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[club] C. Gilligan, In a different voice – Ce livre est-il à sa place?

[photopress:gilligan_flammarion.jpg,thumb,pp_image]Dans un premier temps, je dirai non. C’est un livre qui s’inscrit dans un débat précis en psychologie. Et selon moi c’est d’abord un livre de philo morale (j’aurais bien aimé l’avoir lu en deuxième année pour le cours de Bruno…)  il interroge de manière stimulantes les théories classiques et modernes…

Mais dans un second temps, je pense qu’il a sa place ici car

1)Il permet de penser la différence sans mettre en compétition. Ce que Gilligan refuse c’est de dire que jack a raison, et Amy tort, qu’il y a qu’une seule façon d’envisager les questions morales, ou que l’une témoigne d’un développement supérieur à l’autre. Ce sont justes de façon différente.

2) Ce livre est aussitôt qualifié de féminisme parce qu’il est écrit par une femme et parle des femmes. Mais dans l’ouvrage, il ne me semble pas que Gilligan ait l’intention de se positionner ainsi. Pas exactement, en tout cas. il me semble qu’elle se contente de pointer une différence. C’est aussi ce qui amène à des réserves sur le livre et les interprétations qui en ont été faits. J’y reviendrais. Là je veux simplement dire que ce livre est une illustration d’un problème : les femmes qui écrivent sur les femmes sont féministes, les hommes qui écrivent sur les hommes sont philosophes…

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[club] C. Gilligan, In a different voice – Réserves

[photopress:LOGO_FEM.gif,thumb,pp_image]Il faut à mon avis être prudent avec ce livre.

Gilligan a une méthode purement empirique. Une méthode de psychologue. elle a réalisé des interviews auprès d’un panel et elle en a tiré des conclusions. Maintenant peut-on généraliser? Notons que les interviews ont été réalisé à un moment particulier (des femmes se posant la question de l’avortement) sur une question exclusivement féminine (elle aurait pu par exemple choisir une même question et la poserà des hommes et à des femmes).

D’autre part ne dit pas qu’elle met en avant une différence essentielle. Elle est peut-être due aux différences d’éducation  entre les sexes, ou à la différence de relation à la mère. Elle ne dit pas pourquoi elle observe cette différence entre les hommes et les femmes. D’ailleurs rien ne dit qu’on ne pourrait pas trouver des hommes pratiquant l’éthique de la sollicitude.

Donc je pense qu’il faut noter que le débat qui a suivi la publication du livre est le fait du radicalisation des propos de Gilligan : et si cette différence qu’elle pointe était essentielle? Et si les femmes étaient plus faites pour la sollicitude? Jo March aurait-elle donc raison de finir par se ranger et fonder une famille?

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[club] Mme d’Epinay – Du mariage

L’exemple de Mme de Montbrillant et de ses proches nous montre (à nouveau) que le mariage dans la noblesse au XVIIIème siècle est d’abord une question d’argent, qu’il laisse peu de liberté à l’épouse si ce n’est dans l’adultère. Elle n’a en principe même pas le loisir d’élever ses enfants. p. 396 « la liberté que les femmes n’acquièrent presque jamais et qui est pourtant le plus précieux de tous les avantages ».

Il montre aussi un fait relevé par plusieurs historiens (notamment Jean Baechler dans Le règne des femmes) : c’est la décadence des hommes de la noblesse qui permet aux femmes de la noblesse de s’émanciper. Ainsi c’est parce que son mari est indigne, débauché et dépensier, que mme de Montbrillant finit par s’émanciper.

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[club] Mme d’Epinay – Maternité

Suffit-il d’être mère pour être totalement épanouie quand on est femme ?

L’exemple de Madame de Montbrillant nous montre que non.

Même si elle passe beaucoup temps à parler de ses enfants et à se réjouir de se consacrer à leur éducation, elle est plusieurs fois interrompue dans ce projet, et elle fait autre chose.

