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[club] Kristeva – Logique de libération et d’ascèse

julia_kristeva2Je relève un passage de l’article « Le temps des femmes » : « lorsqu’une femme est trop brutalement écartée ; lorsqu’elle resssent ses affects de femme ou sa condition d’être social ignorés par un discours et un pouvoir en exercice (…) elle peut, par contre-investissement de cette violence subie, s’en faire l’agent « possédé ». Elle combat sa frustration avec des armes qui paraissent disproportionnées mais qui ne le sont pas par rapport à la souffrance narcissique d’où elles s’originent. (…) cette violence terroriste se donne comme programme de libération un ordre plus répressif, plus sacrificiel encore que celui qu’elle combat. »

Ce passage m’a fait penser aux béguines qui, parce qu’on leur refusait l’entrée au couvent, ont institué des communautés spirituelles où les règles de vie étaient plus soucieuses de la vertu que bien des couvents féminins de l’époque, avec ascèse et mortification pour certaines, voir réclusion volontaire et perpétuelle.

La même logique aura-t-elle toujours été à l’oeuvre dans l’histoire de l’émancipation féminine ? Est-ce là qu’il faut voir une constante dans l’identité des femmes – ou plutôt : dans l’identité humaine ? Car en quoi ce type de comportement est-il proprement féminin ?

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[club] Kristeva – « Les femmes écrivent »

kristeva 1Dans l’article « Le temps des femmes », J. Kristeva indique que la nouvelle génération des féministes, celles d’après 68, ont quitté le champ des luttes contre les inégalités, qui auraient été remportées, pour investir celui d’une recherche d’identité qui passe par la production et l’élucidation des symboles, notamment par le biais de la littérature.

J. Kristeva s’interroge sur les raisons de ce choix massif de l’écriture littéraire par les femmes : « est-ce parce que (…) elle déploie un savoir et parfois la vérité sur un univers refoulé, secret, inconscient? » (p. 325). Il s’agirait là d’un substitut à la cure analytique puisque la femme écrivain sortirait du refoulement par la parole, une parole construite et rendue publique.

Je me demande quant à moi si cette focalisation de Kristeva sur la littérature n’est pas un peu exagérée : elle parle des femmes plasticiennes plus haut, évoque le cas des sciences humaines (psychanalyse?)… Ne voit-on pas le même investissement féminin dans le cinéma, la musique, la politique ? En quoi la littérature serait-elle un « truc de filles » ? J’avoue ne pas saisir l’efficacité de son argumentation sur ce point.

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[club] Kristeva – Du genre à l’individu

kristeva 3Dans les nombreux articcles qui composent cet ouvrage revient la notion d’individu. En effet, que ce soit à travers le concept de « l’âme », auquel le monde contemporain n’accorderait plus de crédit et qu’il aurait dépouillé de son sens (« L’âme et l’image ») ou à travers l’idée de l’individualisation de la cure psychanalytique (« A quoi bon les psychanalystes »), on relève un souci de l’auteur pour l’individu et sa différence.

Concernant la question des femmes, ce prisme réapparaît dans le dernier article, « Le temps des femmes », où une définition du groupe des femmes, transgénérationnelle et transnationale, est recherchée. Une des questions soulevée par cet article est la suivante : comment penser l’unité du groupe des femmes ? En quoi l’existence de ce groupe permet de déterminer les limites d’une identité féminine ?

Citant l’exemple du socialisme (comme étape vers le communisme dans le marxisme-léninisme), elle remarque que l’identité d’Homme y prime sur l’identité féminine au nom de l’idéal égalitaire. Dès lors, les problèmes pratiques d’inégalité sociale et politique sont résolus ; les femmes « s’identifient » alors aux instruments de pouvoir dont on les charge et ne renouvellent en rien son exercice, faisant preuve ainsi de conformisme (p. 318). Faisant de ce conformisme la condition nécessaire, mais non suffisante, d’une conversion au terrorisme, Kristeva affirme dans ses dernières phrases le primat de l’individu : le féminisme « arrivera-t-il à se défaire de sa croyance en La Femme, Son Pouvoir, Son Ecriture, pour faire apparaître la singularité de chaque femme, ses multiplicités, ses langages pluriels (…)? » (p. 327).

