L’écriture et la lecture sont très présentes dans ces deux romans. Est-ce là un trait de la condition de la femme insatisfaite et/ou déçue : se réfugier dans l’écriture et/ou dans la lecture ?
Kate Klein a été rédactrice et investigatrice pour un magazine de potins. Elle dit d’elle-même à un moment : « I used to be a good writer ». Sa voisine assassinée rédigeait elle aussi des articles, mais d’une autre portée, car moralisateurs et politiques, et en tant que nègre ; elle préparait un livre. Kate relève leurs ressemblances. – Mais c’en est tout pour les références littéraires, les citations qui émaillent le livre étant celles de chansons de jazz ou de variété. Et finalement c’est vers l’investigation que Kate orientera son énergie débordante mais perdue dans ses soucis domestiques, faisant en cela figure de Miss Marple de la banlieue new yorkaise.
Juliet, une des personnages d’Arlington Park, est prof de littérature. Elle organise un club littéraire pour les terminales. Ne s’y rendent que des filles, le lycée où elle exerce étant un lycée non mixte. Les livres choisis rappellent ceux que nous avons nous-mêmes lus :
« Au club littéraire, Juliet essayait de conjurer ce sort, quelques limités que soient ses moyens. Elle tentait de leur faire connaître la nature de la bête. Elles étaient censées choisir le livre du mois en comité, mais, sans remords, Juliet les aiguillait vers des oeuvres qui disaient la vérité, telle qu’elle la voyait, sur la vie des femmes. Elle s’appliquait à être aussi contemporaine que possible, et à donner la priorité aux femmes dans ses choix, mais comme résister à Madame Bovary ? Comment ne pas les orienter vers Anna Karénine (…)? » (p. 173)
Les soeurs Brontë sont également citées ; ce sont d’ailleurs Les Hauts de Hurlevent qui sont en débat le jour club qui nous est raconté. Enfin, l’ouvrage tout entier est conçu comme une ré-écriture de Mrs Dalloway de V. Woolf.
Tous les ouvrages abordés dans ce club littéraire sont comme des miroirs de la réalité féminine et des instrument d’instruction pour ces jeunes filles ; bien entendu, ces deux portées leur échappent. Et c’est finalement pour Juliet que ce club fait le plus sens et à elle qu’il fait le plus plaisir.
Là où l’écriture est tendue entre engagement politique et sociétale (Kitty Cavanaugh) et divertissement (Kate Klein) dans Goodnight Nobody, la lecture est vue comme le révélateur d’une réalité transhistorique, potentiellement catalyseur d’une prise de conscience existentielle et individuelle (Juliet) dans Arlington Park. Nous ne sommes donc pas face à un rapport à la littérature comme refuge ou comme fuite en avant, ni comme moyen de diffusion d’un idéal dangereux (c’est plutôt la télévision, les magazines et les chansons qui occupent cette fonction dans Goodnight nobody, l’urbanisme et l’organisation de la vie marchande dans Arlington Park). Si l’importance de la lecture et de l’écriture est présente dans ces deux romans, je n’arrive pas à établir en quoi elle éclaire la question de la condition de mère au foyer : as-tu une idée?