De plus l’attitude de Madame de Montbrillant à l’égard de ses enfants change. Dans un premier temps, ils ne sont qu’une occupation (P.405), puis ils occupent toute son âme p. 540 : « Je commençais à m’occuper sérieusement de mes enfans. Ils ne sont plus pour moi un simple délassement, ils occupent mon âme toute entière. ». Il n’y a donc rien d’inné dans la relation mère-enfant.

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[club] Mme d’Epinay – Chacun chez soi

Les femmes chez Mme d’Epinay apparaissent avoir droit à la liberté et à l’égalité tout comme les hommes. Cependant cette liberté et leur intelligence semblent devoir s’exercer dans la sphère privée. Mme de Montbrillant se consacre au soin des enfants et des personnes âgées. Mme de Montbrillant n’entend pas conquérir les mêmes domaines que ses amis masculins. Je pense que c’est pour cela qu’elle ne prétend à aucune carrière littéraire. Elle voit la littérature comme étant du domaine des hommes.

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[club] Mme d’Epinay – La dictature de la réputation

L’ouvrage illustre à quel point la réputation comptait pour les femmes et même les tyrannisait. Chaque étape de la vie de Madame de Montbrilliant fait l’objet de rumeurs et de médisances. Elle-même a peur de ce qu’on pourrait penser d’elle, c’est ce qui en partie la retient d’être infidèle puis la conduit à vivre retirée du monde.

p.917 : « Il est donc vrai que je fais l’histoire du jour et que je suis en butte à tous les mauvais propos, aux interprétations, aux injustices, aux plaisanteries ? »

Je trouve intéressant cette importance de la réputation pour deux raisons :

1) Rousseau insiste sur l’importance de la réputation des femmes, plus importante que la réalité. « L’homme, en bien faisant, ne dépend que de lui-même, et  peut braver le jugement public ; mais la femme, en bien faisant, n’a fait que la moitié de sa tâche, et ce que l’on pense d’elle ne lui importe pas moins que ce qu’elle est en effet ».

2) Beaucoup de jeunes filles de milieux populaires et de quartiers sensibles témoignent aujourd’hui de l’importance de la réputation. « Avoir une réputation » est parfois chez les adolescents synonyme de mort sociale, mais aussi cause de violences sexistes.

La réputation est donc un moyen d’abaisser, d’asservir les femmes

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[club] Rousseau – Le sexe de la raison

Il y a à lire Rousseau trois catégories : l’humain, le mâle, la femelle. L’homme est à la fois humain et mâle. La femme n’est que femelle. « tout ce qu’ils ont de commun est de l’espèce et tout ce qu’ils ont différent est du sexe » p265.« Le mâle n’est mâle qu’en certains instants, la femelle toute sa vie, ou du moins toute sa jeunesse ; tout la rappelle sans cesse à son sexe » p. 267. Donc pour Rousseau la femme n’est pas humaine, mais seulement femelle…

La femme ne participe à la raison, donc la raison ne relève pas de l’espèce, mais du sexe. La raison est masculine…

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[bio] Denis Diderot

diderotDenis Diderot naît en 1713 à Langres.

Le fils prodigue. Son père est maître coutelier et appartient aux notables de la ville. Il destine son fils au clergé. Il lui paye des études chez les jésuites de la ville puis à Paris à Louis-le-Grand et au collège d’Harcourt. Diderot déçoit les ambitions de son père en abandonnant la théologie, puis le notariat pour une carrière plus incertaine de philosophe. En 1737, son père lui coupe les vivres. Diderot gagne sa vie en exerçant le métier de précepteur et de traducteur. Il continue à décevoir son père en épousant en 1743 Antoinette Champion, lingère. Son père l’avait fait enfermer dans un monastère pour éviter cette union, mais il a réussi à s’échapper. Le ménage ne sera pas heureux, mais aura quatre enfants dont une seule fille grandira, Angélique née en 1753.

