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[club] Zola-Mauriac – La bête humaine

carneLes deux Thérèse sont présentées par leur auteur comme des créatures étranges, bestiale dans le cas de Thérèse Raquin, monstrueuse dans celui de Thérèse Desqueyroux. Mais dans les deux cas, elles emportent l’empathie du narrateur, et du lecteur :

Thérèse Raquin, ch. VII : « Tu ne saurais croire, reprenait-elle, combien ils m’ont rendue mauvaise. Ils ont fait de moi une hypocrite et une menteuse… Ils m’ont étouffée dans leur douceur bourgeoise, et je ne m’explique pas comment il y a encore du sang dans mes veines… J’ai baissé les yeux, j’ai eu comme eux un visage morne et imbécile, j’ai mené leur vie morte. Quand tu m’as vue, n’est-ce pas ? j’avais l’air d’une bête. J’étais grave, écrasée, abrutie. Je n’espérais plus en rien, je songeais à me jeter un jour dans la Seine… Mais avant cet affaissement, que de nuits de colère ! Là-bas, à Vernon, dans ma chambre froide, je mordais mon oreiller pour étouffer mes cris, je me battais, je me traitais de lâche. Mon sang me brûlait et je me serais déchirée le corps. A deux reprises, j’ai voulu fuir, aller devant moi, au soleil; le courage m’a manqué, ils avaient fait de moi une brute docile avec leur bienveillance molle et leur tendresse écoeurante. Je suis restée là toute douce, toute silencieuse, rêvant de frapper et de mordre. »
La situation dans laquelle Thérèse Raquin a été contrainte à vivre l’a changée en bête ; son crime l’abêtit encore davantage. Laurent, d’ailleurs, motive en partie son crime par son désir de vivre « en brute », de paresse et dans la satisfaction de ses désirs.

La préface de Thérèse Desqueyroux présente elle aussi l’héroïne comme un monstre, une Locuste, empoisonneuse antique célèbre. Le personnage cherche à s’expliquer à ses propres yeux pendant toute la première partie – à ses propres yeux plus qu’au mari auquel cette confession est pourtant destinée, mais qui ne voudra pas l’écouter. Dans La fin de la nuit, c’est en revenant à Argelouse que Thérèse comprend qu’elle ne pouvait pas agir autrement qu’elle l’avait fait, que sa situation était insupportable. Comme si la question de sa monstruosité avait continué à se poser à elle pendant toutes ces années de liberté surveillée.

Mais voir dans nos héroïnes des bêtes ou des montres est avant tout le point de vue d’une certain lectorat, dénoncé comme bourgeois et bien-pensant par Mauriac dans sa préface et par l’héroïne de Zola dans la diatribe reproduite plus haut. Les deux héroïnes ont enfin en commun cet enfermement dans des valeurs qui ne sont pas les leurs : la connivence avec Mme Raquin devenue paralytique, dont seule Thérèse parvient à déchiffrer les regards, met en parallèle leurs situations d’emmurée vivante : « Elle communiquait assez aisément avec cette intelligence murée, vivante encore et enterrée au fond d’une chair morte » (ch. XXVI) ; Thérèse Desqueyroux sera elle aussi enfermée, emmurée vivante, changée en morte vivante. Et là où elle trouve une libération grâce à la générosité finale et inattendue de Bernard, Thérèse Raquin, elle ne trouve d’échappatoire que dans la mort.

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[club] Zola-Mauriac – Mariage forcé

td 1Nos deux Thérèse présentent la particularité de n’avoir pas fait un mariage d’amour.

Le cas de Thérèse Raquin est plus frappant à ce titre que celui de Thérèse Desqueyroux. Elle est une parente de son futur époux Camille Raquin, elle est élevée avec lui, elle dort dans le même lit que lui depuis toute petite. Sa vie de femme mariée s’annonce comme la continuité de sa vie de petite fille. Mme Raquin lui propose ce mariage, les circonstances le lui imposent : elle ne connaît personne en dehors de la famille Raquin. Le mariage contracté avec Camille prend des allures d’inceste ; Mme Raquin pense d’ailleurs au moment du remariage de Thérèse avec Laurent « que, comme on dit, cela ne sortait pas de la famille » (ch. XIX).

