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[bio] Mme de Sévigné

sevigneMarie de Rabutin- Chantal naît à Paris le 5 février 1626.

Une éducation moderne. Orpheline très tôt – son père meurt quand elle a dix-huit mois, et sa mère quand elle a six ans, elle décrit cependant sa jeunesse comme heureuse. Elle sera élevée d’abord par ses grands-parents maternels puis par son oncle maternel Philippe de Coulanges, abbé de Livry. Elle reçoit une éducation moderne, sans latin ni rhétorique, mais apprend l’espagnol et l’italien. Elle devient une jeune fille spirituelle et séduisante, en plus d’une héritière solidement dotée.

Une brève expérience conjugale sans succès. Elle épouse à 18 ans le marquis de Sévigné, issu d’une vieille noblesse de Bretagne. Elle lui donnera deux enfants Françoise en 1646 et Charles en 1648. Il n’y a pas d’amour entre les deux époux et le marquis de Sévigné non seulement trompe sa femme mais se compromet dans ses affaires galantes. A la suite de l’une d’elle, il est tué dans un duel le 4 février 1651 par le chevalier d’Albret. Madame de Sévigné se retrouve veuve à vingt-cinq ans et prend le deuil. Elle passe quelques mois sur les terres de son mari, les Rochers, puis revient à Paris où elle vivra ordinairement jusqu’à sa mort, mis à part des voyages. Elle paraît à la Cour depuis sa jeunesse, mais ses relations avec Louis XIV ont toujours été quelque peu tendues. Son mari a soutenu les conjurés lors de la Fronde, elle est amie avec des hommes en disgrâce, Bussy et Foucquet ; elle interdit que sa fille devienne favorite

Amitiés. Madame de Sévigné fréquente l’hôtel de Rambouillet, puis le salon de Madeleine de Scudéry. Elle est bien entourée, notamment par Madame de Lafayette, La Rochefoucauld ou Pomponne. Très courtisée, surtout après la mort de son époux, elle ne cède à aucun de ses prétendants mais conserve avec eux des liens d’amitié. Parmi ces soupirants éconduits devenus amis fidèles, on compte son cousin Bussy et le surintendant Foucquet. Tous les deux vont placer la marquise dans un scandale. Bussy, tout d’abord, reproche à sa cousine de ne pas lui avancer une somme sur un héritage commun et se brouille avec elle en 1658. Il publie un portrait acide de sa cousine dans un roman à scandales. Plus grave est cependant le scandale dans lequel l’entraîne Foucquet. Après l’arrestation du surintendant à Nantes en 1661, sa correspondance est rendue publique. La rumeur d’une liaison avec la marquise de Sévigné circule à Paris et à la Cour. Bussy défendra sa cousine et se réconciliera ainsi avec elle. De plus, le Roi lit les lettres de la marquise : elle lui révèle son intégrité morale, mais surtout elles lui plaisent esthétiquement.

Un amour maternel déçu à la base d’une carrière littéraire. Madame de Sévigné a toujours écrit des lettres. C’est un moyen de communication habituel à l’époque. Mais ses premiers correspondants, parents ou amis, n’ont pas juger nécessaires de garder ses lettres, dont le but était seulement de communiquer. Madame de Sévigné elle-même ne confie-t-elle pas en 1649 qu’ »une heure de conversation vaut mieux que cinquante lettres »? (Chère Madame de Sévigné, R. Duchêne, p.48) C’est le départ de sa fille qui va opérer un tournant et faire des lettres de Madame de Sévigné des œuvres littéraires. Françoise de Sévigné, qui a toujours, hormis un bref séjour à la Visitation de Nantes, été élevée auprès de sa mère, doit en 1671 suivre son mari, le comte de Grignan, en Provence et quitter par conséquent sa mère. Celle-ci en est fortement affectée et se met à écrire régulièrement pour se consoler non seulement de l’absence de sa fille, mais de ce qu’elle appelle sa « froideur ». Madame de Grignan en effet ne semble pas retourner cette affection exclusive que sa mère lui porte, au point de la préférer dans son testament. Sur les 1120 lettres de Madame de Sévigné recensées aujourd’hui, 764 (soit 68%) s’adressent à sa fille.

Madame de Sévigné meurt à Grignan le 17 avril 1696.

Lettres

Une aventure éditoriale. Les lettres de Madame de Sévigné n’ont pas été publiées de son vivant. Certaines ont circulées, remarquées pour leur style et leur contenu. En 1697, ses réponses à des lettres de Bussy paraissent dans la correspondance de celui-ci. En 1725, quelques extraits de lettres à Madame de Grignan sont édités dans une plaquette. Deux volumes paraissent l’année suivante sous le patronage de la petite-fille de la marquise : il s’agit en fait de copies subreptices des lettres de la marquise réalisées par le fils ainé de Bussy. La petite-fille, Pauline de Simiane, fille de Madame de Grignan, vexée de l’utilisation abusive de son nom, confie alors à Denis-Marius Perrin la réalisation d’une édition officielle. Il publie ainsi 614 lettres en 1734 et 772 en 1754. Il s’agit de lettres tronquées par Pauline et remaniées par l’éditeur qui se pose pratiquement en co-auteur. En 1818 et en 1862, Monmerqué essaye de revenir aux originaux ; mais cela n’est vraiment possible que grâce à la découverte en 1873 par Capmas, un antiquaire, d’un lot de copies manuscrites. Ce manuscrit ne paraît intégralement qu’en 1953 dans la Pleiade (édition de Gérard Gailly), puis en 1973 (édition de Roger Duchêne).

Des textes estimés. Trois raisons ont porté à publier les lettres de Madame de Sévigné et à la distinguer ainsi de ses contemporains, qui eux aussi s’écrivaient. Les lettres de Madame de Sévigné :

* Constituent un témoignage historique sur les mœurs, mais aussi les événements historiques. L’historien peut par exemple y trouver des éléments sur les campagnes de Louis XIV, l’affaire des poisons, la vie à la Cour…
* Sont une œuvre moraliste. Mme de Sévigné sait remarquer les effets et les signes des caractères.
* Sont une œuvre littéraire. Mme de Sévigné sait imaginer et rendre. Son style est original et constitue une véritable création.