Des débuts sulfureux. Diderot fréquente le milieu des penseurs et des écrivains. Il se lie notamment avec Rousseau et Condillac. Il publie les Pensées philosophiques en 1746 et écrit la Promenade du sceptique en 1747. Il hésite entre déisme, spinozisme et matérialisme. C’est vers ce dernier qu’il va définitivement pencher dans la Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient publiée en 1749 et aussitôt censurée. Il est emprisonné trois mois à Vincennes. Cette condamnation le marquera toute sa vie et l’incitera à la prudence. Ainsi, la trilogie qui expose sa philosophie matérialiste et ses conséquences sur la morale, Entretien entre d’Alembert et Diderot, Le Rêve de d’Alembert, et La suite de l’entretien ne paraîtront qu’après sa mort.

L’Encyclopédie. La publication de l’Encyclopédie occupe la vie de Diderot de 1751, date de la parution du premier volume, à 1766, date de la parution du dernier volume. Il pilote le projet avec d’Alembert et rédige de nombreux articles. Sa contribution est difficile à évaluer car tous les articles ne sont pas signés. Cette fois encore Diderot est marqué par la censure qui frappe l’oeuvre. En 1759, la parution est suspendue et D’Alembert abandonne le projet. La publication se poursuit clandestinement mais peut officiellement reprendre en 1762. Diderot est vivement déçu en découvrant en 1764 que son libraire Le Breton a lui-même censuré de nombreux articles. Sur le plan privé, cette période est marquée par deux rencontres celle de Sophie Volland en 1755, qui restera en plus d’une amante une amie fidèle, et celle de Madame d’Epinay en 1756. En 1758, il rompt avec Rousseau à qui il ne pardonne pas de se désolidariser des autres encyclopédistes à une période où ils sont critiqués de toutes parts.

Le critique d’art. Diderot s’intéresse de prêt à l’art. Il écrit en 1752 l’article « Beau » de l’Encyclopédie. Il s’intéresse à la musique. Il collabore avec Rameau à la rédaction de la Démonstration du principe de l’harmonie. Il se penche également sur le théâtre (Discours sur la poésie dramatique, Paradoxe du comédien) et le roman (Eloge de Richardson). Il est reconnu pour son goût en peinture et acquiert au nom de l’impératrice Catherine II de Russie plusieurs tableaux. Il publie neuf comptes-rendus des Salons qui se tiennent tous les deux ans dans la Cour Carrée du Louvres (1759-1771,1775,1780). Il est ainsi considéré comme l’un des pionniers de la critique d’art. Il admire particulièrement Vernet, La Tour, Chardin, Greuze et David. Il développe une théorie de l’art comme traduction de la nature.

Le conseiller politique. En 1762, Catherine II achète en viager la bibliothèque de Diderot afin qu’il puisse et la conserver et jouir d’une rente. Il est régulièrement invité par la souveraine à Saint-Pétersbourg où elle entend profiter de ses conseils éclairés. Il ne cède à l’invitation qu’au bout de onze ans et séjourne en Russie de juin 1773 à octobre 1774. Diderot ne se fait aucune illusion sur le despotisme, qu’il soit ou non éclairé, et croit beaucoup en l’éducation. La tsarine ne suivra pas ses conseils (Observations sur le Nakaz, 1774 ; Plan d’une université, 1775). A la fin de sa vie, il suit les changements : l’arrivée de Louis XVI au pouvoir, les réformes de Turgot, la révolution américaine (Apostrophe aux Insurgents, 1778).

