de chevet… Il me semble qu’en 120 ans, on a quand même fait quelques progrès. Lents, difficiles, mais indiscutables.

Revenons au féminisme. Si je suis anti-clérical (pour toutes les religions) c’est en partie à cause de la place que les trois religions du Livre ont assigné à la femme : un être inférieur devant être (mal)traité comme tel. Que de vies brisées, que de talents gâchés, que d’injustices et de violences, depuis 3 000 ans ! Que de honte d’être un être humain. Que de bêtise, d’incommensurable bêtise satisfaite !

Hé, les aliens ! vous pouvez venir nous éradiquer, on l’a bien mérité !…

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Interview – Enseigner la poésie avec Claire Tastet

Notre invitée

Claire Tastet, agrégée de Lettres Modernes est professeure de français depuis 28 ans. Elle a commencé dans un collège des Hauts de France avant de rejoindre un lycée de la périphérie urbaine de Tours.

Avec ses élèves, elle a gagné le prix #JeLaLis – Équipe lors de la première édition du concours Je La Lis organisé par l’association le Deuxième Texte en janvier 2021.

Claire est une lectrice et enseignante engagée. Elle est co-organisatrice du Prix Maya qui, chaque année depuis 2019, récompense les œuvres littéraires qui font avancer la cause animale.

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Portrait de Claire Tastet

Hélène Dorion au programme

Claire Tastet nous explique pourquoi elle a été ravie de découvrir Mes forêts d’Hélène Dorion dans les programmes du lycée. Elle avait déjà confié son enthousiasme au Café pédagogique.

Les recommandations de Claire

La Ville Brûle – Je serai le feu

Frénésies – Stéphanie Vovor – Le Castor Astral

La nuit s’ajoute à la nuit (Grand format – Broché 2024), de Ananda Devi | Stock

Les poèmes de Sabine Sicaud

Les poèmes de Joséphine Bacon

Les poèmes de Ceija Stojka

Pour aller plus loin

@vaucenlettres : le compte insta de Claire

Notre interview

Claire Tastet : Une brèche dans les programmes ?

Faire découvrir les problématiques de l’écriture autochtone au Québec : lire Kukum de Michel Jean en classe d’Humanités, littérature et philosophie – Mémoires en jeu

Prix Maya

Prix Maya 2023 – Cause animale : que peut la fiction ? ⋆ Savoir Animal

Programmes et ressources en français – voie GT | éduscol | Ministère de l’Education Nationale| Direction générale de l’enseignement scolaire

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Interview – Blanche Leridon, Le château de mes soeurs et Johanna Cincinatis Abramowicz, Elles vécurent heureuses

Deux parutions ont récemment mis en lumière la montée en puissance des solidarités féminines. Celles-ci s’incarnent dans la relation entre soeurs (au sens propre ou au figuré) comme dans la ré-invention d’un vivre-ensemble au féminin : ainsi Blanche Leridon signe-t-elle Le château de mes soeurs : Des Brontë aux Kardashian, enquête sur les fratries féminines aux éditions les Pérégrines en cette rentrée littéraire 2024 (en sélection du Renaudot Essais)et Johanna Cincinatis Abramowicz a fait paraître Elles vécurent heureuses : L’amitié entre femmes comme idéal de vie chez Stock en avril dernier.

Nous avons proposé à ces autrices de répondre à nos questions sur la solidarité féminine.

L’amitié féminine, un idéal de vivre-ensemble

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Johanna Cincinatis Abramowicz vous a laissé un vocal, à écouter ici :

La sororité pour renouveler la solidarité

Blanche Leridon nous livre quant à elle ses réponses ci-dessous :

1)  Ton ouvrage propose une exploration riche de la représentation des relations entre soeurs. Vois-tu une évolution de ces représentations ? Les valorise-t-on plus qu’avant ?

La question des représentations est fondamentale car elle façonne nos imaginaires, nous propose des modèles, en particulier dans l’enfance et à l’adolescence. Au départ, les représentations de soeurs sont très stéréotypées : je pense aux petites filles modèles de la comtesse de Ségur, modèles de sagesse et de discrétion, très éloignées de la réalité. Les relations entre soeurs subissent les mêmes stéréotypes. On les a souvent limités aux chamailleries et à la jalousie de l’enfance, qu’il s’agisse de Cendrillon et de ses deux sœurs mégères, Javotte et Anastasie, ou des trois filles du roi Lear qui se battent pour l’amour de leur père. Au-delà de la fiction, on observe des réflexes similaires lorsqu’il s’agit de commenter les relations entre des sœurs bien réelles : Pippa et Kate Middleton sont forcément rivales, idem pour Venus et Serena Williams ou Catherine Deneuve et Françoise Dorléac.

