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[club] Friedan-Perrot – Soumises, insoumises, du texte à l’écran

best of everythingCe que j’ai apprécié dans le livre de Friedan, c’est qu’elle fait à la fois le portrait de femmes engluées dans la mystique féminine et de femmes ayant cherché à s’en extraire (je pense aux itinéraires de féministes britannique et américaines). Chez Perrot aussi, même si plus discrètement car ce n’est pas l’objet de l’article, la prise de parole féminine lors d’un congrès est mise en lumière comme développant un discours d’émancipation.

J’ai souvent pensé, en lisant le livre de Friedan, au Sourire de Mona Lisa : le contexte universitaire, la difficulté à faire un choix de vie, l’alternative mariage/études… Quant à l’article de M. Perrot, il m’a fait penser à The Best of everything : « Ce n’est pas l’Usine mais le Bureau qui mangera la ménagère… ».

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[club] Freidan-Perrot – Faits et discours

les femmes perrotThe Feminine Mystique de Betty Friedan pose le problème d’une « mystique de la femme » existant aux Etats-Unis au XXes. selon laquelle la destination féminine serait liée au foyer et uniquement au foyer. L’article « L’éloge de la ménagère dans le discours des ouvriers français du XIXe s » de Michèle Perrot cherche à définir la vision de la femme portée par le milieu ouvrier, et tend à montrer que, dans les mouvements ouvriers et les syndicats (pris en bloc), la femme est souvent présentée comme ayant pour destination, là aussi, l’occupation du foyer et son introduction dans le secteur ouvrier est vu comme une intrusion et un danger, tant pour le salaire et les conditions de travail des ouvriers, pour la conservation de la famille que pour sa propre santé et son propre bien-être.

A ces analyses du discours sur la femme sont à chaque fois confrontés les faits. Betty Friedan convoque les témoignages de femmes pour montrer que suivre ce modèle idéal entraîne un profond ennui et une perte d’identité ; Michèle Perrot confronte au discours alarmiste sur les femmes au travail délaissant le foyer la réalité des chiffres : seules 38% des femmes occupent un travail à temps plein en 1900 et ,en 1906, sur cent femmes, peu occupent un travail ouvrier (25%), la plupart étant domestiques (17% ; celles-ci sont généralement célibataires) ou effectuant un travail textile à domicile (36%).

Dans les deux cas, la confrontation des discours et des faits révèle un décalage : l’idéal brandi aux Etats Unis au XXe s. est factice, la menace redoutée par certains discours ouvriers au XIXe s. est exagérée. D’où ma question : y a-t-il toujours eu une telle différence entre le discours sur les femmes, excessif, et la réalité de leur condition ?

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[club] Sand & Flaubert – Retour aux sources : Condition féminine

George_Sand_Gustave_Flaubert 1865George Sand est l’auteur d’Indiana : un auteur qui est une femme, qui a divorcé, est partie vivre seule en ville avec ses deux enfants et qui a dû travailler pour vivre. Son regard sur la condition féminine est donc nourri de son expérience ; mais il est aussi nourri de ses lectures, car on repère dans bien des pages des clichés littéraires (le « Lovelace » (p.79) que représente M. de la Ramière, la « Virginie » (p. 77) que peut représenter Noun) et les références à un style (balzacien) et à des oeuvres (Paul et Virginie pour les scènes exotiques de la fin, qui rappellent également que George Sand avait été élevée par une grand-mère ayant connu Rousseau et ayant voulu suivre le programme d’éducation n’entravant pas la nature de l’Emile). Sand se défend d’avoir voulu écrire un plaidoyer contre le mariage en préface et prendra toujours ses distances vis-à-vis des revendications féministes de son temps (comme ceux de Flora Tristan par exemple).

A l’inverse, Flaubert, auteur de Mme Bovary, est un homme, volontiers misogyne dans ses lettres (quoique lié par une forte amitié à George Sand vieillissante, justement parce qu’elle lui semble ni homme ni femme), qui n’a jamais quitté la demeure maternelle à l’heure d’écrire Mme Bovary et n’a connu que des femmes de passage, sa liaison avec Louise Colet étant elle-même très épisodique. Et pourtant, sa peinture de la condition féminine semble plus réaliste que celle qu’en fait George Sand : la réalité jaillit dans toute sa force, le quotidien ne cache pas son aspect dérisoire, on cherche pas à grandir ni à camoufler quoique ce soit.