Bibliographie

Madame de Sévigné, Lettres, Garnier-Flammarion, 2006.

Duchêne Roger, Chère Madame de Sévigné, Découvertes Gallimard, 1995.

Bernet Anne, Madame de Sévigné, mère passion, Perrin, 2009.

Pour aller plus loin

http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Mme_de_Sevigne
http://www.alalettre.com/sevigne-oeuvres-lettres.php

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[bio] Immanuel Kant

kantImmanuel Kant naît le 22 avril 1724 à Königsberg dans une famille modeste. Il est le second de six enfants.

Formation. En 1732 après avoir appris à lire, écrire et compter dans une école de charité, il entre à l’Académie Royale et poursuit des études universitaires à Königsberg entre 1740 et 1746. Sa première œuvre date de 1746 et porte sur l’évaluation des forces vives. Elle relève à la fois des mathématiques et de la philosophie. Il devient précepteur dans différentes familles et donne des conférences privées. A cette occasion il est amené à sortir de Königsberg qu’il ne quittera plus une fois trouvé un emploi stable.

Professeur. En 1770, il se voit proposer un poste à l’université de Königsberg. Il occupe dans un premier temps la chair de mathématiques qu’il échange très vite contre celle de logique et métaphysique. Il enseignera jusqu’en 1796 à l’université. Il mène une vie solitaire et sédentaire consacré à l’étude. La légende veut qu’il n’ait modifié que deux fois le déroulement de sa journée : lors de la lecture de l’Emile de Rousseau et lors de l’annonce de la Révolution française. Il est respecté de ses étudiants et de ses confrères. Le philosophe Herder, un ancien lève, loue la vivacité de sa pédagogie : « Son cours ex cathedra était comme la plus passionnante des conversations. ».

La philosophie critique. Son entrée à l’université coïncide avec un tournant dans sa pensée. Jusqu’ici proche de Leibniz et Wolff, il va s’en démarquer et développer sa propre pensée. Il qualifie son entreprise de critique : il examine les pouvoirs de la raison et le domaine de leur exercice. Il se démarque des pensées de son temps par ce qu’il nomme  une « révolution copernicienne » : le sujet devient le centre de la connaissance à la place de l’objet. Il en résulte une condamnation de la métaphysique qui transforme des idées (Dieu, immortalité de l’âme…) en objets de connaissance, penchant naturel à combattre. La métaphysique doit se détourner de ces objets pour se tourner vers la morale. La critique de la raison pure paraît en 1781. L’œuvre est considérée comme l’acte de naissance du criticisme. La Critique de la raison pratique paraît en 1790 et la Critique de la faculté de juger en 1788. Madame de Staël dans De l’Allemagne résume ainsi l’entreprise de Kant en opposition au matérialisme : « Kant voulut rétablir les vérités primitives et l’activité spontanée de l’âme, la conscience dans la morale, et l’idéal dans les arts ».

L’anthropologie pragmatique. Dans son cours de logique publié en 1800 par Jäsche, Kant résume l’entreprise philosophique à quatre questions : 1) Que puis-je savoir ? 2) Que dois-je faire ? 3) Que m’est-il permis d’espérer ? 4) Qu’est-ce que l’homme ? La philosophie critique entreprend de répondre aux trois premières questions, mais la dernière relève de l’anthropologie.  Il faut cependant garder une vue d’ensemble car « les trois premières questions se rapportent à la dernière ». L’originalité de l’anthropologie kantienne est d’être pragmatique et non spéculative : elle est séparée de la métaphysique et cherche à déterminer la nature humaine intemporelle. C’est dans cette partie de la philosophie kantienne que l’on trouve les considérations sur les sexes : Anthropologie d’un point de vue pragmatique (1798); Métaphysique des mœurs (1797). ( Cf. Les Femmes de Platon à Derrida -anthologie de Françoise Collin, Evelyne Pisier et  Eleni Varikas- p. 356).

Kant meurt en 1804 à Königsberg. Son œuvre aura une influence considérable sur l’histoire des idées.

Sur la différence des sexes

Du vivant de Kant déjà, ses anciens élèves ont publié leurs notes de cours. Le philosophe lui-même s’est appuyé sur des notes d’étudiants pour rédiger son dernier ouvrage édité de son vivant Anthropologie d’un point de vue pragmatique (1798). Sept cahiers de notes de cours ont été à ce jour édités et la recherche de manuscrits n’est pas achevée.

Dans le manuscrit attribué à Friedländer se trouve un texte sur la différence des sexes. Kant y soutient un point de vue en accord avec son temps sur la répartition des rôles entre les hommes et les femmes. Il justifie cette répartition par la différence physique entre les deux sexes. Il déduit une complémentarité des rôles au sein de la société de la complémentarité des sexes dans la reproduction, seul but de la sexualité selon lui. D’autre part il voit dans le mariage la fin de la femme et le moyen d’y acquérir une position sociale. “C’est par le mariage que les femmes acquièrent leur valeur”.

Cette pensée a certes peu influencé les féministes, mais a alimenté un positionnement sexiste chez les philosophes. On peut cependant remarquer que la position kantienne sur la sexualité – comme quoi toute relation sexuelle chosifie le partenaire – développée dans la Métaphysique des mœurs, est parfois repris pour condamner la pornographie ou la prostitution.

Pour aller plus loin

DE QUINCEY Thomas, Les derniers jours d’Emmanuel Kant, Mille et une nuits, 1996 [1897].

PHILOMENKO Alexis, L’œuvre de Kant, Vrin 1981.

http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Emmanuel_Kant

Bibliographie

KANT, Sur la différence des sexes, Payot et Rivages, 2006.

KANT, Qu’est-ce que les Lumières ?, GF Flammarion, 1991.

KANT, Métaphysique des mœurs, tome II, GF Flammarion, 1994.

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[bio] Pierre Bourdieu

pierre bourdieuPierre Bourdieu naît en 1930 à Denguin dans les Pyrénées-Atlantique.