On a trop longtemps enfermé leurs relations dans cette compétition puérile, cette chamaillerie qui est avant tout une manière de les discréditer. Aujourd’hui les choses évoluent, mais doucement. On montre des relations plus complexes, celle de Fleabag et sa sœur dans la série éponyme de Phoebe Waller-Bridge en est une. Lorsque Disney invente un personnage – celui de la Reine des Neiges – dont le destin est lié non plus à un Prince Charmant mais à l’amour de sa sœur – on peut aussi s’en réjouir. Il faut que ces nouvelles visions essaiment, que des générations de petites filles soient confrontées à ces nouveaux modèles. 

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2) En quoi la relation de soeurs diffère-t-elle, dans la représentation qui en est donnée, de la relation entre frères ?

Les relations entre frères ne sont pas épargnées par les disputes et la rivalité, mais elles ne se manifestent pas du tout de la même façon. Là où les filles sont associées aux chamailleries superficielles de l’enfance, les frères sont projetés dans un univers beaucoup plus glorieux et spirituel. Abel et Caïn, Jacob et Ésaü ou les frères Karamazof racontent des histoires de rivalité, certes, mais qui projettent leurs protagonistes dans des univers mystiques et mythologiques, où il est question de bien et de mal et d’avenir de l’humanité, très loin de nos soeurs qui se disputent pour un homme (car c’est souvent à ça qu’on les cantonne). Pour résumer : la rivalité fraternelle est noble et spirituelle, la rivalité entre soeurs est mesquine et superficielle. 

3) Comment expliquer que les femmes se reconnaissent dans la phrase « Nous sommes tous frères » suivant l’idéal de fraternité mais que les hommes rechignent à se désigner comme des « soeurs » ?  

C’est la résultante de la tyrannie du masculin-neutre, qui règne sur notre langue et notre culture. Mais je ne suis pas certaine que les femmes se reconnaissent toutes dans cette maxime, et c’est pourquoi il a fallu créer de nouvelles façon de faire « nous » au féminin, comme nous y enjoignait Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe. Toute l’histoire du féminisme contemporain, depuis les années 70 jusqu’à aujourd’hui, repose sur cette quête du « nous », qui est notamment passée par l’appropriation de cette notion de soeurs, d’abord chez les féministes américaines qui en ont fait leur slogan « sisterhood is powerful », avant d’être adopté par le MLF. C’est ce long combat qui a permis de faire renaître la sororité. Ma conviction est que les relations entre soeurs ont beaucoup à nous apprendre de ce point de vue là. 

Merci à Blanche et à Johanna pour leurs réponses !

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Anne-Sophie Brasme, Ce qu’on devient

Anne-Sophie Brasme signe en cette rentrée littéraire un roman inspiré de sa première expérience de publication à 17 ans. Dans Ce qu’on devient, la romancière retrace l’itinéraire de deux jeunes filles, Sophie et Anouk, dans une vertigineuse conversation des âges et des destinées.

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1) Votre personnage principal est une femme accomplie qui écrit à la jeune fille qu’elle a été. Elles ont en commun le désir d’écrire. En quoi ce désir est-il trahi ou abîmé par le passage à la publication dans le cas de la jeune fille ?

Dans Ce qu’on devient, je raconte en effet l’histoire de Sophie, jeune lycéenne qui voit son premier roman publié, comme je l’ai été moi-même à dix-sept ans avec Respire. Sophie écrit ce premier texte dans une sorte d’élan, mue par la nécessité de mettre des mots sur le harcèlement dont elle a été victime au collège. Bien sûr, elle rêve d’être publiée, mais elle n’ose imaginer cela possible : son père lui-même, aspirant romancier, a vécu dans le passé un refus cuisant. Le manuscrit de Sophie se retrouve finalement, un peu malgré elle, sur la table d’un éditeur. Et c’est là que tout change. La publication de ce « Premier Roman » la projette sur le devant de la scène, la sort de l’invisibilité et la fait entrer dans un monde qu’elle ne connaissait pas, celui de la bourgeoisie intellectuelle parisienne. Seulement, Sophie n’a pas les codes. Elle répond aux journalistes avec la naïveté de son âge, ce qui lui vaut d’être qualifiée de « petite dinde » par son attachée de presse. Son succès dérange : on attend d’elle qu’elle prouve son mérite. Et c’est ce qui bouleverse totalement son rapport à l’écriture : dorénavant, elle doit se montrer « à la hauteur ». L’écriture du deuxième roman est parasitée par cette injonction. Sophie ne redoute qu’une chose : que son « imposture » finisse par être dévoilée au grand jour. L’échec commercial de ce nouveau livre va conforter cette voix en elle et la faure renoncer à l’écriture pendant des années. Pour moi c’est le sujet fondamental du livre : comment ce sentiment d’incompétence, que de très nombreuses femmes portent en elles (à plus forte raison quand elles sont jeunes, et/ou racisées), s’insinue en nous jusqu’à entraver nos désirs.

2) Vous livrez à travers ce récit une analyse des travers du monde éditorial, qui répond à une logique de rentabilité et non de mécénat et qui s’appuie beaucoup sur les médias pour l’assurer. Selon vous, la jeune fille est-elle traitée comme un produit au même titre que son Premier roman ?