Le sage. A la fin de sa vie, Diderot relit Sénèque (Essai sur la vie de Sénèque ouEssai sur les règnes de Claude et de Néron) et revient sur les interrogations que la paternité a fait jaillir en lui. Il a en effet choisi de marier sa fille et de l’élever dans la religion catholique, deux institutions auxquelles il ne croit pas. L’éducation de sa fille, de même que la censure dont il a été victime, l’a en effet confronté à l’opposition entre la société et la morale qu’il pense juste et qu’il expose notamment dans Les trois contes moraux. Il a remarqué qu’il était difficile de s’opposer aux normes de la société. Il a donc choisi la liberté du sage qui, sans s’abstenir de penser, sait s’abstenir de parler et d’écrire. Diderot s’est seulement abstenu de publier. A la fin de sa vie, il met de l’ordre dans ses papiers et recopie ses œuvres en vue d’une publication posthume. Ainsi la plupart des œuvres aujourd’hui les plus célèbres de Diderot n’ont pas été éditées de son vivant. Elles ont parfois été diffusées dans la Correspondance littéraire, mais cette revue avait un tirage restreint à une douzaine d’exemplaire : La Religieuse, le Neveu de rameau, Jacques le Fataliste et son maître, Les trois contes moraux…

Il meurt à Paris en 1784.

La Religieuse

Le roman est un récit à la première personne adressée par Suzanne Simonin, une religieuse qui s’est échappée de son couvent, au marquis de Croismare de qui elle attend de l’aide. Elle lui raconte comment elle a été forcée à prendre le voile par ses parents et combien elle a souffert depuis (torture, viol…).

Genèse et publication. La religieuse est un personnage de fiction, tandis que le marquis de Croismare est un personnage réel. En 1760, Diderot, Grimm et quelques amis montent un canular contre celui-là dans le but de le faire revenir à Paris. Ils rédigent et envoient des lettres d’une fausse religieuse en fuite au marquis. Grimm révèle la farce en 1770 dans la Correspondance littéraire, texte qui deviendra la Préface de la Religieuse. La farce ne dure que quatre mois, de février à mai 1760, mais Diderot en tire l’argument d’un roman qu’il rédige entre 1762 et 1780. Il le fait alors lire aux lecteurs de laCorrespondance littéraire. Il est publié de manière posthume en 1796.

Réception de l’œuvre. L’œuvre paraît sous le Directoire en plein dans le débat sur la responsabilité des philosophes vis-à-vis de la Terreur. La Religieuseillustre l’anticléricalisme. Mais elle est surtout l’objet d’un débat esthétique sur sa vraisemblance d’une part (est-ce une satire ou la réalité ?), sur sa bienséance d’autre part, en raison de la mise en scène de l’homosexualité.

L’œuvre a donné lieu à beaucoup d’études sur sa genèse et sur ses apports au genre romanesque, notamment en parallèle avec Jacques le fataliste et son maître. Elle a également nourri des réflexions sur l’autobiographie. D’autre part, des études soulignent les thèmes féministes de l’œuvre.

Jacques Rivette décide d’adapter le roman au cinéma en 1962. Il se heurte à la censure pendant trois ans. Le tournage a finalement lieu en 1965 avec Anna Karina dans le rôle titre. Sa sortie est interdite sous la pression d’associations religieuses. Elle est finalement autorisée par Malraux, ministre de la culture sous le titre Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot. Le cinéaste a déclaré s’inscrire dans le combat des femmes pour leur émancipation, plutôt que dans une perspective anticléricale (Cf. Suzanne Simonin ou la Religieuse : Jacques Rivette de Valérie Vignaux, Céfal, 2005.)

Bibliographie

D. Diderot, La Religieuse, Garnier-Flammarion.

LEPAPE Pierre, Diderot, Flammarion, 1991.

