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[club] Anna Freud – La question du père, encore

479235_imagnoA son corps défendant, Anna Freud pose la question, éminemment psychanalytique, du poids du père dans la vie sentimentale d’une fille.

Elle ne s’est en effet jamais mariée mais a mené sa vie aux côtés d’une autre femme. Une interprétation hâtive y verrait un moyen de ne pas se détacher du père. Mais qu’en était-il vraiment ? Faut-il y voir un détour pour éviter un conflit, une séparation, ou un choix pleinement conscient pour épouser, justement, une voie difficile à suivre à son époque ?

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[club] Hilda Doolittle – Le rapport analyste/patient(e?)

La correspondance entre Freud et Hilda, reproduite en fin de volume, évoque, par son ton, celle entre Freud et Lou-Andréas Salomé. On y trouve la même familiarité : Freud demande des services à sa patiente, échange avec elle des impressions de lecture… On est bien loin de la distance établie entre analyste et patient d’aujourd’hui !

Elisabeth Roudinesco rappelle, en préface, que Freud avait psychanalysé lui-même sa fille Anna… Avait-il la même proximité avec ses patients masculins? Si on pense par exemple à son analyse de Jung, on serait tenté de répondre par l’affirmative.

Il n’y aurait donc pas de spécificité du rapport analyste/patiente mais une particularité du rapport analyste/patient (au neutre) chez Freud : celle d’une proximité, d’une connivence, qui évoque plus l’amitié que la relation thérapeutique.

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[club] Hilda Doolittle – Une singulière patiente

La biographie de l’auteur, présentée par Elisabeth Roudinesco en préface, est très surprenante : Hilda Doolittle semble avoir enfreint toutes les règles de la morale de son époque. Elle vit sa bisexualité assez librement et adopte un modèle parental pour sa fille qui va bien plus loin que les débats actuels qui agitent notre société. Pourquoi, dans ce cas, vouloir être psychanalysée ?

Elisabeth Roudinesco nous l’indique : Hilda « ne souffrait de rien qui fût guérissable par une cure ». Son problème : la mélancolie, le besoin de protection, la soumission. On est loin de Marie Bonaparte et de la définition claire d’un symptôme à traiter.

Aussi le récit de son analyse prend-t-il la forme d’évocations multiples, de texte littéraire de réminiscence plus que de compte-rendu d’un travail analytique. La littérature s’immisce dans la construction, par paragraphe décousus, dans le style, très travaillé, dans l’allégorisation de Freud en personnage du Professeur, dans les citations qui émaillent le texte.

On peut dès lors se demander si la cure analytique n’a pas été, pour Hilda, une expérience de vie destinée à nourrir son art plutôt qu’une thérapie à proprement parler.

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[club] Marie Bonaparte – Loin de tout

princessemarie2004La question centrale que se pose Marie Bonaparte lors de sa psychanalyse, celle qui la fait rechercher des liaisons adultérines et la pousse à se faire opérer, c’est celle-ci : pourquoi est-elle frigide ? Qu’elle affronte le problème avec autant d’aplomb et aussi peu de discrétion peut étonner, si l’on se replace dans le contexte historique et idéologique des années d’entre-deux-guerre. La facilité avec laquelle elle parle de ses liaisons dans ses écrits autobiographiques étonne également: certes, elle a compris l’homosexualité de son mari (qui ne l’avait peut-être pas compris lui-même?), mais était-ce assez pour faire sauter le verrou de la morale et des bienséances ?

Face à cette impudeur fondamentale se dresse une incapacité à s’investir dans quoique ce soit : elle n’est pas présente pour ses enfants, renvoie à son mari le miroir de son indifférence, ne parvient pas à aimer ses amants (je pense à Aristide Briant), ne se passionne pour rien avant la psychanalyse. Comme si tout l’effleurait sans jamais l’atteindre, sans jamais la modifier. Etrange personnalité… Propre à être analysée, d’autant plus si on évoque l’hypocondrie de son adolescence, qui rappelle par certains traits les troubles hystériques dont le traitement lança la réflexion de Freud quant à une autre manière de soigner ces maux.

Je relève donc ce paradoxe, qui me semble fondamental chez Marie Bonaparte : à la fois audacieuse et distanciée, impudique et désinvestie.

A moins que ceci explique cela ?

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[club] Mahony – La revanche de Dora

Dora a peut-être été « mal traitée » par Freud mais elle reste aujourd’hui un cas révisable qui met en lumière les « forces patriarcales du XIXe siècle » (p. 26). Parce que Freud ne l’a pas comprise et n’a pas voulu l’entendre, elle illustre la cause des femmes de son temps et leur « envie d’indépendance »(p. 78). Ce que Freud voyait comme un aboutissement de sa théorie s’est retourné, au fil du temps, contre lui…
C’est la revanche de Dora.

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[club] Freud – Sortir de l’Oedipe ou comment tuer le père

Des psychanalystes après Freud, comme Liliane Fainsilber dans La place des femmes dans la psychanalyse ont montré qu’il avait manqué la sortie de l’Oedipe pour les filles, qu’elles devaient elles aussi tuer le père. Reste à savoir comment.

Si c’est en trouvant un mari qui se substitue au père ou en ayant un enfant, on ne sort pas de l’éternelle minorité.

Je pense que cette question : Comment les femmes peuvent-elles tuer le père? est un bon fil conducteur pour notre cycle « Femmes et psychanalyse ». De plus j’aimerais aussi poser cette question : la nécessité de tuer le père signifie-t-elle la fin du patriarcat?