Thérèse Desqueyroux semble faire un mariage d’amour : c’est après tout elle qui choisit d’épouser Bernard. Mais il apparaît que ce mariage convient tout à fait aux deux familles, pour des raisons patrimoniales (les pinèdes qu’ils possèdent les uns et les autres), et que le choix de Thérèse est davantage guidé par son affection pour la soeur de Bernard, Anne, que pour Bernard lui-même.

Ainsi, si le mariage de Thérèse Desqueyroux n’est pas arrangé au même titre que celui de Thérèse Raquin, il reste un mariage d’intérêt, non pas pécuniaire comme finissent par le penser la famille de Bernard et Bernard lui-même, mais affectif : en épousant Bernard, Thérèse reste proche d’Anne. C’est d’ailleurs cette dernière qui élèvera la petite Marie, comme on l’apprend dans la suite de Thérèse Desqueyroux, La fin de la nuit.

Aussi les données de notre question sont-elles légèrement changées par rapport aux programmes de lecture précédent : il s’agit toujours de désespoir conjugal, de la détresse de femmes enfermées dans le mariage et la vie domestique, mais ce désespoir et cette détresse sont d’une toute autre teneur que celles des femmes américaines du milieu du XXe s. ou des mères, au foyer ou active, de notre Europe de début de XXIe s.

Y aurait-il donc toujours eu un désespoir de la femme mariée ? Aurait-il seulement changé de cause, d’où de sens ? Ou bien les mariages des deux Thérèse sont-ils particuliers même pour leur époque, et expliquent à ce titre (selon une certaine lecture de ces romans) leur crime ?

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[club] Zola-Mauriac – Vie domestique indigne d’intérêt

tr 1Thérèse Desqueyroux se désintéresse des tâches domestiques attribuées, dans son milieu, aux femmes (le soin des enfants vient au premier rang, mais aussi le soin du mari) quand sa belle-soeur Anne y excelle. La vie qu’elle mènera à Paris sera d’ailleurs une vie de célibataire, quasi-recluse, marginale.

De même on trouve, chez Thérèse Raquin, ce mépris pour la vie ordinaire : lorsque Suzanne vient accompagner Thérèse dans la mercerie après l’attaque de paralysie de Mme Raquin, il est dit de Thérèse qu’elle « écoutait avec des efforts d’intérêt les bavardages lents de Suzanne qui parlait de son ménage, des banalités de sa vie monotone. Cela la tirait d’elle-même. Elle se surprenait parfois à s’intéresser à des sottises, ce qui la faisait ensuite sourire amèrement » (ch. XXX).

Emma Bovary partage avec nos deux Thérèse l’absence de tout sentiment maternel. Est-ce un moyen pour Flaubert, Zola et Mauriac de présenter leur personnage comme des femmes dénaturées, et d’expliquer ainsi leur crime ?
Cette hypothèse peut être accréditée par l’apparition de l’image de la femme Ange du Foyer et bonne mère au XIXe telle que l’analyse E. Badinter dans L’amour en plus.

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[club] Weiner-Cusk-Guéritault – Littérature et condition féminine

arlinton park 1L’écriture et la lecture sont très présentes dans ces deux romans. Est-ce là un trait de la condition de la femme insatisfaite et/ou déçue : se réfugier dans l’écriture et/ou dans la lecture ?

Kate Klein a été rédactrice et investigatrice pour un magazine de potins. Elle dit d’elle-même à un moment : « I used to be a good writer ». Sa voisine assassinée rédigeait elle aussi des articles, mais d’une autre portée, car moralisateurs et politiques, et en tant que nègre ; elle préparait un livre. Kate relève leurs ressemblances. – Mais c’en est tout pour les références littéraires, les citations qui émaillent le livre étant celles de chansons de jazz ou de variété. Et finalement c’est vers l’investigation que Kate orientera son énergie débordante mais perdue dans ses soucis domestiques, faisant en cela figure de Miss Marple de la banlieue new yorkaise.