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[bio] Judith Butler

Judith Butler naît le 24 février 1956 à Cleveland (Ohio, USA) dans une famille juive.

butlerFormation à l’école des préjugés et des philosophes. Judith Butler se décrit comme une enfant indisciplinée et curieuse. Dans le documentaire français réalisé en 2006 par Paule Zadjermann, elle confie avoir été marquée par la volonté d’intégration de sa famille qui s’appliquait à se conformer à l’image hollywoodienne de la famille américaine. « Peut-être la théorie de Trouble dans le genre est-elle issue de mon effort pour comprendre comment ma famille incarnait les normes hollywoodiennes ou ne les incarnait pas. ». A l’adolescence, la découverte de son homosexualité a d’abord été un choc. Le regard porté par sa famille et la société sur son homosexualité constitue un autre élément déterminant dans l’évolution de sa pensée. A cela il faut ajouter sa découverte de la philosophie à 14 ans par l’intermédiaire de deux ouvrages trouvés dans la cave de ses parents. « Le premier, c’était Ou bien… Ou bien de Kierkegaard, et l’autre, l’Ethique de Spinoza. Je pensais qu’avec ces lectures, j’apprendrais à contrôler mes émotions adolescentes » (Interview à Libération, 28 mai 2005). Elle choisit plus tard des études de philosophie à Yale où elle soutient sa thèse en 1984, Subjects of Desire : Hegelian Reflections in Twentieth-Century France, publiée en 1987. Elle se tourne alors vers l’enseignement et la recherche. Elle enseigne dans les universités Wesleyan (Connecticut) et Johns Hopkins (Maryland) avant de décrocher la chair Maxine Eliot de rhétorique et de littérature comparée à Berkeley(Californie).

Recherches. Elle se fait connaître de ses pairs et des féministes en publiant en 1990 Gender Trouble (Trouble dans le genre) qui pose les jalons de sa théorie en matière de genre et de langage et renouvelle les débats dans ces deux domaines. Elle s’appuie sur les pensées de Beauvoir, d’Austin, de Derrida, de Foucault et de Lacan. Elle poursuit cette réflexion en 1993 dans Bodies That Matter : On the discursive limits of « Sex » (Ces corps qui comptent : de la matérialité et des limites discursives du « sexe » »), reprise critique de Gender Trouble, puis en 1997 dans The Psychic Life of Power : Theories of Subjection et Excitable Speech. Elle oriente ensuite ses recherches vers la philosophie morale. Dans Antigone’s claim : Kinship between Life and Death (Antigone : la parenté Entre Vie et Mort) en 2000, elle fait de l’héroïne de Sophocle une figure du trouble dans la parenté interrogeant la norme hétérosexuelle de la famille, issue d’une psychanalyse qui a préféré se construire autour d’Œdipe. En 2004 elle publie Precarious life : Powers of Violence and Mourning ainsi que Undoing gender (Défaire le genre) qui reprend les questions du genre, du sexe et de la sexualité en les ancrant dans l’actualité. En 2005 elle traite des limites de la connaissance de soi ainsi que la relation entre la construction du sujet et l’obligation éthique dans Giving an Account of oneself (Le récit de soi). Elle est élue membre de l’American philosophical society en 2007. Ses travaux les plus récents se concentrent sur la philosophie juive et les guerres aujourd’hui. En 2009 elle publie Frames of War : when Life is grievable. Elle espère pouvoir bientôt écrire un ouvrage sur les paraboles de Kafka.

Engagements. Judith Butler s’engage également dans les débats politiques contemporains en opposition au gouvernement Bush ou en faveur de la cause palestinienne. Elle est considérée comme une des principales porte-paroles du mouvement gay et lesbien. Elle milite en faveur du mariage homosexuel, de l’homoparentalité. Elle-même élève un garçon avec sa compagne Wendy Brown, professeure de philosophie politique. Malgré l’importance de son œuvre dans la théorie queer, elle ne se range pas parmi ce mouvement. Elle refuse en effet une séparation totale entre l’analyse du genre et l’analyse de la sexualité. Avant tout Judith Butler se définit comme une féministe : « I would say that I’m a feminist theorist before I’m a queer theorist or a gay and lesbian theorist. My commitments to feminism are probably my primary commitments. » (http://www.theory.org.uk/but-int1.htm).