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[club] Freud – L’oedipe féminin ou l’éternelle minorité des femmes

Freud montre que lorsque le passage entre la phase préœdipienne (attachement à la mère/ clitoris) et la phase oedipienne (attachement au père/ vagin) se passe mal, il en résulte des névroses. Des régressions à la pase péoedipienne sont ainsi très fréquentes.

Par contre Freud ne théorise pas vraiment la sortie de l’Oedipe pour les femmes. Les femmes ne tuent jamais le père… (Quand on pense à la relation entre Freud et sa fille Anna, en effet…). Dans la cinquième conférence, il évoque une sortie tardive de l’Oedipe (avec le mariage et la maternité…) et une formation imparfaite du surmoi qui explique que la femme ne peut parvenir ni à l’indépendance ni à la puissance comme l’homme.

Avec ces éléments, il est facile d’utiliser la psychanalyse contre l’émancipation des femmes et contre l’égalité des sexes.

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[club] Freud – De la mère au mari

Je relève cette idée que Freud développe dans la conférence sur la féminité et la texte sur la sexualité féminine : si la femme développe une hostilité envers son mari, c’est en écho avec celle qu’elle avait développée, enfant, envers sa mère…

Si seulement les choses étaient aussi simples ! Nous avons pourtant vu, à travers de nombreuses fictions, que les récriminations des femmes envers des maris (rarement épousés par choix) n’avaient pas grand chose à voir avec celles adressées par des petites filles à leur mère… On reproche rarement à sa mère de coucher avec d’autres femmes, de dépenser tout l’argent du ménage, d’être violente… Freud me semble occulter un peu vite la (dure) réalité de la condition féminine conjugale de son temps.

La règle qui veut que les seconds mariages soient plus heureux, pour les femmes, que les premiers, me semble aussi bien farfelue… Sauf à comprendre que ces seconds mariages ont été contractés par amour et pas, comme les premiers, par obligation familiale.

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[club] Freud – La sexualité féminine

Dans le texte « Sur la sexualité féminine », Freud établit comme un fait incontestable que la petite fille a renoncé au clitoris pour se tourner vers le vagin… Si cela correspond sans doute à des schémas mentaux ancestraux, dont on peut trouver la trace dans la pratique de l’excision comme rite de passage à l’âge adulte, cela ne répond à aucune vérité éprouvée. Le plaisir féminin demeure plus fortement attaché au clitoris qu’au vagin et ceci, quel que soit l’âge de la femme. Nous sommes aujourd’hui abreuvés d’études allant dans ce sens… Et il aurait suffi que Freud écoute les femmes pour le découvrir, ou que la société de son temps les laisse s’écouter et leur permette de se faire entendre.

Cela aurait peut-être révolutionné la psychanalyse…

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[club] Freud – Portrait de femme

Selon Freud, la longue station de la petite fille dans la phase oedipienne cause une absence d’indépendance et de force du surmoi (p. 173). Comment le comprendre ? Comme une absence d’indépendance et de force de la femme ? Le surmoi étant l’instance psychique formulant les interdits, notamment moraux, il est surprenant de lire chez Freud qu’il est moins fort chez les femmes que chez les hommes : les hystériques étaient des femmes muselées par leur surmoi et Freud écrit lui-même, plus loin, que les femmes trentenaires sont, en thérapie, « rigides » – ce qui semble dénoter une certaine force de leur surmoi…

Autre trait du portrait que Freud dresse des femmes : un plus haut degré de narcissisme (être aimée serait plus important qu’aimer), la fréquence du sentiment de jalousie et de rivalité, la pudeur… Liste devant laquelle on peut s’interroger : de quel type de femmes s’agit-il ici ? De la jeune femme bourgeoise viennoise du XIXe siècle ? Importe-t-il vraiment plus pour toutes les femmes d’être aimée par son enfant que de l’aimer, par exemple ? On peut en douter. La rivalité n’est-elle pas le ressort de bien des entreprises masculines ? Il n’y a qu’à voir les fictions, depuis le roman du Moyen Age jusqu’aux superproductions américaines actuelles. Quant à la pudeur, ne sait-on pas depuis Montaigne et son essai « Des cannibales », depuis la découverte des Amériques et des îles de Polynésie, qu’elle est une donnée culturelle, indistinctement distribuée entre hommes et femmes ?

Le clou de ce portrait des femmes réside sans doute dans cette affirmation audacieuse : « On estime que les femmes ont apporté peu de contributions aux découvertes et aux inventions de l’histoire de la culture »… Freud écrit pourtant au XIXe siècle : il aurait pu lire beaucoup des auteurs dont ce bookclub traite. Il ajoute : « peut-être ont-elles quand même inventé une technique, celle du tressage et du tissage ».

« Quand même » ; « peut-être »… On pouvait attendre de l’inventeur de la psychanalyse une meilleure connaissance de l’histoire des techniques : les femmes ont inventé l’agriculture ; ce sont souvent elles qui guérissent dans les villages, dès le Moyen Âge ; elles inventent également la gastronomie.

Mais ce ne sont sans doute pas des techniques assez nobles pour être relevées ?

Le point de vue de Freud sur les femmes me semble donc, en définitive, sérieusement entaché par bien des préjugés et des jugements hâtifs – et c’est bien dommage.