De la philosophie à la sociologie.  Interne au lycée Louis-Barthou de Pau, Bourdieu est un bon élève, admis après son baccalauréat en classe préparatoire littéraire à Louis-le-Grand à Paris en 1948 puis à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm. Il choisit la philosophie comme dominante mais s’inscrit contre les courants « dominants » à l’époque en s’intéressant à la philosophie de l’histoire et à l’épistémologie enseignée par Bachelard et Canguilhem. Il soutient en 1953 un mémoire sur les Animadversiones de Leibniz sous la direction d’Henri Gouhier et obtient l’année suivante l’agrégation de philosophie. Il décide alors de soutenir une thèse sous la direction de Canguilhem tout en enseignant au lycée de Moulins. En 1955, il est rappelé à ses obligations militaires. D’abord affecté au service psychologique des armées à Versailles, il est muté, sans doute pour des raisons disciplinaires, en Algérie pour deux ans à l’issue desquelles il abandonne sa thèse. Il souhaite en effet poursuivre ses études en Algérie et occupe de 1958 à 1960 un poste d’assistant à la Faculté des Lettres d’Alger. Cette période algérienne va le tourner vers la sociologie. Il conduit plusieurs séries de travaux qui conduisent à l’écriture de plusieurs ouvrages : Sociologie de l’Algérie ; Travail et travailleurs algériens en collaboration avec Alain Darbel, Jean-Paul Rivet et Claude Seibel ; Le Déracinement en collaboration avec Abdelmalek Sayad. Même lorsqu’il ne l’étudie pas directement, l’Algérie reste présente dans son œuvre. Ainsi en 1998 dans la Domination masculine, il propose une analyse des mécanismes de reproduction de la domination masculine dans la société kabyle traditionnelle.

Il épouse en 1962 Marie-Claire Brisard avec laquelle il a trois enfants. Il s’installe avec sa famille à Antony et entame une carrière de sociologue, universitaire et chercheur.

Une carrière prestigieuse. Il intègre en 1964 l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales et publie les Héritiers en collaboration avec Jean-Claude Passeron. L’ouvrage rencontre un grand succès et met Bourdieu sur le devant de la scène sociologique française. L’année suivant paraît Un Art moyen qui inaugure une série de travaux portant sur les pratiques culturelles : L’amour de l’Art en 1966, La Distinction : critique sociale du jugement. En 1968 il prend position dans les mouvements sociaux et rompt avec Raymond Aron. Il fonde le Centre de Sociologie de l’éducation et de la culture et publie en collaboration avec jean-Claude Passeron et Jean-Claude Chamboredon Le Métier de Sociologue. Ses concepts (habitus, champs, violence symbolique) et son projet de dépasser les oppositions conceptuelles fondatrices de la sociologie, notamment entre structuralisme et constructivisme, interpellent et séduisent par les avancées qu’ils permettent. Dans les années 1970 les travaux de Bourdieu commencent à gagner une reconnaissance internationale, dans le monde anglo-saxon tout d’abord, puis au Japon et en Allemagne. Il devient professeur du Collège de France en 1981, puis en 1985 directeur du Centre de sociologie européenne. Le CNRS lui accorde la médaille d’or en 1993 ; c’est la première fois que le centre prime un sociologue.

Editeur. En parallèle à cette carrière, Pierre Bourdieu conduit des travaux d’édition. En 1964, il devient directeur de la collection le sens commun aux Editions de Minuit. En 1992, il met fin à cette collaboration au profit du Seuil.  Ce travail d’éditeur lui permet de publier ses livres et ceux de ses élèves ou collaborateurs ainsi que des classiques de la philosophie ou des sciences sociales qui ont joué un rôle dans la construction de sa pensée. Il crée également en 1975 la revue Actes de la recherche en sciences sociales qu’il dirigera jusqu’à sa mort. Il y rend compte de ses travaux et de ceux de ses élèves. Cette revue innove par sa mise en page, son format et l’importance accordée aux illustrations.  En 1995, il crée une maison d’édition, Raisons d’agir, qui publient des travaux critiquant le néolibéralisme.

Engagement et controverses. A partir des années 1980, Bourdieu s’implique dans la vie publique et devient à partir de 1990 une figure médiatique qui s’engage dans tous les conflits en dénonçant le néolibéralisme et le désengagement de l’Etat. Il devient alors une des figures du mouvement altermondialiste qui se met alors en place.  Ses interventions et ses prises de position se retrouvent dans Contre-feux et la Misère du monde. Son engagement lui vaut une grande renommée dépassant largement le milieu universitaire mais il est également l’objet de vives critiques et l’objet de controverses.

Il meurt le 23 janvier 2002 à l’hôpital Saint Antoine à Paris. Il laisse un ouvrage inachevé sur le peintre Edgar Manet.

La domination masculine

Rédaction. L’ouvrage paraît en 1998 au moment du débat sur la parité hommes/ femmes en politique.  Bourdieu y soutient que « Le monde social construit le corps comme réalité sexuée et comme dépositaire de principes de vision et de division sexuants ». On justifie la différence des sexes par le biologique, mais en fait, c’est l’inverse : c’est le social qui construit le biologique. Les femmes adhèrent à ce phénomène : « La violence symbolique s’institue par l’intermédiaire de l’adhésion que le dominé ne peut ne pas accorder au dominant (donc à la domination) » ; Bourdieu renvoie dos à dos les courants féministes : ils ignorent l’effet de structure et les limites de la conscience. Il faut pour changer les choses en profondeur reconnaître que la volonté des sujets est insuffisante car l’inégalité des sexes relève de l’habitus.

Réception de l’œuvre. La domination masculine obtient dès sa sortie un succès populaire et médiatique. Chez les féministes par contre, la réaction est mitigée. En 1999, Beate Kras, Marie Duru-Bellat, Michelle Perrot et Yves Sintomer publient une réponse à Bourdieu dans Travail, genre et sociétés. Ils reprochent à l’ouvrage d’apporter peu aux travaux des chercheurs féministes et surtout de les ignorer. De plus ils reprochent à Bourdieu une erreur méthodologique : il oublie sa position de dominant.

Bibliographie

La domination masculine, Points seuil, 1998.

Pour aller plus loin

http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/bourdieu/

http://www.mouvements.info/La-critique-feministe-et-La.html

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[bio] Elisabeth Badinter

badinter_elisabethElisabeth Badinter naît Bleustein-Blanchet le 5 mars 1944 à Boulogne-Billancourt (92), est  mariée et mère de trois enfants.