Trouble dans le genre (Gender Trouble)

L’essai paraît aux Etats-Unis en 1990. Butler y soutient une thèse novatrice sur le genre : il est performatif, il n’a pas d’original. En matière de genre, il n’y a que des imitations. La philosophe illustre cette thèse par l’exemple du drag-queen (p.261) : « En imitant le genre, le drag révèle implicitement la structure imitative du genre lui-même ainsi que sa contingence ».

Réception et mauvaises interprétations. L’ouvrage connaît un grand retentissement. Il est pour beaucoup dans le développement des gender studies et de la théorie queer. Il est vendu à plus de 100 000 exemplaires dans le monde. Fayard a cependant refusé de le traduire au motif qu’il était « inassimilable » pour le public français. L’ouvrage ne paraîtra en France qu’en 2005, bénéficiant d’une forte reconnaissance des philosophes et des féministes.

Les thèses de l’ouvrage font dès sa parution l’objet de mauvaises interprétations obligeant l’auteure à des précisions dans Bodies That Matter : On the discursive limits of « Sex » (Ces corps qui comptent : de la matérialité et des limites discursives du « sexe » ») paru en 1993. La philosophe refuse l’interprétation volontariste de son œuvre et se défend contre ceux qui l’accusent de nier la matérialité du corps. Elle revient tout d’abord sur son exemple devenu célèbre du drag-queen qui a été élevé à tort au rang de paradigme : on ne change pas de genre comme on change de costume. Ensuite la philosophe reconnaît avoir écarté trop vite la catégorie du sexe et revient sur la place de la contrainte dans sa construction.

Portée féministe. Dans la philosophie féministe, l’ouvrage marque un tournant parfois qualifié de « poststructuraliste ». Il n’y a pas chez Butler de sujet fort. Elle remet donc en cause l’existence d’un sujet collectif du féminisme. « Nous avons été plusieurs à utiliser le post-structuralisme pour nous opposer aux politiques identitaires. Toutes les expériences humaines ne peuvent être réduites à notre seul statut de femme, d’autant que cette identité est floue et instable. » explique la philosophe à L’Express le 6 juin 2005.

Bibliographie

Trouble dans le genre, La Découverte, 2005.

Ces corps qui comptent, Amsterdam, 2009.

Antigone : la Parenté entre Vie et Mort, Epel, 2003.

Pour aller plus loin

http://rhetoric.berkeley.edu/faculty_bios/judith_butler.html
http://www.egs.edu/faculty/butler.html

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[bio] Mlle de Scudéry

ClélieMadeleine de Scudéry naît au Havre le 15 novembre 1607. Orpheline à six ans, elle est élevée par un des ses oncles, un ecclésiastique et reçoit une éducation érudite.

Au centre de la vie intellectuelle parisienne. Elle séjourne pour la première fois à Paris chez son frère en 1635 et s’y installe définitivement en 1638. En 1644 elle suivra son frère à Marseille, mais ils reviendront dans la capitale en 1647. Dès son premier séjour parisien, elle est reçue par Madame de Rambouillet qui tient le salon le plus en vogue dans le monde des lettres. A partir de 1651, Madeleine tiendra elle-même un salon réputé qui prend le relais de celui de Madame de Rambouillet qui meurt en 1659. Les « samedis de Mademoiselle de Scudéry » réunissent des personnalités comme la Rochefoucault, Chapelain, Pomponne ou Pellisson mais aussi des femmes de lettres comme Mesdames de Lafayette et de Sévigné. Christine de Suède y sera également reçue en 1656 et restera une correspondante fidèle de Madeleine de Scudéry. On s’y livre à des tournois politiques ou on y tient des conversations galantes et spirituelles, on critique les ouvrages et les spectacles à la mode. Les ouvrages de Madeleine de Scudéry permettent de se faire une idée de l’ambiance de ses samedis car ils mettent en scène ces conversations sur l’amour, l’amitié ou l’art. Madeleine de Scudéry surnommée Sappho joue le rôle d’animatrice, d’incitatrice et de muse. Elle incarne avec ses invités le courant précieux, et plus encore l’esprit d’une époque. La Fronde, événement politique majeur au milieu du siècle est fort présent dans son œuvre, de même que les préoccupations morales et artistiques de ses contemporains. Son influence sur la vie artistique et philosophique du temps est réelle. Elle témoigne également du retrait des femmes dans la sphère privée et pose la question du mariage, qu’elle refusera toujours. Elle est en 1671 la première femme à recevoir le prix de l’éloquence de l’Académie Française pour son Discours de la Gloire. Elle est également élue en 1684 sous le nom de l’Universelle à l’Académie Ricovrati de Padoue qui posait au XVIIème la question de la participation des femmes à la vie politique. Elle est reçue en audience particulière par Louis XIV en 1683 et il lui accorde une pension. En 1695, il fera frapper une médaille à son effigie.