La jeunesse de Sophie est en effet mise en avant par l’éditeur. Elle est vue comme un objet de curiosité par les journalistes qui pendant un temps s’émerveillent de sa précocité. Sophie est présentée comme le petit phénomène de la rentrée littéraire. Je me souviens qu’à la sortie de Respire mes 17 ans étaient aussi un argument de vente. Un jour un journaliste qui était venu m’interviewer chez moi avait cité dans son article ma « chambre remplie de poupées » et mes « rouges à lèvre de lolita ». Le sujet n’était pas tellement mon livre…

Ceci dit, j’ai eu la « chance » de ne pas avoir été sexualisée plus que cela – contrairement à Lolita Pille qui a publié son premier roman Hell peu de temps après moi, et à qui on posait des questions horribles pendant les interviews. C’est d’ailleurs ce qu’elle raconte dans son dernier roman Une Adolescente

3) Qu’a d’urgent et de crucial le besoin ou désir d’écrire pour une jeune fille ou une femme dans notre monde d’aujourd’hui selon vous ? 

Ecrire c’est l’inverse de se taire. C’est mettre des mots sur des réalités qui restaient jusqu’à présent invisibles, innommées. En tant que femmes, nous avons appris à toujours minimiser nos douleurs, à croire que nos histoires ne valaient pas la peine d’être racontées. Mais elles le sont plus jamais. Et à plus forte raison quand il s’agit d’intime. Le monde a besoin de savoir ce que sont nos désirs, nos dégoûts, nos joies, les violences que nous subissons. Nous devons raconter nos histoires, si dérisoires nous paraissent-elles par rapport aux « grands récits », pour nous rendre enfin légitimes. Pour apprendre enfin à nous croire.

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Interview de Catherine Le Magueresse

Notre invitée

Catherine Le Magueresse est juriste, doctoresse en droit et chercheuse. Spécialiste du consentement, elle a publié l’ouvrage de référence Les pièges du consentement. Pour une redéfinition pénale du consentement sexuel, aux éditions iXe et a récemment co-organisé des journées d’étude sur le consentement en droit à l’Ecole Nationale de Magistrature. 

Notre interview de Catherine Le Magueresse

Les pièges du consentement

Catherine Le Magueresse nous explique à quelles conditions le consentement peut aider à faire progresser la justice pour les survivantes de viol ou comment ne pas tomber dans les pièges du consentement. Elle évoque aussi la définition du viol dans le code pénal français et son influence sur la réponse judiciaire.

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Les pièges du consentement,

“La présomption de consentement est une fiction légale et culturelle qui dispense celui qui initie un contact sexuel de s’assurer du consentement effectif – voire du désir – de l’autre.

Catherine Le Magueresse, Les pièges du consentement

Pour aller plus loin

Les pièges du consentement – Éditions iXe

Catherine Le Magueresse | Cairn.info

Séduction et galanterie à l’ère Post #Metoo – IFOP

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Barbie

Souvenirs de l’été 2023

Jusqu’au 23 février 2025, le Design Museum de Londres propose une exposition sur l’histoire de la poupée Barbie.

C’est l’occasion de se souvenir que l’année dernière sortait le film Barbie réalisé par Greta Gerwig avec Margot Robbie et Ryan Gosling.

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On a beaucoup parlé de ce film notamment pour se demander s’il était féministe ou pas.

Nous avons répondu à cette question dans un épisode de notre podcast.

Culture féminine ou féministe ?

Parler de Barbie, la poupée ou le film, c’est l’occasion de revenir sur la phrase par laquelle commence tous nos épisodes : ce podcast met en valeur la culture féminine et féministe.

La culture féminine, c’est tout ce qui concerne les femmes… les livres qu’elles lisent, les films qu’elles regardent, les fictions qu’on crée pour elles… La culture féministe, c’est politique – le point commun à tous les féminismes je pense c’est de vouloir changer la condition des femmes ou au moins de certaines femmes–, c’est la volonté de changer la société…

Alors évidemment les deux sont liés. D’abord, on peut faire une lecture féministe de la culture féminine. C’est ce qu’on fait souvent dans notre podcast. Ensuite, mettre en valeur la culture féminine contribue à valoriser les femmes et à casser des stéréotypes de genre. Par exemple, pourquoi ce serait mieux de jouer avec un ballon que de sauter à la corde ? Pourquoi ce serait mieux de faire un film sur les Transformers que sur Barbie?

Donc Barbie, la poupée comme le film, c’est de la culture féminine sans aucun doute. C’est un jouet conçu pour les filles, que beaucoup de petites filles ont reçus ou aurait aimé recevoir… C’est une référence qui renvoie à la culture féminine que ce soit pour s’en moquer, pour la critiquer ou la valoriser.

Et souvent quand on se moque de la poupée Barbie, on se moque des petites filles qui jouent avec… on les dévalorise… Et c’est pas bien pour l’estime de soi… Etc.

Donc valoriser la culture féminine contribue à changer le point de vue sur les femmes, l’éducation des filles et participe donc d’un féminisme. Mais la culture féminine en soit n’est pas féministe.