Une philosophe spécialiste du XVIIIème siècle. Agrégée de philosophie, Elisabeth Badinter a été maître des conférences à l’Ecole polytechnique et a publié de nombreux ouvrages sur le siècle des Lumières. Elle s’est notamment intéressée à Condorcet (Condorcet, un intellectuel en politique, 1988) à Mmes du Châtelet et d’Epinay (Emilie, Emilie, 1983) dont elle a préfacé certains ouvrages. Elle est aussi l’auteure d’une histoire du siècle des Lumières en 3 tomes : Les Passions intellectuelles parues entre 1999 et 2007.

Une féministe controversée. Elisabeth Badinter se considère féministe. En 1980 dans L’Amour en plus : histoire de l’amour maternel, elle dénonce le préjugé selon lequel il existerait un instinct maternel. C’est un de ses arguments majeurs pour se prononcer en faveur de la gestation pour autrui. Elle défend la thèse de la ressemblance entre les hommes et les femmes et soutient que toutes les politiques de la différence sont source de discrimination et d’inégalité. En vertu de cette conception, elle défend la laïcité républicaine, s’est opposée au port du voile à l’école et à la loi sur la parité, arguant que les femmes pouvaient réussir par elle-même. Quand, en juin 2008, un mariage est annulé par le parquet de Lille parce que l’épouse a menti sur sa virginité, elle s’est indignée : « La sexualité des femmes et une affaire privée et libre ». Cependant elle est controversée au sein des féministes qui ne partagent pas toutes sa vision de la féminité et des relations entre les deux sexes. Cela est particulièrement visible lors de la parution de son essai Fausse route en 2003.

Une héritière engagée. Elisabeth Badinter est présidente du conseil de surveillance de Publicis depuis 1996. Elle est également la deuxième actionnaire du groupe, elle a hérité ses parts de son père, fondateur du groupe. Elle figure parmi les 500 premières fortunes de France. Elle est également membre du comité de parrainage de la Coordination Française pour la décennie de la culture, de la paix et de la non violence.

Fausse route

Rédaction. L’essai paraît en 2003. Elisabeth Badinter y soutient la thèse selon laquelle le féminisme français des années 60-70 a fait fausse route en suivant des influences américaines qui l’ont conduit à poser les femmes en éternelles victimes de la domination masculine et en éternelles ennemies du sexe prétendu fort. Elle regrette que l’on ignore systématiquement le pouvoir et la puissance des femmes et regrette que l’on manipule les statistiques pour en faire des victimes. Elle regrette également que le législateur suive cette tendance.

Réception. L’essai a fait l’objet de réactions opposées. La presse loue le courage de Badinter, tandis que beaucoup de féministes l’accusent de trahison. Elles reprochent à Badinter la partialité et la légèreté de ses sources. Il semble que ce que Badinter appelle « féminisme » est en fait une caricature d’un courant féministe américain et qu’elle ignore la diversité des mouvements et de leurs actions. Les féministes lui reproche également de relayer des arguments antiféministes et de céder à des critiques faciles.

Bibliographie sélective

Fausse route, Odile Jacob, 2003.

Pour aller plus loin

Élisabeth Badinter dénature le féminisme pour mieux le combattre (par Élaine Audet, Sysiphe, 29 septembre 2003)

La réaction des Chiennes de garde (25 mai 2003)

Un féminisme bien tempéré (par Arnaud Spire, L’Humanité, 28 mai 2003)

Un article de Marie-Pierre Tachet sur le dernier ouvrage d’E. Badinter, Le conflit

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[bio] Marcela Iacub

MIMarcela Iacub naît en 1964 à Buenos Aires. Elle est mariée au philosophe Patrice Maniglier et déclare n’avoir jamais désiré d’enfants.

Une juriste du corps. Elle suit des études de droit et devient en 1985 la plus jeune avocate du barreau de Buenos Aires, spécialisée dans le droit du travail. Elle refuse de rejoindre le cabinet de son père. En 1989, grâce à une bourse d’études, elle vient vivre à Paris, étudie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et se spécialise dans l’histoire juridique du corps, vaste sujet qui l’amène à s’interroger sur des questions bioéthiques, féministes ou morales. Après un mémoire de DEA dirigé par Yan Thomas, elle s’engage dans une thèse de doctorat sous la direction du professeur Antoine Lyon-Caen.

Une chercheuse polémiste et sujet de polémique. Elle devient ensuite chercheuse au CNRS et membre associée au Centre d’étude des normes juridiques de l’EHESS. Elle a publié trois essais en 2002 (Le crime était presque sexuel et autres essais de casuistique juridique, Penser les droits de la naissance Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle ?) puis en 2004, L’Empire du ventre ; et en 2005 en collaboration avec son mari Antimanuel d’éducation sexuelle. Elle a ensuite exprimé ses idées par le biais de la fiction avec Aimer tue en 2005 et Une journée dans la vie de Lionel Jospin en 2006. Elle retrouve l’essai en 2008 pour exposer son travail sur la pudeur, Par le trou de la serrure. Une histoire de la pudeur publique, XIX-XXIe siècle. Ses positions sur le droit à la prostitution, l’adoption par les homosexuels ou la gestation pour autrui dérangent d’autant plus qu’elles s’appuient sur l’analyse précise de cas juridiques. Ses ouvrages et ses interventions sont toujours fortement médiatisés et sonnent souvent comme une provocation volontaire. Dans ces articles, notamment dans la chronique qu’elle tient dans Libération (textes regroupés en 2005 dans Bêtes et victimes et autres chroniques de Libération chez Stock), elle choisit les mots qui choquent. Parmi ses pairs on lui reproche d’être trop bruyante.

Une féministe controversée. Marcela Iacub se définit comme féministe, mais elle critique le féminisme français qu’elle juge trop moralisateur car il demande toujours une extension de la répression pénale. « Le féminisme français s’est compromis, perdu. Il ne rend plus service aux femmes. Au contraire, il les victimise et les enferme dans leurs spécificités.» écrit-elle dans Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle ? Elle s’attire ainsi les foudres de tout un courant féministe qui lui reproche de nier les crimes faits aux femmes et de vouloir obliger les femmes à se taire.

