Elsa Dorlin pointe un des problèmes de l’éducation féminine au XVIIe siècle (pour les classes favorisées, bien sûr ; les autres n’avaient pas accès à l’éducation) : l’éducation féminine a alors pour but d' »empêcher l’autonomie » de la femme (p. 53). Il ne s’agit pas de lui faire développer ses capacités mais d’en entraver le développement, pour en faire une « éternelle mineure ». Par là, la « culture » créé de toute pièce l’état féminin que la misogynie proclame comme naturelle, et qui n’est que fabriquée.
Je relève le même genre de processus lorsqu’Elsa Dorlin évoque le silence qui a accompagné les oeuvres des 4 philosophes qu’elle étudie, Gabrielle Suchon, Marie de Gournay, François Poullain de la Barre et Ana Maria Van Schurman (p. 146-148) : en ne donnant pas de publicité à ses ouvrages, en faisant comme s’ils n’existaient pas, les philosophes et savants du 17e ont, en quelque sorte, réduit ces ouvrages à néant. Là encore, les misogynes parviennent à nier une réalité et à imposer la seule qu’ils tolèrent : il n’y a pas de philosophie féministe parce qu’il ne doit pas y en avoir.
Dans le premier cas, nous sommes en présence d’une mutilation de l’identité d’individus ; dans le second, d’une falsification de l’histoire. Et, comme on le voit grâce à cet ouvrage, les procédés qui arrivent à ces résultats ne sont pas directs, frontaux, mais pervers et insidieux, presque invisibles – et, pour cette raison, d’autant plus violents.