[photopress:Shu_Belotti_cote_petites_filles.jpg,thumb,pp_image]En 1973, Elena Gianni Belotti publie une étude absolument novatrice tant par son sujet que par ses conclusions. Elle entend montrer que la différence sexuelle n’a rien d’inné mais qu’elle est construite dans les premières années de l’enfant, et même in utero, par les comportements des adultes, comportements qui varient en fonction du sexe de l’enfant et visent ainsi à faire se conformer le caractère et les actions des enfants aux stéréotypes de leur genre (petites filles sages, petits garçons actifs, petites filles maternelles, petits garçons courageux etc.). Ainsi un garçon passif sera incité à l’action, quand une petite fille passive sera encouragée dans cette voix…
Dans Quoi de neuf chez les filles ?, les sociologues Baudelot et Establet se proposent de se demander ce qui a changé depuis 1973. Ils se montrent plutôt optimistes, la société ayant en effet évolué depuis : aujourd’hui, les filles réussissent mieux à l’école, font des études, travaillent. Les parents ne sont plus aussi désireux d’avoir un garçon.
Mais les filles doivent faire face à des inégalités dans le monde du travail, et des stéréotypes demeurent. Les causes de ces inégalités et de ces stéréotypes ne sont pas clairement identifiées. Les sociologues refusent l’engagement clairement féministe de Belotti. Je trouve qu’implicitement ils donnent l’impression qu’il y aurait une différence irréductible entre les sexes et refusent la distinction entre le sexe et le genre…
Au détour du chapitre V, ils lancent une idée intéressante: partant de la remarque que garçons et filles ont maintenant leur premier rapport au même âge, ils s’interrogent sur la signification de cette réduction d’écart et notent que ce n’est peut-être moins le signe de l’émancipation des filles que celui d’un alignement sur le modèle masculin dominant… Cela m’a tout suite fait penser à Belotti: elle explique que les parents acceptent davantage que les filles se comportent comme des garçons, et c’est en effet cette tendance qui s’est accentuée comme le remarque Baudelot et Establet (on habille les filles en bleues, mais pas les garçons en rose…) : les femmes se sont mis à travailler comme les hommes, mais pas les hommes a faire les tâches ménagères des femmes…Or Belotti met en garde contre cette « masculinisation » des filles, cette tendance participant en effet à la dévalorisation de tout ce qui peut être féminin… Ainsi encourage-t-elle à développer l’affectivité des garçons (p. 67, éd. des femmes).
C’est cette idée qu’exploitent les féministes communautaristes en prônant la spécificité des femmes, en valorisant les qualités féminines… Nous en reparlerons sûrement avec Carol Giligan.
J’ai, pour ma part, tendance à me mettre du point de vue de l’individu… et pense ainsi que si des femmes ont voulu « faire comme les hommes » en matière de travail et de pensée, c’est parce que cela leur paraissait plus intéressant… Plus intéressant de disserter sur Descartes, d’écrire des poèmes ou de diriger une entreprise que de laver la vaisselle et passer l’aspirateur… Maintenant il ne me paraît pas impossible de préférer le contraire, et à mon avis il y a aussi des hommes dans ce cas. Donc, oui, développons l’affectivité des garçons pour leur permettre de choisir ce qui leur plaît et de ne pas être enfermé dans un stéréotype (mâle = viril = …).
Au final, je retrouve Butler : il y a des femmes avec des caractères masculins, des hommes avec des caractères féminins….