Est-ce que cette différence tient seulement au talent de l’écrivain ? Au choix d’une esthétique romantique ou réaliste ? Ou bien est-il plus difficile pour une femme au début du XIXe de parler de manière véridique de la vie d’une femme que pour un homme à la fin du même siècle?

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[club] Sand & Flaubert – Retour aux sources : L’ennui domestique

indiana1 mme bovary 1Indiana et Mme Bovary ont en commun une figure féminine qui n’a pas l’air à sa place. L’incipit d’Indiana est très éloquent sur ce point : il me rappelle tant le Lys dans la vallée et les longues soirées passées par Félix chez Mme de Mortsauf que la soirée au coin du feu qui verra le destin de la fille de la Femme de trente ans changer, dans le roman du même nom. Dans Mme Bovary, l’ennui est plus diffus, il est présent dès la jeunesse d’Emma dans la ferme familiale, lors de sa visite à la nourrice, dans tous ses actes pour le conjurer (enivrement du bal, liaison avec Rodolphe, achats compulsifs, nouvelle liaison…). On a le sentiment que l’ennui est strictement domestique dans Indiana et plus métaphysique, plus général, dans Mme Bovary – ce qui pourrait expliquer la fertilité de la figure d’Emma, transposable dans beaucoup de situations (je pense par exemple à l’adaptation en bande dessinée, puis en film, intitulée Gemma Bovery, où Emma, ce n’est pas elle, c’est lui).

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[club] Yates & Perrotta – Livres et cinéma

revolutionary-road-0aRevolutionary road et Little children ont récemment été adaptés au cinéma.

Dans la première adaptation, April est jouée par Kate Winslet et Frank par Leonardo di Caprio – manière de clin d’oeil à un blockbuster du film d’amour romantique, façon de montrer l’envers du décor amoureux.
Dans la seconde adaptation, Sarah est également jouée par Kate Winslet. Ce lien entre les deux héroïnes est particulièrement intéressant, car le jeu de l’actrice n’est pas le même de l’une à l’autre : en dépit de leur ressemblance, April et Sarah ne se confondent pas. April est beaucoup plus vivante, forte et révoltée que Sarah, dont le visage, les gestes, les regards sont plus timorées, plus ternes. April est secrètement aimée de son voisin ; Sarah, même si elle inspire le désir de Todd, n’est pas l’attraction de son quartier. April se définit par ses choix, Sarah par ses renoncements.

Cette différence de jeu est respectueuse des romans ; mais je me demande s’il n’y a pas là, aussi, une idéalisation de l’âge d’or des années 50 et une glorification de l’esthétique qu’on y associe dans les choix de maquillage et de costumes de Kate Winslet dans Revolutionary Road. Une telle référence au glamour hollywoodien n’est pas présente dans le roman…

 

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[club] Yates & Perrotta – L’Amérique, des années 50 à aujourd’hui

RevolutionaryRoadCe qui étonne, lorsqu’on lit Revolutionary Road, c’est l’actualité du propos (en plus de la qualité des analyses psychologiques et de la justesse des situations) : la plupart des paroles de Frank et April pourraient être prononcés par un couple d’aujourd’hui. – A ceci près que l’Europe ne doit plus sembler aux Américains un Eldorado et que les perspectives de fuite heureuse se restreignent. Et que si Frank et April peuvent parler comme ils parlent, c’est parce qu’ils sont présentés comme un couple moderne, et en cela différent des autres couples de leur banlieue.

Mis à part cela, on observe la même description désabusée de la banlieue américaine, censée être le lieu idéal pour vivre en famille et qui s’avère gangrenée par l’uniformité, la monotonie et la mesquinerie. Ce que découvrent Sarah et Todd en 2004, c’est que l’homme peut aussi être au foyer, et connaître à son tour les affres de l’ennui qui en est le corollaire ; c’est, aussi, que derrière la façade, tous ressentent le même vide, tous se rêvent singuliers, différents des autres, quand tous se ressemblent.