Publications cachées. Madeleine de Scudéry ne publie pas ses romans sous son nom, mais sous celui de son frère George, auteur des Femmes illustres. Il s’agit de romans en plusieurs volumes qui cachent sous les personnages historiques ou de fiction des contemporains et où les rebondissements de l’intrigue sont prétextes à des conversations de qualité entre les personnages. Les deux plus célèbres sont Artamène ou le Grand Cyrus (1649-53) qui donnera à Scudéry son surnom de Sappho et Clélie, histoire romaine (1654-1660) qui contient la Carte du Tendre, métaphore du sentiment amoureux, passée depuis à la postérité. Elle abandonne le roman pour devenir moraliste, suivant ainsi l’évolution de son époque devenue critique à l’égard de la préciosité. Elle publie des Conversations en 1680 et1684 où elle traite de la politesse, de la galanterie, de la jalousie, de la raillerie et du discernement. En 1686 et en 1688, elle écrit de nouvelles conversations à la demande de Madame de Maintenon qui les destine aux maîtresses de Saint-Cyr.

Elle meurt le 2 juin 1701 à Paris. « Il sufit d’annoncer la mort de Damoiselle Madeleine de Scudéry, pour faire entendre par ce seul mot que la France vient de perdre un des plus grans ornemens qu’elle eût, & qu’elle aura jamais » dit l’éloge publiée par l’abbé Bosquillon dans le Journal des savans du mois de juillet de l’année 1701.

Clélie, histoire romaine.

Le roman comprend dix volumes publiés entre 1654 et 1660. Il raconte les amours de Clélie et Aronce, qui, après de nombreuses péripéties seront réunis. Le prétexte historique qui cadre leurs aventures est la guerre de Tarquin contre Rome, mais leurs aventures sont souvent l’occasion d’explorer les liens entre amour, amitié et tendresse. Plusieurs récits inscrits à l’intérieur du récit principal (ou récits enchâssés) le permettent.

L’œuvre suscite l’engouement des contemporains qui s’amusent à reconnaître les personnages réels derrière les figures de fiction et apprécient la profondeur des discussions. Cependant Clélie n’est pas épargnée par la critique montante dont fait l’objet la préciosité à cette époque.

Le roman, victime du procès fait à la préciosité et des changements de goûts, passe ensuite à l’oubli. La Carte du Tendre, représentation topographique et allégorique de l’amour, lui garantit cependant la postérité. Cette carte continue de figurer dans les manuels d’histoire littéraire et à illustrer la préciosité. Il est bien sûr très réducteur de ne retenir de Clélie que cette carte et d’y résumer, a fortiori, toute la préciosité : en 2006, Delphine Denis redonne une chance au roman et à Mademoiselle de Scudéry en publiant une version abrégée en poche de l’œuvre.

Bibliographie

Clélie, histoire romaine, Gallimard, édition de Delphine Denis, 2006.

Pour aller plus loin

http://www.bibliotheque-mazarine.fr/exposcudery/exposcudery1.htm