L’empire du ventre

L’essai paraît en 2004. Il part du constat que la maternité et la paternité loin d’être naturels sont des relations juridiques. Pour être père ou mère, il faut remplir les conditions qu’exige le droit. Celles-ci varient d’ailleurs en fonction des pays et des époques. Ce n’est que récemment en France qu’on en est arrivé à la définition de la maternité par l’accouchement. On a loué cela comme un progrès et on a décrié le code Napoléon qui faisait l’apologie du mariage et du père de famille. Cependant c’était aussi le triomphe de la volonté sur la nature d’où la possibilité de supposer ou de substituer un enfant à condition de l’élever comme son enfant et dans le cadre du mariage. Aujourd’hui les femmes ont perdu la liberté de devenir mère sans accoucher et l’ouvrage essaye d’expliquer pourquoi.

Réception. L’essai a fait l’objet de réactions opposées. Loué comme une avancée dans la lutte pour la libération des femmes par les uns, hué comme un réquisitoire contre la grossesse par les autres, il n’a peut-être pas reçu la place qu’il méritait dans le débat sur la gestation pour autrui.

Bibliographie sélective

L’empire du ventre, Fayard, 2004.

Pour aller plus loin :

http://endehors.org/news/marcella-iacub-et-le-feminisme-libertaire

http://www.editions-fayard.fr/auteur/fayard-auteur-000000032517-iacub-marcela-biographie-bibliographie.html

http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2088/articles/a255137-qui_a_peur_de_marcela_iacub.html

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[bio] Elisabeth Badinter

badinter_elisabethElisabeth Badinter naît Bleustein-Blanchet le 5 mars 1944 à Boulogne-Billancourt (92), est  mariée et mère de trois enfants.

Une philosophe spécialiste du XVIIIème siècle. Agrégée de philosophie, Elisabeth Badinter a été maître des conférences à l’Ecole polytechnique et a publié de nombreux ouvrages sur le siècle des Lumières. Elle s’est notamment intéressée à Condorcet (Condorcet, un intellectuel en politique, 1988) à Mmes du Châtelet et d’Epinay (Emilie, Emilie, 1983) dont elle a préfacé certains ouvrages. Elle est aussi l’auteure d’une histoire du siècle des Lumières en 3 tomes : Les Passions intellectuelles parues entre 1999 et 2007.

Une féministe controversée. Elisabeth Badinter se considère féministe. En 1980 dans L’Amour en plus : histoire de l’amour maternel, elle dénonce le préjugé selon lequel il existerait un instinct maternel. C’est un de ses arguments majeurs pour se prononcer en faveur de la gestation pour autrui. Elle défend la thèse de la ressemblance entre les hommes et les femmes et soutient que toutes les politiques de la différence sont source de discrimination et d’inégalité. En vertu de cette conception, elle défend la laïcité républicaine, s’est opposée au port du voile à l’école et à la loi sur la parité, arguant que les femmes pouvaient réussir par elle-même. Quand, en juin 2008, un mariage est annulé par le parquet de Lille parce que l’épouse a menti sur sa virginité, elle s’est indignée : « La sexualité des femmes et une affaire privée et libre ». Cependant elle est controversée au sein des féministes qui ne partagent pas toutes sa vision de la féminité et des relations entre les deux sexes. Cela est particulièrement visible lors de la parution de son essai Fausse route en 2003.

Une héritière engagée. Elisabeth Badinter est présidente du conseil de surveillance de Publicis depuis 1996. Elle est également la deuxième actionnaire du groupe, elle a hérité ses parts de son père, fondateur du groupe. Elle figure parmi les 500 premières fortunes de France. Elle est également membre du comité de parrainage de la Coordination Française pour la décennie de la culture, de la paix et de la non violence.

Fausse route

Rédaction. L’essai paraît en 2003. Elisabeth Badinter y soutient la thèse selon laquelle le féminisme français des années 60-70 a fait fausse route en suivant des influences américaines qui l’ont conduit à poser les femmes en éternelles victimes de la domination masculine et en éternelles ennemies du sexe prétendu fort. Elle regrette que l’on ignore systématiquement le pouvoir et la puissance des femmes et regrette que l’on manipule les statistiques pour en faire des victimes. Elle regrette également que le législateur suive cette tendance.

Réception. L’essai a fait l’objet de réactions opposées. La presse loue le courage de Badinter, tandis que beaucoup de féministes l’accusent de trahison. Elles reprochent à Badinter la partialité et la légèreté de ses sources. Il semble que ce que Badinter appelle « féminisme » est en fait une caricature d’un courant féministe américain et qu’elle ignore la diversité des mouvements et de leurs actions. Les féministes lui reproche également de relayer des arguments antiféministes et de céder à des critiques faciles.

Bibliographie sélective

Fausse route, Odile Jacob, 2003.

Pour aller plus loin

Élisabeth Badinter dénature le féminisme pour mieux le combattre (par Élaine Audet, Sysiphe, 29 septembre 2003)

La réaction des Chiennes de garde (25 mai 2003)

Un féminisme bien tempéré (par Arnaud Spire, L’Humanité, 28 mai 2003)

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[bio] Christian Baudelot & Roger Establet

christian-baudelot-roger-establet_0Christian Baudelot et Roger Establet sont nés en 1938 et sont anciens élèves de l’Ecole Normale Supérieurs.

Ils obtiennent l’agrégation à un an d’intervalle : Establet décroche l’agrégation de philosophie en 1962, Baudelot celle de lettres classiques en 1963. Elèves d’Althusser, le début de leur carrière est fortement influencé par le marxisme qui les conduit à la sociologie. Ils sont tous les deux titulaires d’un doctorat dans cette matière.

Ils collaborent à la réalisation de nombreuses études depuis les années 1970 et publient ensemble leurs conclusions. Ils se sont particulièrement intéressés au suicide (Durkheim et le suicide, 1984 ; Suicide. L’envers de notre monde, 2006) et à l’école (L’école primaire divise 1974 ; Le niveau monte 1989, L’élitisme républicain 2009)

Quoi de neuf chez les filles ?

Intentions des auteurs. L’ouvrage de Elena Gianni Belotti a connu un grand retentissement à sa publication en 1973 car il révélait l’influence des déterminants sociaux sur les rôles masculins et féminins. Les auteurs se sont demandés si la situation avait évolué depuis.