Mais est-ce que l’atomisation du groupe des femmes n’entraîne pas l’impossibilité de toute action collective, de tout changement réel ?

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[club] Théroigne de Méricourt – La lutte des femmes ?

theroigne-de-mericourt (1)J’ai été surprise de lire l’avis d’E. Roudinesco sur le féminisme en fin d’ouvrage : « Je n’ai pas eu besoin d’être « féministe », toutes les femmes de mon enfance l’ont été à ma place. Heureusement. La lutte des femmes est terminée. La Révolution est finie. »

A mon sens, la lutte des femmes est toujours à recommencer (droit à l’IVG menacé…) et la Révolution n’a fait qu’un premier pas en 1789 (ses acquis sont de plus en plus menacés).

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[club] Théroigne de Méricourt – Portraits d’une femme

theroigne-de-mericourtThéroigne de Méricourt est une personne fascinante car sa personnalité présente plusieurs facettes : elle fut une paysanne s’élevant socialement grâce à ses charmes (même si sa réputation fut plus sulfureuse que sa vie), une égérie de la Révolution française passionnée de politique, et une aliénée. Elle réunit en une seule femme les types de la courtisane (dont l’archétype pourrait être Ninon de Lenclos), de la révolutionnaire (on pense à Olympe de Gouges) et de l’hystérique (Anna O. et consoeurs).

Ce qui fascine, c’est la coexistence de ces différentes facettes en une seule personne : comment penser la cohérence de cette personnalité ? Si elle ne fut pas si courtisane que cela, puisque la rente qu’elle touchait d’un vieux prétendant ayant été acquise sans contrepartie charnelle, elle s’est bien prise de passion pour les idées révolutionnaires et a participé à plusieurs coups d’éclat. Sa folie non plus n’est pas feinte. Le trait commun de toutes ces activités n’est donc pas une exubérance gratuite.

Des hypothèses ?

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[club] Dolto – La liturgie orthodoxe

Francoise-Dolto-La-vie-d-une-femme-libre_imagePanoramique500_220Dolto a adopté la religion orthodoxe qui était celle de son mari, Boris Dolto. Ce qu’elle en dit reflète son souci d’égalité entre femmes et hommes : « Dans la liturgie orthodoxe, l’homme et la femme sont à égalité dans leur valeur de sujet, tant devant Dieu que devant la loi. (…) Les orthodoxes disent (…) si des gens divorcent, cela prouve qu’ils n’étaient pas mariés puisque le mariage est indissoluble. » Le chapitre conclut sur le fait qu’en découvrant la liturgie orthodoxe, Dolto a découvert « une autre manière de penser, d’être en relation avec l’autre, de le comprendre » : cela me semble définir assez bien ses innovations thérapeutiques.

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[club] Dolto – D’une génération à l’autre

Carlos (Jean), Catherine, Franoise, GrŽgoire Archives DoltoDolto livre la vision des femmes qu’avait sa mère : « Pour elles, les femmes n’étaient bonnes qu’à être les servantes des hommes. Et c’était déjà bien beau d’avoir l’honneur d’élever les enfants des hommes. » D’une génération à l’autre, cette vision change : pour Dolto, l’amitié entre les sexes peut exister (cela était impensable pour sa mère), les femmes peuvent travailler, les relations conjugales sont pensées sur un pied d’égalité.

La vision de la femme comme servante de l’homme transparaît également lorsque Dolto évoque le « jour des cocons » pendant  lequel les groupe de polytechniciens dont faisaient partie son père « étaient supposés cocufier leur femme »… Mais Dolto pense comme sa mère, que ce ne fut pas le cas de son père… A l’intérieur de son propre couple, on trouve le même détachement : elle ne cherche pas à savoir où a son mari quand il ne rentre pas le soir et ne se soucie pas de savoir s’il la trompe ou pas – ce qui l’étonne, lui. Mais cette fois, c’est au nom de l’indépendance des époux que ce détachement est adopté, non en raison d’une idée d’asservissement de la femme à l’homme ou de confiance (aveugle en l’occurrence?) en l’autre.

