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Interview – Sophie Lebarbier, Les liens mortifères

Sophie Lebarbier est scénariste, productrice et autrice de polar. Après avoir créé, écrit et produit la série Profilage (TF1), elle a publié plusieurs polars dont Les liens mortifères en 2022. Une flic y enquête sur la disparition d’une actrice dont la soeur, psy, s’est éloignée avec les années. La sororité peut-elle nous sauver de la noirceur du monde ?

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Sophie Lebarbier


1. Dans ton roman, tu as choisi de mettre des soeurs au centre de l’intrigue, et l’une est victime. Y a-t-il quelque chose de romanesque dans le lien qui unit des soeurs qui t’a particulièrement inspiré ?

Effectivement, je trouve la figure des sœurs très inspirante. Je l’ai exploitée dans le roman Les liens mortifères, et aussi dans la série Profilage pendant plusieurs saisons, avec les jumelles Adèle et Camille. 

J’ai des frères mais pas de sœur. Peut-être que je fantasme un peu ce lien, sa force et son ambivalence. 

La fratrie d’une manière générale me semble une excellente matière romanesque : vous pouvez tenter de vous montrer sous votre meilleur jour à un amant, une maîtresse, à un ami même. Mais un frère ou une sœur a grandi avec vous, il connaît tous vos travers, vos petites et vos grandes faiblesses. 

Il ou elle est aussi dépositaire de la même histoire familiale que vous, c’est un trésor commun que vous partagez. Avec des interprétations différentes de cette histoire en fonction de votre place dans la fratrie, ce qui peut rendre la confrontation des points de vue riche… ou agitée. 

La relation entre deux sœurs (ou entre deux frères) me paraît plus forte encore parce que s’y ajoute inévitablement une notion de comparaison/compétition. 

Quels que soient les sentiments que vous inspirent un frère ou une sœur, ils ont eu toute l’enfance pour se sédimenter. A l’âge adulte, ils forment donc une couche épaisse, compacte et complexe. C’est une matière très riche pour nourrir des intrigues romanesques.

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2. La personne qui mène l’enquête est une femme : penses-tu que le genre du personnage principal influe sur la narration dans le cas du roman policier ? Hommes et femmes mènent-ils l’enquête de la même façon ? 

Tes questions me titillent. Instinctivement, j’ai envie de répondre que le genre du personnage principal n’influe en rien sur la narration, ou alors à la marge. Que ce qui définit un enquêteur (policier ou non) c’est avant tout le fait qu’il enquête. 

Sauf que…

De fait, dans mes romans comme dans les séries que j’ai pu créer, les personnages principaux sont toujours des femmes. C’est plus naturel pour moi de me glisser dans un point de vue féminin. Mes héroïnes enquêteraient-elles différemment si elles étaient des hommes ? Difficile de répondre sans avoir essayé.

Beaucoup de romanciers parviennent faire reposer leurs intrigues sur les épaules d’un personnage d’un genre différent du leur. Je pense par exemple à Olivier Norek. On connaît sa série sur le capitaine Coste, un homme. Avec Surface, il met en scène Noémie Chastain qui n’est pas moins flic que Coste au prétexte qu’elle serait une femme.. 

Pour autant, il n’y a pas de raison que les romanciers échappent aux biais de genre dont nous sommes tous victimes. Aujourd’hui on dispose des outils théoriques pour en être conscients. C’est déjà quelque chose.


3. « Toi,  hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère » : es-tu d’accord avec ce vers de Baudelaire qui fait du lectorat une sorte de famille pour l’auteur ou l’autrice  ?

Oui, trois fois oui. Je fais partie des auteurs qui assument d’écrire pour un lectorat (ou des scénaristes qui écrivent pour un public). Je l’assume et je le revendique. Un de mes grands plaisirs avec le roman consiste même à adresser des clins d’œil au lecteur (quand le narrateur l’interpelle directement par exemple). 

Mon travail, à travers les histoires que j’invente, consiste à faire naître des émotions chez le lecteur. Je présuppose donc chez le lecteur les mêmes emballements, aspirations, faiblesses et renoncements que chez moi. Ce sont des leviers que j’actionne sur la base de notre commune humanité.

Après, c’est comme en politique : ce n’est pas parce qu’on cherche à parler au plus grand nombre qu’on doit être démagogue et flatter les bas instincts ! 

Les liens mortifères est à découvrir au Livre de poche !

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