Conclusions. Les parents continuent à se comporter différemment en fonction du sexe de leur enfant, de même que les éducateurs. Cependant la situation des filles s’est améliorée du fait de l’évolution de la société (mixité, explosion du travail féminin…). Elles affichent une meilleure réussite scolaire que les garçons et disposent de plus de liberté dans la construction de leur identité. Des domaines longtemps réservés aux garçons leur sont désormais ouverts. Les garçons par contre peinent à conquérir les domaines « féminins »… Les auteurs encouragent l’évolution en cours et se montrent optimistes. Ils interrogent également l’objectif recherché : veut-on de l’ « unisexe » à tous les niveaux ? Ils engagent à ne pas confondre différences et inégalités.

Contribution de l’ouvrage à la pensée féministe. L’ouvrage vient confirmer les revendications des féministes en matière d’accès des filles aux filières prestigieuses et aux postes à responsabilités. Il confirme également la survivance de stéréotype de genres et décrit ce qui peut être perçu comme une « masculinisation » de la société. Ce qui est considéré comme « féminin » continue d’être dévalorisé, y compris par les jeunes filles elles-mêmes qui aspirent à se conformer au modèle masculin dominant.

Bibliographie

BAUDELOT- ESTABLET, Allez les filles !, Le Seuil, 1992.

BAUDELOT-ESTABLET, Quoi de neuf chez les filles, Nathan, 2007.

BELOTTI Elena Gianni, Du côté des petites filles, Des Femmes, 1994 (1973).

Pour aller plus loin

http://elias.ens.fr/~baudelot/

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[bio] Susan Moller Okin

[photopress:memres_okin600.jpg,thumb,pp_image]Susan Moller Okin naît en 1946 à Auckland en Nouvelle-Zélande. Divorcée de Bob Okin, elle a deux enfants, Laura et Justin.

Une philosophe féministe. Licenciée de l’université d’Auckland, elle obtient un master en philosophie à Oxford en 1970, puis un doctorat à Harvard en 1975. Elle se tourne alors vers l’enseignement et la recherche universitaire. Elle enseignera à Auckland puis aux Etats-Unis à Vassar (New-York), Brandeis (Massachussetts), Harvard (Massachusetts) et à partir de 1990 à Stanford (Californie). Elle y sera directrice du programme « l’Ethique dans la société » de 1993 à 1996. Ses travaux se concentrent sur la question du genre et la politique. Elle est considérée comme la première à avoir lié ces deux domaines. Elle montre que la question du genre est au cœur de la philosophie politique et reproche aux philosophes présents et passés de l’avoir toujours tenue à la marge voire même de l’avoir exclue. Ses deux ouvrages parus en 1979 et en 1989, Women in Western Political Thought et Justice gender familymarquent des tournants aussi bien pour la pensée féministe que pour la pensée politique. La famille ne peut plus être exclue d’une réflexion sur la justice, de même que la question de l’égalité hommes-femmes au sein de cette institution.

Une féministe engagée. A la fin de sa vie, Moller Okin prête attention aux revendications des femmes dans les pays les moins développés. Ses recherches se concentrent sur le genre, le développement économique et les droits des femmes à la fin du vingtième siècle. En 1999 elle publie Is multiculturalism Bad for women ? où elle montre que les droits des femmes doivent primer sur ceux de certaines cultures. Elle laisse la parole à plusieurs contributeurs, y compris des opposants. Elle s’engage dans une association de San Francisco Le Fonds mondial pour les femmes (Global Fund for women) qui octroie des dons à des organisations luttant pour l’éducation des filles, l’élimination des violences contre les femmes ou l’élimination des violences sexistes. En janvier 2004, elle voyage en Inde à l’occasion du Forum social international à Mumbai.

Une philosophe, une enseignante, une femme reconnue. Au cours de sa carrière Moller Okin a reçu de nombreuses récompenses pour ses recherches et son enseignement. A sa mort, le 3 mars 2004, les hommages se multiplient. Les étudiants saluent une professeure attentive et passionnante, les professeurs de Stanford une collègue honnête et loyale, les philosophes ses recherches innovantes. En 2004 elle envisageait d’étudier la biologie évolutionnaire d’un point de vue féministe. Elle voulait également publier un nouveau recueil sur la question du multiculturalisme.

Justice, Gender and The Family

Rédaction. L’essai paraît en 1989. Moller Okin y défend cette thèse : « Until there is justice within the family, women will not be able to gain equality in politics, at work or in any other sphere » (Tant qu’il n’y aura pas de justice au sein de la famille, les femmes ne pourront pas obtenir l’égalité en politique, au travail ou dans n’importe quel autre domaine). Toute la société est construite sur une proposition implicite : les travailleurs ont des femmes à la maison pour prendre soin des soucis domestiques. Tant que l’on en n’aura pas pris conscience, les choses ne pourront pas changer pour les femmes. Pour l’instant, on fait comme s’ils étaient égaux, mais ce n’est pas vrai. C’est quand le couple se sépare que toute l’injustice cachée derrière des motifs rationnels apparaît.

Réception. L’ouvrage a connu un grand retentissement au près des philosophes et du grand public parce qu’il contient des idées nouvelles, mais aussi parce qu’il s’inscrit dans le débat sur la justice soulevé dans les années 80 à la suite de la publication de Theory of justice de John Rawls. Moller Okin montre que tous les philosophes, en particulier ses contemporains, ont traité la question en sujet masculin et ont oublié cette prémisse. La conséquence de cette fausse neutralité en matière de genre a été de négliger la question de la famille, de la rejeter dans la sphère privée. Elle reprend la théorie de Rawls en y introduisant la question du genre et en déduit qu’il faut poser la question de la justice au sein de la famille. Rawls reverra d’ailleurs sa théorie dans les années 90 en prenant en considération la critique de Moller Okin. Le livre a reçu le prix Victoria Schuck de l’Association Américaine de Science Politique du meilleur livre sur les femmes et la politique de l’année 1989.