Enfin, selon la mère de Dolto, une « fille passant le bac n’était plus mariable » : elle essaya donc d’empêcher sa fille de passer son bac. Ses essais échouèrent puisque le père intercéda auprès d’une commission statuant sur la recevabilité des candidatures : entre les deux parents de Dolto, le père était plus progressiste que la mère…

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[club] Melanie Klein – Apports à la psychanalyse

mkleinMelanie Klein a apporté plusieurs idées nouvelles à la psychanalyse des enfants, notamment l’idée de la cure par le jeu et celle de la fonction du transfert négatif, mais aussi celle de la cure comme processus éducatif normal.

Là où Freud, avec des adultes, utilise la libre association, le discours libre, Klein a recours, avec les enfants, au jeu. C’est à travers le jeu que l’enfant transforme ses sentiments, peurs, fantasmes, en histoires ou en micro-situations. Et n’est-ce pas là, en quelque sorte, le laboratoire de toute création artistique qui ne soit pas un pur divertissement, c’est-à-dire qui ne cherche pas appliquer des recettes pour plaire à un public rangé d’avance dans une catégorie étriquée ?

De plus, elle accepte de ne pas inspirer d’emblée la confiance à l’enfant analysé mais de provoquer son rejet. Le tout est d’entendre et de comprendre ce rejet, ce refus de coopérer. Cela me semble une attitude beaucoup plus honnête que la volonté d’inspirer confiance dès le début : la confiance se construit, vouloir l’initier le plus tôt possible expose à forcer des traits, à se grimer ou à se rogner, d’où à construire une relation (analytique) sur le mensonge, un mensonge que la cure passera son temps à déconstruire… Autant affronter le problème dès le début et montrer, à travers cela, qu’un refus n’est pas la fin d’une relation mais une étape nécessaire à sa construction.

Enfin, il peut sembler extrême de préconiser la cure pour tout enfant, même celui qui ne présente aucun problème, mais après tout n’est-ce pas la démarche que mène les écrivains du moi comme Montaigne (cité par MKlein sur le jeu enfantin) par exemple ? Certes, ils sont adultes, et mènent une démarche d’autoanalyse. Mais je me demande dans quelle mesure tous les ouvrages d’éducation d’aujourd’hui nous exhortant à comprendre les émotions des enfants n’entrent pas dans cette ligne d’une cure l’air de rien auprès d’enfants sans problème, d’une cure comme instrument d’éducation et qui est à penser comme préventive plutôt que comme curative.

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[club] Mélanie Klein – Les enfants cobayes

klein_34« Les enfants cobayes », c’est l’expression utilisée par Kristeva p. 46. Melanie Klein a en effet utilisé plusieurs fois ses observations à l’égard de ses enfants pour écrire des articles. De plus, elle analysait l’un d’entre eux pendant une heure tous les soirs avant le coucher.

Cela nous ramène à la question que nous nous étions posées à propos de Freud et d’Anna : en quoi un tel procédé a-t-il des effets (négatifs) sur les enfants analysés ? En quoi peut-il biaiser, également, des conclusions qui se veulent aussi établies rationnellement que possible ?

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[club] Melanie Klein – Un parcours exemplaire

Melanie_Klein_c1890 Je voudrais revenir sur le parcours personnel de Melanie Klein. Son mariage n’a pas été heureux, elle a eu 3 enfants avec un homme qu’elle n’aimait pas, a souffert de l’ingérence d’une mère toxique. Elle n’a pas fait d’études. Pourtant, elle a réussi à mener un parcours intellectuel et professionnel que beaucoup peuvent lui envier. Ce parcours, elle l’a initié à 38 ans : elle commence alors « tout juste à faire montre d’une riche créativité, jusqu’alors freinée » (p. 45).

Melanie Klein a donc dû se libérer de plusieurs entraves, sociales et familiales, avant de pouvoir s’épanouir comme individu. Que l’on partage ou non ses idées, on ne peut faire abstraction du fait qu’elle a su se défendre jusqu’au bout, sans douter d’elle-même (allant même jusqu’à adopter parfois un ton un peu péremptoire). C’est là un parcours courageux et exemplaire, à mon sens.