Dans les années 50, toutes les maisons se ressemblent de loin mais les vies qu’elles abritent, à y regarder de près, diffèrent et dissonent dès qu’on s’approche un peu ; dans les années 2000, chacun recherche l’originalité mais tous soupçonnent bien, au fond, n’être en rien différent du voisin.

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[club] Yates & Perrotta – Mrs Bovary


2175Revolutionary Road
de Richard Yates, publié en 1961, et Little children de Tom Perrotta, publié en 2004, sont deux romans américains sur la désillusion de la mère au foyer. April et Sarah ont fait des études (le conservatoire d’art dramatique pour la première, un début de doctorat de littérature après un passage par les Gender studies pour la seconde) ; elles ont embrassé la vie d’épouse et de mère avec confiance. Et se retrouvent à ne pas savoir quoi faire du sentiment de vide qui encombre leur existence.

Dans les deux cas, les parallèles avec Madame Bovary sont frappants.

Dans Revolutionnary Road, le lien est explicite : Frank, cherchant à consoler April de l’échec de la pièce dans laquelle elle a joué, sans y parvenir, dit à sa femme : « Tu sembles disposées à faire une assez bonne imitation de Mme Bovary et je voudrais éclaircir deux ou trois points. (….) je trouve que le rôle d’un mari de banlieue muet et insensible ne me convient pas ; tu as tenté de me le faire jouer depuis que nous sommes arrivés ici ; mais je préférerais crever plutôt que l’assumer » (trad. R. Latour, p.43-44).
Quant à Sarah, elle participe à un club de lecture qui a au programme le roman de Flaubert, et le dénouement de Little Children rappelle étrangement la désillusion d’Emma lorsque Rodolphe ne vient pas au rendez-vous signant leur fuite commune. Les derniers mots du roman sont les suivants : « Elle se trouvait là parce qu’elle avait embrassé un homme à cet endroit précis et avait ressenti du bonheur pour la première fois de sa vie d’adulte. Elle se trouvait là parce qu’il lui avait dit qu’il s’enfuirait avec elle, et elle l’avait cru – elle avait cru pendant quelques brefs instants, d’une douceur intense, qu’elle était quelqu’un de particulier, qu’elle appartenait à ce petit nombre de gens chanceux, un personnage de roman d’amour avec un happy end » (trad. E. Ertel, p.367-368).

Toutefois, si le dénouement tragique de Revolutionnary Road peut rappeler celui de Madame Bovary, la fin de Little Children semble moins sombre : Sarah réalise qu’elle doit s’occuper de sa fille, qu’elle est la seule sur laquelle sa fille Lucy puisse compter – la rédemption par la maternité. April, au contraire, trouve la mort dans le refus de la maternité.  Dans Madame Bovary, l’issue n’avait pas grand chose à voir avec l’acceptation ou le refus de la maternité, l’indifférence à l’enfant était signalée dès la première moitié du roman et n’étant plus remise en question ensuite. – Ce qui a changé entre l’époque de Flaubert et aujourd’hui, serait-ce la place de la parentalité dans nos vies ?

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[club] Badinter/Lê – Bonne et mauvaise mère

conflitSi Badinter a intitulé son ouvrage Le Conflit. La femme et la mère, c’est, il me semble, parce que ce conflit n’est pas naturel mais culturel – c’est-à-dire : parce qu’il n’y a pas nécessairement de conflit entre être une mère et être une femme.

Selon les pays (Badinter compare les différents pays d’Europe, notamment la France et l’Allemagne), les politiques adoptés par leur gouvernement et les mentalités, le conflit n’est pas ressenti avec la même intensité partout. J’ai été marquée, par exemple, par l’écrasante adhésion à l’idéal de bonne mère, selon les études que cite Badinter, en Allemagne, qui pousse précisément les jeunes femmes les plus diplômées à ne pas avoir d’enfant. Que la France soit la championne des femmes assumant d’être de « mauvaises mères » m’a semblé plutôt sain et rassurant!