Féminisme. Les féministes ont salué l’importante contribution de l’ouvrage aux combats des femmes pour l’égalité des droits. Elles ont plus particulièrement retenu ses propositions concrètes d’interventions politiques : crèches d’entreprise, études du soir, congé parental partagé entre les deux parents…

Traduction française. L’ouvrage n’a été traduit en France qu’en 2008. Il est paru chez Flammarion dans la collection « Champ Essai ».

Bibliographie
Justice, Gender and the Family, Susan Moller Okin, Basic Books, 1991.
Toward a humanist Justice : the political philosophy of Susan Moller Okin, Debra SATZ, Rob REICH, Oxford University Press, 2009.

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[bio] Honore de Balzac

balzac1Honoré de Balzac naît à Tours le 1er prairial de l’an VII (20 mai 1799).

Apprentissage. Il entre au collège des Oratoriens de Vendôme en 1807 où il étudie jusqu’en 1813. En 1814 la famille Balzac monte à Paris et Honoré fréquente la pension royaliste Lepître, puis est mis en pension chez l’abbé Ganser tout en suivant les cours du lycée Charlemagne. Il finit ses études secondaires en 1816 et s’inscrit à la faculté de droit dans le but de devenir notaire. Il commence parallèlement à travailler comme petit clerc chez un avocat puis un tabellion. En 1819 il est bachelier en droit. La famille déménage à Villeparisis en raison de difficultés financières. Honoré refuse de suivre ses parents avec qui il négocie deux années de sursis pour faire ses preuves dans le monde des lettres. Il s’installe donc dans une mansarde près de la Bastille où il doit vivre avec quatre francs par jour. Il écrit une pièce de théâtre, Cromwell, mais un ami de la famille, critique, la juge ennuyeuse. L’avenir littéraire de Balzac semble compromis.

Il décide alors de se lancer dans le roman. Son modèle est le romancier britannique Walter Scott. Il écrit beaucoup et publie sous des pseudonymes. Dans une lettre à sa sœur Laure, il qualifie lui-même ses premières productions de « cochonneries ». Elles vont cependant contribuer à sa formation d’écrivain et lui permettre de progresser tant au niveau du style qu’au niveau du contenu.  Quand il se sent prêt, il signe de son vrai nom. En 1829, il publie en avril Le dernier Chouan ou la Bretagne en 1800 puis en décembre la Physiologie du mariage.

L’éternel endetté amoureux. En 1825 il se lance dans l’édition et achète une imprimerie en 1826.  C’est un échec qui l’endette. Toute sa vie, même lorsque son activité littéraire sera à son apogée, Balzac sera poursuivi par les créanciers. En 1836, il doit fuir Paris et se cacher. Il mène une vie mondaine au-dessus de ses moyens et se laisse entraîner dans des aventures coûteuses, comme cette aventure immobilière entre 1837 et 1840.

En 1822 alors qu’il commence à peine sa carrière littéraire, il se lie d’amitié avec Laure Berny de vingt-deux ans son ainée qui l’écoute et le soutient. Ils partageront ainsi une amitié sensuelle pendant dix ans. Toute sa vie Balzac recherchera cette figure maternelle auprès des femmes, sans doute parce qu’enfant, il s’est senti abandonné par la sienne. La plus importante de ces amitiés amoureuses commence en 1832. Balzac reçoit une lettre d’une admiratrice ukrainienne signée « l’Etrangère ». Il s’agit de Mme Hanska de qui il va s’éprendre passionnément dès leur première rencontre en 1834. Il devra cependant attendre le décès de son époux en 1842 pour qu’elle l’autorise à l’aimer et encore huit ans pour qu’elle accepte de l’épouser. Le mariage est célébré le 14 mars 1850, cinq mois avant la mort du romancier.

Un travailleur infatigable. Dès ses œuvres de jeunesse, on peut remarquer la très grande capacité de travail de Balzac. Petit à petit il s’installe dans une routine de forçat : ses journées commencent à minuit et il passe huit heures à écrire avant de commencer à traiter le courrier, à corriger les épreuves ou à fréquenter le monde. En plus de son importante production littéraire, des réécritures et des corrections qui épuisent les typographes, il a depuis 1823 des activités de journaliste s’affirmant de plus en plus en faveur du parti légitimiste. En 1839, il essaye de défendre Peytel, un notaire accusé d’un double meurtre et condamné à mort. Il s’attache également à la défense de la propriété littéraire et rédige en 1840 un Code littéraire qui servira, après sa mort, de base aux textes de loi instaurant la protection du droit d’auteur. Son mode de vie cependant contribuera à dégrader sa santé prématurément.

La Comédie Humaine

En 1831 Balzac publie la Peau de Chagrin. Pendant dix ans, il va travailler sans relâche à ce qu’il appellera en 1842 La Comédie Humaine, une fresque peignant la société française de l’époque dans son ensemble, aussi bien la société parisienne que la vie provinciale, les riches que les pauvres, les hommes que les femmes. « J’ai entrepris l’histoire de toute la Société. J’ai exprimé souvent mon plan dans cette seule phrase : une génération est un drame à quatre ou cinq mille personnages saillants. Ce drame, c’est mon livre. » (Lettre à Hippolyte de Castille, 11 octobre 1846). Il sait son projet ambitieux ; il écrit à Mme Hanska en 1844 : «Quatre hommes auront eu une vie immense : Napoléon, Cuvier, O’Connell, et je veux être le quatrième. Le premier a vécu de la vie de l’Europe ; il s’est inoculé des armées ; le second a épousé le globe ; le troisième s’est incarné un peuple ; moi, j’aurai porté une société toute entière dans ma tête». Tous les romans de Balzac participent à la Comédie Humaine, d’où le principe de la réapparition de personnages d’un roman à l’autre. En 1835 dans le Père Goriot, Balzac fait appel à des personnages utilisés en 1833. C’est un tournant dans sa carrière : le roman est un succès, le projet est lancé. Ses meilleurs romans sont à venir.

Il meurt le 18 août 1850 à Paris.

Les Chouans

Le roman est publié pour la première fois en 1829 sous le titre Le dernier Chouan ou la Bretagne en 1800. Il sera réédité et remanié deux fois du vivant de l’auteur : en 1834 sous le titre Les Chouans ou la Bretagne en 1799, puis en 1845 dans le tome XIII de la Comédie Humaine dans la section Scènes de la vie militaire. Les remaniements de l’auteur ont pour but à la fois d’intégrer l’œuvre au projet de la Comédie Humaine et d’alléger le roman d’effets romantiques, il s’éloigne ainsi de son projet initial de roman historique à la Walter Scott. La psychologie du personnage de Marie de Verneuil s’en trouve affinée.