Barbie, une féministe ?

La poupée Barbie appartient à la culture féminine mais est-elle féministe? Participe-t-elle à un projet de changer la société??? Pas vraiment. Et pareil pour le film…

Ni la poupée ni le film Barbie ne vont changer le monde.

C’est d’ailleurs un point positif du film, le film ne cherche pas à nous mentir. Au contraire, il fait apparaître l’hypocrisie du discours de Mattel. C’est une femme qui a créé la poupée pour les petites filles mais Mattel est un empire d’hommes qui recherchent à faire un max de profits et qui n’ont aucune intention de changer le monde. Les Barbie peuvent être tout ce qu’elles veulent, recevoir des prix Nobel et diriger des pays, ce n’est absolument pas le cas pour les femmes de notre monde.

Attention le film va faire le grand écart à votre cerveau :

Par exemple, le film dénonce le capitalisme mais est une pub géante pour Mattel. Il prône la diversité mais c’est la Barbie blanche, blonde aux mensurations parfaites qui est la star. Alors ok, elle est appelée stéréotype de la Barbie… Là encore on peut saluer l’honnêteté du film : ce n’est pas parce qu’on a fait toute sorte de Barbies qu’on a changé les représentations sur la beauté…Le film dénonce certains stéréotypes sur l’apparence mais il présente des relations entre les hommes et les femmes très stéréotypées…

C’est un film qui prétend mettre à l’honneur la sororité mais il raconte une quête individuelle, c’est l’histoire de l’émancipation de la Barbie incarnée par Margot Robbie… Et bon si vous avez vu le film, vu le twist final, on ne peut vraiment parler d’émancipation…

Un film à voir quand même

Il y a beaucoup à critiquer mais il y a aussi des points positifs, on l’a déjà dit le film met en valeur la culture féminine et est très honnête sur le féminisme-washing autour de la poupée. Et j’ajoute un troisième point positif : le film appartient à la culture féminine comme Bridget Jones ou Angélique marquise des Anges, mais cette fois, il n’est pas question de romance. Barbie, le film, n’est pas une histoire d’amour, le personnage de Margot Robbie ne recherche pas l’amour… Scoop : Barbie n’est pas amoureuse de Ken.

Alors Barbie n’est pas féministe et ne va pas changer le monde, la réalisatrice Greta Gerwig en revanche est féministe et va peut-être changer l’histoire du cinéma et des films pour les femmes…

Pour aller plus loin

Notre épisode

https://usbeketrica.com/fr/article/comment-barbie-nous-plonge-dans-l-ere-du-meta-moderne

https://theconversation.com/le-film-barbie-est-il-vraiment-feministe-210261

What « Barbie » Gets Right About Male Psychology

Tribune d’Azélie Fayolle dans le Monde

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Jessica Jones et la culture du viol

Notre dernier épisode est en ligne! Il parle de la série Jessica Jones créée par Melissa Rosenberg avec Krysten Ritter dans le rôle titre.

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Krysten Ritter dans Jessica Jones

Et si nous avions des super -pouvoirs?

C’est une histoire de super-héroïne Marvel avec ses questions habituelles sur l’héroïsme, la responsabilité et les progrès scientifiques, son lot de clichés (héroïne orpheline, complot très compliqué…) et aussi ses défauts (manque d’intersectionnalité, fatalisme…).

Toutefois nous souhaitons distinguer cette série car elle allie le fond et la forme pour dénoncer la culture du viol. Attention l’article contient quelques spoilers sur la saison 1!

Un super-pouvoir pour illustrer l’emprise

Kilsgrave, le méchant de la saison 1, a le pouvoir de faire faire aux gens ce qu’il veut. Il remplace la volonté de ses victimes par la sienne…. 

Hope a sorti un pistolet de son sac et tiré à multiples reprises sur ses parents mais c’est Kilsgrave qui les a tués. Il n’était pas là au moment des faits, il n’était pas là quand Hope a mis l’arme chargée dans son sac mais il a planté dans l’esprit de Hope l’envie de les tuer. Hope n’est pas inconsciente au moment des faits, elle est même consciente de vouloir tuer ses parents, elle est capable de planifier, de choisir le moment où elle ne pourra pas les manquer…. Après le crime, Hope est dévastée, elle peut témoigner du pouvoir de Kilsgrave mais elle n’est pas convaincue de son innocence.

Jessica Jones, elle aussi victime de Kilsgrave l’est et se donne la dure mission de prouver que le pouvoir de Kilsgrave de contrôler les esprits existe.

Remarquons que l’emprise mentale ou le contrôle coercitif sont des phénomènes documentés et que l’on a de nombreux témoignages. Cependant les victimes ont du mal à être entendues et respectées. Pourquoi ?