Juliet, une des personnages d’Arlington Park, est prof de littérature. Elle organise un club littéraire pour les terminales. Ne s’y rendent que des filles, le lycée où elle exerce étant un lycée non mixte. Les livres choisis rappellent ceux que nous avons nous-mêmes lus :
« Au club littéraire, Juliet essayait de conjurer ce sort, quelques limités que soient ses moyens. Elle tentait de leur faire connaître la nature de la bête. Elles étaient censées choisir le livre du mois en comité, mais, sans remords, Juliet les aiguillait vers des oeuvres qui disaient la vérité, telle qu’elle la voyait, sur la vie des femmes. Elle s’appliquait à être aussi contemporaine que possible, et à donner la priorité aux femmes dans ses choix, mais comme résister à Madame Bovary ? Comment ne pas les orienter vers Anna Karénine (…)? » (p. 173)
Les soeurs Brontë sont également citées ; ce sont d’ailleurs Les Hauts de Hurlevent qui sont en débat le jour club qui nous est raconté. Enfin, l’ouvrage tout entier est conçu comme une ré-écriture de Mrs Dalloway de V. Woolf.
Tous les ouvrages abordés dans ce club littéraire sont comme des miroirs de la réalité féminine et des instrument d’instruction pour ces jeunes filles ; bien entendu, ces deux portées leur échappent. Et c’est finalement pour Juliet que ce club fait le plus sens et à elle qu’il fait le plus plaisir.

Là où l’écriture est tendue entre engagement politique et sociétale (Kitty Cavanaugh) et divertissement (Kate Klein) dans Goodnight Nobody, la lecture est vue comme le révélateur d’une réalité transhistorique, potentiellement catalyseur d’une prise de conscience existentielle et individuelle (Juliet) dans Arlington Park. Nous ne sommes donc pas face à un rapport à la littérature comme refuge ou comme fuite en avant, ni comme moyen de diffusion d’un idéal dangereux (c’est plutôt la télévision, les magazines et les chansons qui occupent cette fonction dans Goodnight nobody, l’urbanisme et l’organisation de la vie marchande dans Arlington Park). Si l’importance de la lecture et de l’écriture est présente dans ces deux romans, je n’arrive pas à établir en quoi elle éclaire la question de la condition de mère au foyer : as-tu une idée?

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[club] Weiner-Cusk-Guéritault – Humour et désespoir

weiner 1Les deux romans à notre programme ce mois-ci ont en commun leur thème – la « vie domestique » des femmes au foyer, pour reprendre la traduction d’Arlington Park ; on peut leur trouver un autre point commun : l’emploi de l’humour. Bien entendu, l’humour est beaucoup moins présent dans l’essai de V. Guéritault, qui s’attache à observer de manière neutre la situation psychologique et physique décrite dans nos deux romans.

Si dans le cas de Jennifer Weiner, l’humour est mis en avant comme un argument de vente (cf la couverture de l’édition Pocket Books et la quatrième de couverture, qui qualifie l’ouvrage de « laugh-out-loud funny »), ce n’est a priori pas le trait stylistique le plus frappant d’Arlington Park.

Weiner utilise un humour très explicite, basé sur l’autodérision et la comparaison systématique de son héroïne aux canons véhiculés par les médias (et par ses voisines) sur la mère parfaite (à Upchurch) et la femme parfaite (à New York), au désavantage de celle-ci. Cela rapproche Kate Klein de Bridget Jones – laquelle n’a jamais été croquée dans sa vie de mère, Helen Fielding ayant choisi de passer directement des premières années de mariage aux premières années de veuvage.

Cusk, quant à elle, fait parfois preuve d’une ironie mordante, dont on ne sait s’il faut en rire ou en pleurer. Par exemple dans le chapitre consacré à Solly :
« Vraiment, Martin était merveilleux. Il était ce qu’on appelait un père présent. Le problème est qu’il n’était jamais là. » (p.149).
Ou encore, dans le chapitre sur le parc :
« Richard n’arrête pas d’aller à ces conférences où personne n’a l’air de savoir ce dont il est question. Je lui dis, tu sais, mais qu’est-ce que tu fais exactement ? Qu’est-ce que tu accomplis en réalité ? Je crois qu’ils vont se bourrer au bar de l’hôtel. – Eh bien, pourquoi pas, après tout. – Oui. C’est quand même un peu fou. Même Richard reconnaît que c’est un peu fou. » (p.166).
Ou enfin, dans le chapitre sur le club littéraire, lorsqu’une participante demande à Juliet pourquoi elle a coupé ses cheveux :
« C’est ce qui arrive quand on a mon âge. On en a soudain assez. (….) – Et alors on commence à faire des choses à ses cheveux, dit Sara avec tant de mépris qu’elle semblait, en fait, bien connaître le phénomène. Ou on se fait faire de la chirurgie esthétique. Et on commence à être obsédé par son intérieur, on interdit tout à tout le monde pour ne rien déranger. On est, genre, vous savez, pourquoi manger ? ça fait désordre. Pourquoi sont-ils obligés de changer de vêtements ? Pourquoi est-ce qu’ils ne portent pas juste une sorte de costume en plastique ? Pourquoi est-ce qu’il faut qu’ils rentrent à la maison ? Pourquoi est-ce qu’ils ne vont pas à l’hôtel? » (p. 186).