Le roman raconte la tragique histoire d’amour entre le chef de l’insurrection chouanne et Marie de Verneuil, espionne à la solde des républicains.

En 1829 la critique n’accueille pas favorablement le roman. Elle reproche à Balzac une intrigue embrouillée et un style luxuriant. Elle reconnaît cependant une certaine originalité et s’étonne de procédés inédits. Le roman se vend mal.

Par la suite, le roman a été étudié dans l’optique de saisir la genèse de la Comédie Humaine  et du style balzacien ou dans le cadre d’études sur les romans historiques.

La critique féministe s’est intéressée aux personnages balzaciens dans la mesure où il décrivait fidèlement la condition féminine notamment dans le mariage.

Bibliographie

Les Chouans, livre de poche, 1972

LUCEY M, Les ratés de la famille, Fayard, 2008.

Pour aller plus loin :

http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=6837

http://hbalzac.free.fr/comedie.php

http://www.paris-france.org/musees/balzac/furne/presentation.htm

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[bio] Boris Jitkov

[photopress:Jitkov.JPG,thumb,pp_image]Boris Jitkov naît en 1882 près de Nogorov dans le nord de la Russie dans une famille juive aisée. Son père est professeur de mathématiques et sa mère musicienne. Il hérite des deux et sera ainsi passionné et de sciences et de violon. Sa famille s’installe bientôt à Odessa où il fréquente une école privée française, puis le lycée.
Lutte contre l’antisémitisme. Il se lie d’amitié avec le futur écrivain Tchoukovski et le futur leader de l’organisation sioniste mondiale Vladimir Jabotinski. En 1905, Jitkov armera un groupe de défense contre les pogroms et fabriquera des bombes. La dénonciation de l’antisémitisme est ainsi présente dans Viktor Vavitch.
Passions et carrière. Il se passionne pour la photographie et la navigation, ses amis remarquent ses talents de conteur. Il étudie les mathématiques et la chimie à Novorossük puis la construction navale à Saint Petersbourg. Il part ensuite sillonner les mers après l’obtention d’un diplôme d’ingénieur et d’un diplôme de navigateur. Lors de la première guerre mondiale il réceptionne les moteurs anglais pour les sous-marins russes. Après la révolution de 1917, il enseigne les mathématiques et le dessin industriel dans les universités ouvrières.
Un héros de la littérature pour la jeunesse. En 1923, Tchoukovski le pousse à écrire. Il publie l’année suivante un recueil de nouvelles Sur l’eau qui rencontre un succès immédiat. Il devient très vite un grand nom de la littérature jeunesse. Il collabore à nombreuses revues et ses récits sont encore publiés de nos jours. Un seul ouvrage est disponible en français: Les Marins fantômes chez Gallimard Jeunesse. Jitkov emménage à Moscou en 1934 et y meurt quatre ans plus tard.
Viktor Vavitch
Une saga russe. Le roman dresse le portrait de plusieurs personnages qui se croisent durant la révolution de 1905. Viktor Vavitch s’engage dans la police pour épouser Grounia et contrarie ainsi son père. Il est zélé et ambitieux mais ne parvient à rien si ce n’est à se compromettre et à verser dans l’antisémitisme. Sa sœur Taïnka amoureuse d’un flûtiste juif tombera elle dans la folie. Bachkine, après avoir été torturé par la police se retrouve dans une position d’espion auprès de la famille du banquier Tiktine. Nadienka, la fille, amoureuse d’un ouvrier et marxiste s’active, mais les anarchistes comme Aliochka se montrent plus actifs. Sanka, le fils Tiktine, engagé dans la révolution sans réelle conviction tombe amoureux de Tania, une camarade engagée de sa sœur…
Le roman a été écrit entre 1929 et 1934. La révolution de 1905 y est donc envisagée à la lumière de celle de 1917. Ce n’est pas la version officielle du régime stalinien. Les historiens reconnaissent cependant aujourd’hui que celle-ci était fausse et penchent pour celle de Jitkov : les bolcheviks ne furent pas les principaux artisans de la révolution de 1905.
Une œuvre censurée. Certains chapitres de Viktor Vavitch sont publiés en 1932 et des témoignages des contemporains de Jitkov expliquent que ce projet occupe l’essentiel du temps de l’auteur. Cependant après 1934 la peur des purges staliniennes rend Jitkov et ses proches silencieux. Le roman ne figure pas dans la biographie officielle de l’auteur parue en 1955. Le roman a pourtant obtenu une autorisation de publication en 1941. Mais, alors que les exemplaires sont imprimés, l’Union des écrivains condamne le roman comme « inconvenant » et « inutile ». Les exemplaires ne sont pas distribués et le roman tombe dans l’oubli. Des exemplaires sont cependant conservés et il est enfin publié en 1999.
Réception. En 1999, le roman rencontre un certain succès mais la condition du livre est difficile en Russie et il est tiré en peu d’exemplaires. La critique le range aussitôt au côté des grands romans russes comme Guerre et Paix, Vie et destin ou encore le Docteur Jivago, dont l’auteur, Boris Paternak, considérait Viktor Vavitch comme le « meilleur roman sur la révolution de 1905 ».
Si le travail d’historien de Jitkov et les libertés prises par rapport aux canons du réalisme socialiste sont mis en avant, c’est surtout l’originalité de l’écriture qui est remarquée. Jitkov réussit en effet à narrer le destin d’une douzaine de personnages sans recourir à la description. Son style peut être qualifié de cinématographique : les scènes se succèdent, le contexte historique se dessine en toile de fond sans jamais être explicité.
Les traducteurs français Anne Coldefy-Faucard et Jacques Catteau ont été distingués le 17 janvier 2009 à Paris par une mention spéciale de la troisième édition du Prix Russophonie.
Bibliographie sélective
Viktor Vavitch, Calman-Lévy, Paris, 2008.

Blumenfeld Samuel, « L’épopée russe de Boris Jitkov », Le Monde, 19 septembre 2008.