Parce que la culture du viol

Kilsgrave incarne la culture du viol

La culture du viol c’est d’abord la négation du consentement. Et le pouvoir de Kilsgrave symbolise cette négation. Jessica le lui dit clairement dans l’épisode 8 : “Not only did you physically rape me but you violates every cell in my body and every thought in my godamm head

Kilsgrave nie l’accusation en arguant sur le décor : tout s’est passé dans des hôtels et des restaurants de luxes, comment cela pourrait-il être un viol? Cette remarque renvoie au scénario stéréotypé du viol dans une ruelle sombre… Il y a aussi l’idée que toutes les femmes sont à vendre, et qu’il a payé et mériterait donc un peu de reconnaissance… Ces clichés sur le scénario du viol et les femmes nourissent la culture du viol.

Un autre élément de la culture du viol est le retournement de culpabilité : on se met à plaindre l’agresseur et on accuse la victime. Kilsgrave essaye de se rendre sympathique en soulignant ses efforts pour ne pas toujours utiliser son pouvoir, son enfance difficile ou son amour pour Jessica. Tout ce qu’il voulait selon lui c’était l’amour de Jessica ou tout au moins un peu de reconnaissance, un sourire.

D’abord, il prétend cet « amour » réciproque : elle a choisi de rester avec lui, preuve que cela ne devait pas être si déplaisant, non? Dans l’épisode 10, Jessica raconte qu’elle a essayé de partir mais il l’a très vite recontrôlée avec son pouvoir. Il essaye de lui dire que les choses ne se sont pas passées comme elle le dit mais elle a une cicatrice pour prouver que sa version est la plus proche de la vérité.  Dans l’épisode 9, il essaye de diminuer le rôle de son emprise. Jessica a tué une femme selon sa volonté, mais il prétend lui avoir seulement demander de s’en occuper. Il veut ainsi la faire douter de son innocence, la faire culpabiliser. C’est aussi son intention quand il la traite d’ingrate qui n’a jamais apprécié tout ce qu’il a fait pour elle dans l’épisode 10.

Du côté des survivantes

Nier le consentement et blâmer la victime… Jessica Jones n’est pas la seule série à mettre en évidence ces deux caractéristiques de la culture du viol.

Mais Jessica Jones fait mieux… elle décrédibilise voire ridiculise les arguments des agresseurs… Kilsgrave a le profil du héros de romance (riche, britannique et une blessure secrète) mais il est le méchant de l’histoire, et comme c’est une histoire Marvel, il n’y a pas d’ambiguïté. Tous ses efforts pour se poser en victime (Ouin ouin : mes parents m’ont torturé… Ouin ouin : je ne sais jamais si les gens consentent car mon pouvoir est trop fort) sont presque comiques…. Il n’y a pas d’empathie avec Kilsgrave, pas d’himpathy pour reprendre le concept de la philosophe Kate Manne.

C’est d’abord dans sa forme que Jessica Jones s’oppose à la culture du viol. Elle adopte le point de vue des victimes, victimes qui ne correspondent pas aux stéréotypes. Jessica a une force physique surhumaine, elle boit, elle aime faire l’amour. Trish est riche et célèbre… Elles ne sont pas de pauvres femmes attaquées dans un parking. Mais elles sont des victimes qui deviennent des survivantes … C’est leur liberté : choisir de survivre. Jessica Jones le dit dans le dernier épisode : « J’avais le choix, j’ai choisi de survivre ».

De plus notons que les scènes de viol sont hors caméra. On évite ainsi toute esthétisation et on permet aussi aux victimes de ne pas revivre le trauma, de pouvoir réfléchir.

Pour aller plus loin

On Jessica Jones, rape doesn’t need to be seen to be devastating – The Verge

Jessica Jones: shattering exploration of rape, addiction and control

Suárez Tomé, Danila; Rubien, Mariela; Miradas femeninas en pantalla: El caso Jessica Jones; Universidad de Ciencias Empresariales y Sociales; Verba Volant; 7; 2; 9-1-2018; 67-79

Shana MacDonald, “Refusing to Smile for the Patriarchy, Journal of the Fantastic in the Arts, Vol. 30, No. 1 (104) (2019), pp. 68-84 (17 pages).

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Interview – Christophe Furon : Les femmes pendant la Guerre de Cent ans

Nous recevons aujourd’hui Christophe Furon. Christophe Furon est agrégé d’histoire et docteur en histoire médiévale. Spécialiste de la Guerre de cent ans, il a consacré une grande partie de ses recherches aux compagnons d’armes de Jeanne d’Arc, Poton de Xantrailles et La Hire et a récemment publié Les écorcheurs : violence et pillage au Moyen Âge (1435-1445), aux éditions Arkhè.

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Avec lui, nous parlons de la place des femmes dans la Guerre de Cent ans et de l’état de la recherche en Histoire sur ces grandes oubliées que sont les femmes en général.

NB : Jeanne Hachette défend Beauvais contre les Bourguignons, pas les Français !


Pour aller plus loin

Astrid de Belleville« Jeanne de Belleville, la véritable histoire », Centre vendéen des recherches historiques, 2023.