A l’inverse, l’humour de Goodnight Nobody est parfois un peu forcé, comme lorsque Kate chante « If you happy and you know it clap your hand » pendant l’hommage rendue à sa voisine assassinée : Kate se ridiculise, cela est censé nous faire nous sentir plus proches d’elle que des canons qui nous sont imposés et qui sont inatteignables. La manière dont Jennifer Weiner s’adresse ici à ses lectrices me fait penser à cette camelot rencontrée par les femmes d’Arlington Park dans le supermarché qui force la complicité avec son public en répétant « vous voyez bien ce que je veux dire » à propos de ses hanches trop fortes, alors qu’elles ne le sont pas réellement.

Si la lecture de Goodbye Nobody m’a été plutôt agréable, je n’ai pas pu m’empêcher de me sentir un peu prise au piège d’une connivence malsaine : l’auteur ne cherche pas à critiquer réellement les faux modèles occidentaux de la « Good mother », mais à dédramatiser le fait de ne pas réussir à les suivre. L’entreprise de démystification, notamment pas l’humour, me semble plus réussie dans Arlington Park, car s’y ajoutent des descriptions de la vie suburbaine contemporaine sidérantes d’ironie, alors même qu’elles sont implacablement factuelles (cf la description du supermarché et celle du parc).

 

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[club] Friedan-Perrot – Soumises, insoumises, du texte à l’écran

best of everythingCe que j’ai apprécié dans le livre de Friedan, c’est qu’elle fait à la fois le portrait de femmes engluées dans la mystique féminine et de femmes ayant cherché à s’en extraire (je pense aux itinéraires de féministes britannique et américaines). Chez Perrot aussi, même si plus discrètement car ce n’est pas l’objet de l’article, la prise de parole féminine lors d’un congrès est mise en lumière comme développant un discours d’émancipation.

J’ai souvent pensé, en lisant le livre de Friedan, au Sourire de Mona Lisa : le contexte universitaire, la difficulté à faire un choix de vie, l’alternative mariage/études… Quant à l’article de M. Perrot, il m’a fait penser à The Best of everything : « Ce n’est pas l’Usine mais le Bureau qui mangera la ménagère… ».

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[club] Freidan-Perrot – Faits et discours

les femmes perrotThe Feminine Mystique de Betty Friedan pose le problème d’une « mystique de la femme » existant aux Etats-Unis au XXes. selon laquelle la destination féminine serait liée au foyer et uniquement au foyer. L’article « L’éloge de la ménagère dans le discours des ouvriers français du XIXe s » de Michèle Perrot cherche à définir la vision de la femme portée par le milieu ouvrier, et tend à montrer que, dans les mouvements ouvriers et les syndicats (pris en bloc), la femme est souvent présentée comme ayant pour destination, là aussi, l’occupation du foyer et son introduction dans le secteur ouvrier est vu comme une intrusion et un danger, tant pour le salaire et les conditions de travail des ouvriers, pour la conservation de la famille que pour sa propre santé et son propre bien-être.

A ces analyses du discours sur la femme sont à chaque fois confrontés les faits. Betty Friedan convoque les témoignages de femmes pour montrer que suivre ce modèle idéal entraîne un profond ennui et une perte d’identité ; Michèle Perrot confronte au discours alarmiste sur les femmes au travail délaissant le foyer la réalité des chiffres : seules 38% des femmes occupent un travail à temps plein en 1900 et ,en 1906, sur cent femmes, peu occupent un travail ouvrier (25%), la plupart étant domestiques (17% ; celles-ci sont généralement célibataires) ou effectuant un travail textile à domicile (36%).

Dans les deux cas, la confrontation des discours et des faits révèle un décalage : l’idéal brandi aux Etats Unis au XXe s. est factice, la menace redoutée par certains discours ouvriers au XIXe s. est exagérée. D’où ma question : y a-t-il toujours eu une telle différence entre le discours sur les femmes, excessif, et la réalité de leur condition ?