Et si pour accepter de devenir mère, il fallait accepter d’être toujours-déjà une mauvaise mère ? D’où de pardonner à ses propres parents de ne pas avoir été à la hauteur de notre demande infantile ? Accepter de devenir parent, n’est-ce pas, au fond, accepter de ne pas être parfait ? Ce que n’accepte apparemment pas Linda Lê dans À l’enfant que je n’aurai pas.

J’irai même  un peu plus loin : l’idéal de la bonne mère est contradictoire avec le rôle réel d’une mère. L’idéal de la bonne mère définit la maternité comme une protection perpétuelle, un amour sans faille, avec un danger de fusion non négligeable. Le rôle réel d’une mère est de protéger, certes, d’aimer, certes, mais aussi de faire grandir et de laisser partir son enfant. Dès le départ, il s’agit de renoncer à ce rôle d’ « alpha et d’oméga », de mère-monde, que la mère idéale représente dans l’esprit d’un tout-petit. Être une mère, c’est accepter que notre enfant cesse un jour d’avoir besoin de nous ; c’est savoir ne pas avoir besoin de lui. Et pour cela, il faut savoir rester une femme.

Ne pas se réduire à n’être qu’une mère, voilà peut-être la manière dont résoudre le « conflit » entre mère et femme.

 

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[club] Lys dans la vallée/Marquise de Saluces – Résignation et émancipation

 

saluces2Comment lire le conte de Boccace, si dérangeant pour nous ? Et comment le comparer au roman de Balzac, qui nous parle tellement davantage ?
A mon sens, le conte de Boccace est à lire dans son contexte et en relation avec les autres contes du même auteur : celui-ci s’adonne à une écriture divertissante, grivoise, ironique, peu complaisante à l’égard de l’institution conjugale. Ici, il met en avant la folie du marquis et la force d’âme de la marquise qui résiste aux injustices qui lui sont commises. Une lecture spirituelle, où le calvaire de la marquise est rapproché de celui du Christ, n’est pas à exclure. Le livre de Job peut aussi être convoqué pour éclairer le message du conte : il ne s’agit pas de dire qu’il est juste qu’une femme se soumette à son mari mais de donner un exemple de comportement exceptionnel face aux injustices. La soumission apparente de la marquise de Saluces n’est pas un asservissement mais une émancipation, car rien ne la touche : elle est au-dessus de tout. Cet état d’exception, cette quasi « sainteté », est récompensée à la fin du conte ; elle aurait très bien pu l’être après la mort de la marquise, dans une perspective chrétienne, tant ce conte ressemble à une vie de martyre.
Mme de Mortsauf semble à première vue prolonger cette figure de résignation plus d’humaine. Le vocabulaire religieux émaille d’ailleurs les portraits qui sont faits d’elle : elle est un ange, une sainte… Mais sa lettre-testament fait tomber le masque : son visage angélique était un visage de composition. Au fond d’elle-même, elle n’a jamais vraiment renoncé à ses désirs, à ses espoirs. Aussi en est-elle réduite à se mortifier, jusqu’à se tuer.

A partir de cette comparaison, ce qu’il me semble, c’est que ces deux récits acceptent les mêmes valeurs et que c’est au nom d’une même logique que l’un se finit bien quand l’autre se finit mal.

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[club] Sabine Splierein – Articles de Mireille Cifali

freud jung sabinaVoici les liens vers les articles, dont certains sont consultables en ligne, de Mireille Cifali sur Sabina Spielrein :

Sabina Spielrein in Genf, in Spielrein S., Ausgewahlte Schriften, Berlin, Brinkmann und Bose, 1986, 255-258

Une femme dans la psychanalyse, Sabina Spielrein : un autre portrait, Le Bloc-Notes de la psychanalyse, n° 8, Genève, 1988, 253-265

Sabina Spielrein : a woman psychoanalyst : another picture, Journal of Analytical Psycholgy, n° 46, 2001, 129-138.