Adrien Dubois, « Femmes dans la guerre (XIVe-XVe siècles) : un rôle caché par les sources ? », Tabularia, Les femmes et les actes, 2004, http://journals.openedition.org/tabularia/1595

Christophe Furon, « « Et libido precipitare consuevit » : viols de guerre à Soissons en 1414 », Questes, 37 | 2018, http://journals.openedition.org/questes/4452

Christophe Furon,  Les écorcheurs : violence et pillage au Moyen Âge (1435-1445), Arkhè, 2022. 

Louise Gay, « Bellatrices Reginae : les reines de France et d’Angleterre entre guerre et diplomatie (XIII e – XIV e siècle) » (thèse en cours de préparation à l’Université Sorbonne Paris Nord)

Monique Sommé, Isabelle de Portugal Duchesse de BourgogneUne femme au pouvoir au XVe siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998

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En cas de malheur, ne laissez pas Yvette mourir pour rien

You don’t own me/ Don’t say I can’t go with other boys. « You don’t own me », Lesley Gore (1963)

Le scandale du féminicide

En cas de malheur, le récit de Simenon fidèlement adapté à l’écran en 1958 par Claude Autant-Lara est scandaleux. Attendez que je vous explique pourquoi avant de me traiter de prude, de rétrograde ou de moraliste ! Je ne parle pas de scandale en raison des scènes de sexe explicites, de la nudité de Brigitte Bardot ou de l’adultère. Simenon a un scénario original, engagé et stimulant. Un avocat malhonnête, Gobillot, s’éprend d’une cliente prostituée, Yvette ; qui le trompe avec un étudiant idéaliste, Mazetti. Ce synopsis change du scénario classique de l’adultère et pose des questions pertinentes. Qui est le plus jaloux : le jeune idéaliste, le vieux désabusé ou son épouse modèle censée fermer les yeux ? Qui exploite qui ? Qui est responsable : les personnages, leurs parents, la société ? Une bonne critique sociale. Le dénouement néanmoins vient tout gâcher. En cas de malheur est scandaleux car c’est un récit qui tue une femme pour rien. Écoutez notre analyse dans notre podcast ou poursuivez la lecture.

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Brigitte Bardot dans le rôle d’Yvette, 1958.

Une femme de vingt ans qui meurt avant d’avoir vécu sa vie, c’est révoltant. Une femme innocente qui meurt, c’est enrageant. La mort d’Yvette permet de retourner à la situation initiale. Si la morale traditionnelle qui prône la fidélité et réprime la sexualité des femmes a un moment été défiée, elle finit par gagner. Yvette est comme punie pour avoir voulu vivre autrement. Une jeune femme innocente qui meurt pour rien sans que personne ne proteste, c’est scandaleux. À la fin du récit, le vieil amant « [continue] à défendre des crapules »(Simenon, 1989 [1956] : p.513), l’amant assassin n’a aucun remords et son avocat se démène pour lui éviter une lourde peine (Simenon, 1989 [1956] : p. 512-13). Le vieil amant aide d’ailleurs la défense de l’amant assassin…. L’écrivain peut conclure son récit et passer à autre chose. Et Yvette ? On l’enterre à la sauvette. Personne ne la plaint, personne ne la pleure, personne ne crie : « Plus jamais ça ». De même, avant sa mort, personne n’avait essayé de la protéger. La fin du roman n’est ni imprévisible ni inéluctable. La mort d’Yvette aurait pu être évitée car elle était annoncée. En cas de malheur illustre le continuum féminicidaire (Taraud, 2022).

Chronique d’une mort annoncée

Tout d’abord, des indices de la violence du meurtrier, Mazetti, sont données très tôt. Yvette se confie à Lucien Gobillot[1] : elle a peur de rentrer seule (Simenon, 1989 [1956] : p.450). Elle explique que son jeune amant la surveille et lui fait peur : « Dans l’état où il est, il est capable de tout » (Simenon, 1989 [1956] : p. 452). Yvette révèle que l’alcool le rend violent, elle ne termine pas sa phrase mais on comprend qu’il s’en est pris à elle physiquement lorsqu’il était ivre (Simenon, 1989 [1956] : p. 458). Face à ces informations, Gobillot ne s’inquiète pas pour Yvette mais pour lui. Quand Yvette dit « c’est que j’ai peur, surtout pour toi » (Simenon, 1989 [1956] : p. 451), il ne retient que la seconde partie de la phrase. Gobillot a peur que Mazetti l’agresse mais surtout qu’il parvienne à ses fins et le prive d’Yvette. Le jeune homme souhaite en effet qu’elle quitte Gobillot pour l’épouser (Simenon, 1989 [1956] : p. 452). Si Gobillot s’efforce d’isoler la jeune femme, c’est pour la garder pour lui. En effet, il aurait sans doute été plus prudent de l’éloigner de Paris.