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[club] Sand & Flaubert – Retour aux sources : Condition féminine

George_Sand_Gustave_Flaubert 1865George Sand est l’auteur d’Indiana : un auteur qui est une femme, qui a divorcé, est partie vivre seule en ville avec ses deux enfants et qui a dû travailler pour vivre. Son regard sur la condition féminine est donc nourri de son expérience ; mais il est aussi nourri de ses lectures, car on repère dans bien des pages des clichés littéraires (le « Lovelace » (p.79) que représente M. de la Ramière, la « Virginie » (p. 77) que peut représenter Noun) et les références à un style (balzacien) et à des oeuvres (Paul et Virginie pour les scènes exotiques de la fin, qui rappellent également que George Sand avait été élevée par une grand-mère ayant connu Rousseau et ayant voulu suivre le programme d’éducation n’entravant pas la nature de l’Emile). Sand se défend d’avoir voulu écrire un plaidoyer contre le mariage en préface et prendra toujours ses distances vis-à-vis des revendications féministes de son temps (comme ceux de Flora Tristan par exemple).

A l’inverse, Flaubert, auteur de Mme Bovary, est un homme, volontiers misogyne dans ses lettres (quoique lié par une forte amitié à George Sand vieillissante, justement parce qu’elle lui semble ni homme ni femme), qui n’a jamais quitté la demeure maternelle à l’heure d’écrire Mme Bovary et n’a connu que des femmes de passage, sa liaison avec Louise Colet étant elle-même très épisodique. Et pourtant, sa peinture de la condition féminine semble plus réaliste que celle qu’en fait George Sand : la réalité jaillit dans toute sa force, le quotidien ne cache pas son aspect dérisoire, on cherche pas à grandir ni à camoufler quoique ce soit.

Est-ce que cette différence tient seulement au talent de l’écrivain ? Au choix d’une esthétique romantique ou réaliste ? Ou bien est-il plus difficile pour une femme au début du XIXe de parler de manière véridique de la vie d’une femme que pour un homme à la fin du même siècle?

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[club] Sand & Flaubert – Retour aux sources : L’ennui domestique

indiana1 mme bovary 1Indiana et Mme Bovary ont en commun une figure féminine qui n’a pas l’air à sa place. L’incipit d’Indiana est très éloquent sur ce point : il me rappelle tant le Lys dans la vallée et les longues soirées passées par Félix chez Mme de Mortsauf que la soirée au coin du feu qui verra le destin de la fille de la Femme de trente ans changer, dans le roman du même nom. Dans Mme Bovary, l’ennui est plus diffus, il est présent dès la jeunesse d’Emma dans la ferme familiale, lors de sa visite à la nourrice, dans tous ses actes pour le conjurer (enivrement du bal, liaison avec Rodolphe, achats compulsifs, nouvelle liaison…). On a le sentiment que l’ennui est strictement domestique dans Indiana et plus métaphysique, plus général, dans Mme Bovary – ce qui pourrait expliquer la fertilité de la figure d’Emma, transposable dans beaucoup de situations (je pense par exemple à l’adaptation en bande dessinée, puis en film, intitulée Gemma Bovery, où Emma, ce n’est pas elle, c’est lui).

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[club] Yates & Perrotta – Livres et cinéma

revolutionary-road-0aRevolutionary road et Little children ont récemment été adaptés au cinéma.

Dans la première adaptation, April est jouée par Kate Winslet et Frank par Leonardo di Caprio – manière de clin d’oeil à un blockbuster du film d’amour romantique, façon de montrer l’envers du décor amoureux.
Dans la seconde adaptation, Sarah est également jouée par Kate Winslet. Ce lien entre les deux héroïnes est particulièrement intéressant, car le jeu de l’actrice n’est pas le même de l’une à l’autre : en dépit de leur ressemblance, April et Sarah ne se confondent pas. April est beaucoup plus vivante, forte et révoltée que Sarah, dont le visage, les gestes, les regards sont plus timorées, plus ternes. April est secrètement aimée de son voisin ; Sarah, même si elle inspire le désir de Todd, n’est pas l’attraction de son quartier. April se définit par ses choix, Sarah par ses renoncements.

Cette différence de jeu est respectueuse des romans ; mais je me demande s’il n’y a pas là, aussi, une idéalisation de l’âge d’or des années 50 et une glorification de l’esthétique qu’on y associe dans les choix de maquillage et de costumes de Kate Winslet dans Revolutionary Road. Une telle référence au glamour hollywoodien n’est pas présente dans le roman…