Les Angoisses douloureuses qui procèdent d’amours est un texte assez curieux, à mi-chemin entre la confession, le roman épistolaire et le roman à la première personne. Son but semble être d’édifier ses lectrices et de les prévenir contre les tentations de l’amour adultérin… En abordant ce sujet, Hélisenne de Crenne (c’est-à-dire Marguerite du Briet) nous expose quelle était la condition féminine à la Renaissance.
On lit en effet au chapitre I que l’héroïne a été demandée en mariage dès l’âge de 11 ans ! « Et quand je fuz parvenue à l’aage d’unze ans, je fus requise en mariage d eplusieurs gentilz hommes, mais incontinent je fuz mariée à un jeune gentil homme, à moy estrange, par ce qu’il y avoit grand distance de son païs au mien ; mais nonobstant qu’il n’y eust fréquentation, ny familiarité aucune, il m’estoit si trèsagréable, que me sentois grandement tenue à fortune, en me réputant heureuse. »
Elle ajoute, au sujet de ce mariage précoce : « Moy vivant en telle félicité, ne me restoit que une chose, c’estoit santé qui de moy s’estoit séquestrée au moyen que j’avois esté mariée en trop jeune aage ». L’union a donc dû être consommée aussitôt.
L’héroïne indique ensuite qu’elle était réputée comme étant parmi les plus belles « femmes »… à l’âge de 13 ans : « En persévérant en telles amours, ma personne croyssoit, et premier que pervinse au treiziesme an de mon aage, j’estois de forme élégante, et de tout si bien proportionnée, que j’excédois toutes autres femmes en beauté de corps, et si j’eusse esté aussi accomplie en beaulté de visage, je m’eusse hardiment osé nommer des plus belles de France. »
Dès lors, comment ne pas comprendre les excès amoureux des pages suivantes, quand on sait que celle qui les éprouve est une adolescente?