Mais Gobillot est tout aussi possessif et jaloux que Mazetti. Il téléphone sans cesse à Yvette, passe ses nuits avec elle pour la surveiller (Simenon, 1989 [1956] : p. 469). Lorsqu’il organise son déménagement, il ne parle pas de sauvetage mais d’enlèvement. Il agit pour enlever Yvette à son rival et c’est pourquoi il lui interdit de sortir, un comportement qui n’est pas sans rappeler le narrateur de La Prisonnière de Proust (Pour en finir avec la passion, 2023 : chapitre 4). Gobillot confesse en effet une « passion pour Yvette », passion est à comprendre au sens d’addiction ou d’obsession : « je ne peux me passer d’elle » (Simenon, 1989 [1956] : p. 474). Malgré les indices, Gobillot est incapable de voir qu’Yvette est en danger car il est aveuglé par cette « passion pour Yvette » où celle-ci n’existe pas comme une personne. Lucien est le premier concerné par ce que Duras décrit chez les spectateurs de Bardot, l’interprète du rôle d’Yvette en 1958 : « Elle s’adresse chez l’homme, avant tout, à l’amour narcissique de lui-même. Si une femme comme celle-là m’était livrée, pense l’homme, je la ferais, jusqu’à la folie, à ma façon » (Duras, 2014 [1958] : p. 300). Gobillot ne pense qu’à son Yvette, celle dont il fait ce qu’il veut. Si la disparition d’Yvette compte si peu, c’est parce qu’elle n’est qu’un fantasme aux yeux de Gobillot, de l’écrivain et de beaucoup de spectateur.ices.

Yvette: évitée, abusée et assassinée

Gobillot confie que son attirance pour Yvette est sexuelle, même s’il ne s’explique pas tout à fait pourquoi il est plus attaché à elle qu’à ses précédentes maîtresses (Simenon, 1989 [1956] : p. 433, 472). « Yvette, comme la plupart des filles qui m’ont ému personnifie pour moi la femelle » (Simenon, 1989 [1956] : 473). Lucien ne dit pas qu’Yvette est une femelle mais qu’elle la « personnifie pour lui ». C’est son point de vue. Le récit de Simenon est en effet écrit à la première personne : le lectorat n’a donc accès qu’au point de vue de Gobillot et à l’Yvette qu’il fantasme. Celle-ci est une femelle disponible pour satisfaire « sa sexualité pure » (Simenon, 1989 [1956] : p. 472). Ainsi on retrouve dans le récit les clichés de la pornographie : la femme sans culotte qui écarte les jambes dès la première rencontre (Simenon, 1989 [1956] : p.421), la scène saphique et le plan à trois (Simenon, 1989 [1956] : p. 479). Ni Gobillot ni Simenon ne s’intéresse à la femme derrière le fantasme, Yvette est un personnage évité (Pour en finir avec la passion, 2023 : p. 64). On sait qu’elle a organisé un hold-up pour arrêter le trottoir. Fille de fonctionnaires, elle a un jour décider de « tenter [sa] chance à Paris » (Simenon, 1989 [1956] : p. 418-19). Quel était son plan initial ? Et pourquoi insiste-t-elle sur le fait qu’elle ne lit pas de romans mais les journaux ? Toutes les questions sur Yvette restent sans réponse, elle n’est pas le sujet de l’histoire, sujet au sens de thème mais aussi de personnage agissant. Annie Ernaux reconnait en Yvette celle qu’elle était en 1958 : une jeune femme franche dont les hommes abusaient car elle ignorait les règles du jeu de la « séduction » (Ernaux, 2018 [2016] : p.59).

Yvette est une femme abusée. Aucun de ses partenaires sexuels, ni les hommes qui se disent amoureux, ni les femmes qui se disent ses amies ne la protège et cela conduit à sa mort. Pour Simenon, la mort d’Yvette est un moyen de conclure son récit. Remarquons que c’est un moyen habituel de résoudre les passions amoureuses (Bayard, 2007 : p. 140). Yvette aurait pu s’enfuir avec Jeanine à la campagne, trouver un amant à la fois jeune et riche ou rentrer dans sa famille à Lyon. Ainsi, Gobillot aurait aussi été « délivré » de son obsession. Certes, il resterait une possibilité de la retrouver, mais l’écrivain aurait pu décider qu’il ne la chercherait pas. Choisir de tuer Yvette ou de la laisser en vie revient à juger ce qu’elle incarne. On sait peu de chose sur Yvette, mais elle incarne la liberté et le refus du destin traditionnel des femmes de la bourgeoisie. Elle refuse d’être la fille de ou la femme de , elle se bat pour survivre et surtout rester libre. Par exemple, elle organise le hold-up et quand celui-ci échoue, elle va chez un avocat réputé pour innocenter des criminels. Si Yvette sort vivante du récit, sa liberté, son non-conformisme sont saufs également, si elle meurt, elle est punie pour avoir voulu vivre autrement. Simone de Beauvoir remarque que les personnages de Brigitte Bardot remettent en cause le mythe de l’Éternel féminin (Beauvoir, 1959) : cela est vrai pour Yvette seulement si on ignore la fin, sa mort dont personne ne se soucie.

Mais notre indignation n’est-elle pas exagérée ? Aucune femme n’est véritablement tuée, En cas de malheur n’est qu’une fiction. « Quand bien même la fiction n’est pas le réel, la fiction agit directement sur le réel, et en partie au service de la société réelle. » (Pour en finir avec la passion, 2023 : 21). A force de voir mourir les femmes sans que personne ne proteste, on s’habitue et on proteste moins dans la vie réelle. A force de voir mourir des femmes qui revendiquent le droit à la liberté et au plaisir, on finit par croire qu’elles l’ont cherché. A force de voir des personnages féminins qui sont des fantasmes masculins, on prive les femmes de leur fantasme ou tout au moins d’exprimer leurs fantasmes (Chollet, 2021 : chapitre IV). Dans le récit de Simenon, la première personne indique au lectorat qu’il s’agit de la version de Gobillot. Dans le film, il n’est pas aussi évident de s’en rendre compte. Lorsque Brigitte Bardot dit qu’elle est une femelle, comment savoir que ce sont en fait les mots que l’écrivain a attribué à l’amant ? Le continuum féminicidaire, ce n’est pas seulement les indices de la violence du féminicide et l’inconscience de l’entourage, c’est aussi la société qui banalise les meurtres de femmes, même fictionnels (Taraud, 2022). Reste qu’on peut toujours lire Simenon aujourd’hui par antiphrase, ce que Christine de Pizan recommandait face aux écrits misogynes qui décrivaient des femmes qui n’existaient pas (Pizan, 2021 [1405]). En cas de malheur nous montre alors comment éviter un féminicide : en prenant au sérieux les menaces et la jalousie. Il nous encourage aussi à nous intéresser aux personnages féminins évités.

Bibliographie

BAYARD Pierre, 2007, Comment parler des livres qu’on n’a pas lus ?, Paris, Minuit.

BEAUVOIR Simone de, 1959, « Brigitte Bardot and the Lolita syndrome », Esquirre, https://classic.esquire.com/article/1959/8/1/brigitte-bardot-and-the-lolita-syndrome (consulté le 21 juin 2024)

CHOLLET Mona, 2021, Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles, Paris, La Découverte.

DELALE Sarah, PINEL Élodie & Marie-Pierre, 2023, Pour en finir avec la passion. L’abus en littérature, Paris, Amsterdam.

DURAS Marguerite 2014 [1958] , « La reine Bardot » dans Outside, Paris, Gallimard, p. 296-300.

ERNAUX Annie, 2018 [2016], Mémoire de fille, Paris, Gallimard.

PIZAN Christine de, La Cité des dames, 2021 [1405] Paris, Le Livre de poche.

SIMENON Georges, 1989 [1956], « En cas de malheur » dans Tout Simenon, tome 8, Paris, Presses de la cité, p. 407-413.

TARAUD Christelle, 2022, Féminicides. Une histoire mondiale, Paris, La Découverte.


[1] Dans le film, le personnage s’appelle André Gobillot.

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Interview de Nina Menkes

Une réalisatrice engagée

Nina Menkes est une réalisatrice qui est née à Jérusalem et a grandi en Californie. Elle enseigne au California Institute of the Arts à Santa Clarita. Nous avons découvert son travail grâce à son film documentaire Brainwashed: Sex-Camera-Power disponible sur Arte.

Elle nous fait l’honneur de nous parler des femmes sur l’écran et derrière la caméra ainsi que du langage visuel de l’oppression souvent résumé par l’expression male gaze.

Le male gaze

Comment vivent les réalisatrices à Hollywood ? C’est quoi le male gaze ? Vous voulez des exemples précis et enfin comprendre c’est quoi le problème avec le male gaze ? Peut-on filmer des scènes de sexe sans male gaze ? Pour répondre à ces questions, écoutez notre interview de Nina Menkes, la réalisatrice de Brainwashed: Sex-Camera-Power.

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Le documentaire de Nina Menkes est disponible en DVD.

Nina nous a épatées par ses réponses claires et sincères ainsi que ses exemples pertinents. Ses arguments sur le male gaze au cinéma nous ont rappelé les nôtres sur les points de vue confisqués en littérature dans Pour en finir avec la passion.

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nina menkes by ondrea barbe smile love

Pour aller plus loin

https://www.arte.tv/fr/videos/110260-000-A/brainwashed-le-sexisme-au-cinema/

https://www.champselyseesfilmfestival.com/2023/en/avant-premieres/movie-604-brainwashed-sex-camera-power

https://www.berlinale.de/de/2022/programm/202200805.html

Laura MULVEY, « Plaisir visuel et cinéma narratif » dans Au-delà du plaisir visuel, éd. Mimésis 2017 [1975].

Films cités en exemple dans l’interview par Nina Menkes :  Lost in translation de Sofia Coppola (2003), Magdalena Viraga de Nina Menkes (1986), Saint Omer d’Alice Diop (2022), Sans toit ni loi d’Agnès Varda (1985), Titane de Julia Ducourneau (2021)

Transcription et traduction

L’interview est en anglais: la traduction et la transcription sont disponibles ci-dessous. Erratum : Nina Menkes est née à Jérusalem.